Homélie prononcée à la messe célébrée
lors de la journée champêtre des Anciens
le dimanche 4 novembre 2001
Évangile : Luc 18, 1-10
Nous nous retrouvons aujourd'hui pour faire mémoire comme chaque dimanche de la Cène du Seigneur, ce Seigneur Jésus Christ qui nous a aimés d'un amour qui a vaincu les forces du péché qui aliène et rend l'homme étranger à lui-même. Nous faisons mémoire de cet amour du Christ, toujours vivant en nous et parmi nous, qui a relevé Zachée et l'a libéré de son passé. L'amour du Seigneur est pardon, nourriture et joie pour nos cours. Cet amour fait de nous des artisans de la paix juste et durable. En ces moments d'anxiété et de crise, en ces moments où l'on parle du conflit entre les civilisations et de guerre entre les cultures, que peut dire un ancien de notre Collège? En quoi trouvera-t-il une lueur d'espérance pour l'avenir? Comment doit-il lire les signes des temps pour être réellement actif et acteur participant à la construction d'un avenir fondé sur la vérité, le bien et la justice?
Il est évident que je ne cherche pas à élaborer des réponses exhaustives à ces questions. Je vous propose de méditer les points suivants:
1- En premier lieu, les événements de ce monde nous interpellent pour dépasser la gestion du quotidien et de l'éphémère, et dépasser le côté mondain de nos activités pour réinvestir dans ce que nous appelons aujourd'hui les fondamentaux, c'est-à-dire pour nous nourrir de nos racines religieuses, humaines et spirituelles, pour nous interroger sur ce qui est nécessaire pour l'épanouissement de notre vie, sur les valeurs qui unifient notre comportement et orientent nos choix et décisions.
Nous nous laissons mener souvent par les médias, par les rumeurs, par des évènements qui nous émeuvent. C'est peut-être le moment de redécouvrir notre mémoire vivante, de voir quelle est notre identité et ce qui la constitue réellement. Identité qui n'est pas repli sur soi mais découverte de soi comme projet de paix et d'amitié dans la vérité. Regardons un peu le héros du jour, non pas Astérix ou Obélix, mais le Zachée de l'Évangile : comment il s'est mis à la recherche de sa raison et de sa joie d'être, comment il n'a pas eu peur de la foule, lui le pécheur, le collecteur d'impôt ; lui le petit de taille, il a été le plus haut de tous, pour voir et regarder ce qui va transformer sa vie, la convertir, lui donner sa vraie identité, sa vraie valeur et sa réelle vocation. Devant Jésus Christ il s'expose et de pécheur officiel il devient un pardonné officiel malgré les récriminations de la foule. Sa vie n'est plus divisée. Le voilà homme réconcilié. En Jésus Christ, sa maison est bénie et devient la maison des pauvres et des exclus.
2- En deuxième lieu, en faisant mémoire de ce que le Seigneur a fait pour nous, mettons l'accent durant ces moments d'inquiétude sur ce qui est positif en nous, sur ce qui a fait et fait aujourd'hui notre vie individuelle et communautaire. Apprenons d'une part à être objectifs, à dire ce qui va mal, surtout vis-à-vis de l'intolérance et de la haine, de l'exclusion de l'autre sous toutes ses formes ; sachons aussi célébrer avec le Seigneur les bonnes actions réalisées. On ne bâtit pas sur ce qui est mauvais mais sur ce qui est bon. Regardons Jésus, comment il a saisi le désir profond de Zachée d'être plus, plus juste et plus grand. Lorsque nous pardonnons, nous invitons à la vie et à l'abondance de la vie comme Jésus lui-même et nous devenons des témoins, comme Zachée, de la justice de Dieu. Jésus dépasse les a priori de la foule qui a mesuré Zachée une fois pour toutes, tandis que Jésus l'a vu comme il était. Cette attitude de Jésus me rappelle la parole de Bernard Shaw: "L'homme le plus intelligent que je connais, c'est mon tailleur, chaque fois qu'il me voit, il reprend mes mesures tandis que les autres m'ont mesuré une fois pour toutes". Laissons-nous mesurer par Jésus d'une mesure de pardon et de justice.
Seul celui qui a le regard de Jésus peut mesurer aujourd'hui le salut qui donne sens à nos vies. En cette quarante-neuvième année de Jamhour, à la veille du cinquantième anniversaire, soyons les témoins de ce salut, de cette liberté nouvelle, à temps et à contre-temps, en priant pour la paix et la justice. Amen.