Mot du Dr. Assaad RIZK
prononcé le 25 Juillet 2005
à l'occasion du dîner de la mutuelle

 

 

Monsieur le Ministre et Cher Ami,

Révérend Père Recteur,

Mesdames, Messieurs,

L'examen de conscience est un exercice spirituel secret. Je vous demande la permission de le faire ce soir en public, mais un public d'anciens, c'est à dire en famille. Trois parties formeront mon exposé : d'abord mes souvenirs de Collège, puis l'expression de mon admiration pour la Compagnie de Jésus et enfin, l'Amicale des Anciens et le retour au bercail.

Entré tardivement au Petit Collège en 1938 à l'âge de 7 ans, j'ai très mal vécu cette première expérience. J'ai été amené à passer pratiquement le premier mois de mon entrée au Petit Collège, dans les jupes de la Soeur Saint Marc, tellement le premier choc de cette entrée m'avait affecté. C'est seulement après plusieurs semaines que Soeur Saint Marc, m'ayant choisi un jeune camarade, Cyril Bustros, tout blond et au visage rieur, que j'ai accepté de m'installer auprès de lui et démarrer ainsi ma vie scolaire.

Petit Collège, puis Grand Collège, Sortie de promo en 1948, comment ne pas évoquer ces dix années avec émotion et émerveillement, car on embellit forcément ses souvenirs, d'autant plus qu'ils sont anciens.

Je me souviens d'abord, de l'ensemble des bâtiments qui constituaient le Grand Collège. À cette époque, le Grand Collège nous semblait énorme, avec cette grande et belle chapelle toujours présente, ces orgues qui chantaient uniquement lors des grandes occasions, ces locaux, en pierre beige et grise du pays, qui comportaient plusieurs étages, reliés entre eux par des corridors extérieurs de style colonial, réservés aux classes, à l'administration et surtout à cette préfecture dont le seul nom nous terrifiait.

Tout autour, de vastes cours ombragées, mais aussi, des locaux pour un internat qui accueillait des élèves très cosmopolites de tous les pays voisins jusqu'en Iran. Je me souviens encore du nom d'un camarade iranien ou ouzbek au nom très poétique : Igor Manoutcher Soleiranipour.

Bien d'autres noms sont à évoquer ici, en particulier ceux de nos maîtres qui ont marqué de nombreuses promotions, quoique mes souvenirs ne soient plus très précis, je citerai néanmoins les Révérends Pères Préfet Bonnet Aymar et Alban de Jerphanion. Mes professeurs des classes terminales : les Pères Antoine Hede, Victor Pruvot, Pierre Xanthaxis, Jean Perouse et Henri Pelissier.

Nous étions alors répartis en divisions : Petits, Moyens et Grands, elles-mêmes séparées en internes et externes. Les internes étaient un peu plus privilégiés parce qu'ils avaient choisi d'apprendre le latin. Les thèmes et les versions latines, si pénibles fussent-elles, ont indéniablement contribué à une formation intellectuelle et à une ouverture d'esprit en tous points remarquables.

Ces évocations, je les fais pour la première fois, mais j'estime que ce soir l'occasion est unique pour en parler, avec de plus cette charge émotionnelle encore plus forte avec le nombre des années écoulées.

Je terminerai ces souvenirs, en évoquant à l'intention des jeunes, certaines particularités de notre Collège qui ont disparu aujourd'hui. D'abord les messes quotidiennes à 7h.30 tous les jours, pendant huit ans, cela fait plus de 2000 messes, elles devraient suffire pour toute une vie. J'évoquerai aussi certains jeux qui ne sont plus de mode : les échasses, l'équipe d'échasse de ma division des grands internes était restée longtemps championne toutes catégories.

Je me dois en terminant d'évoquer spécialement les amitiés qui se sont liées durant toutes ces années, elles restent les plus précieuses parce qu'elles ont été spontanées, directes, sans calcul ni arrières pensées, elles perdurent toute la vie durant.

Après mes années de Collège, promotion 1948, je m'absente douze ans en France. Entre temps, le Collège Secondaire des Pères Jésuites s'installe dans ses nouveaux locaux et prend le nom de Collège Notre-Dame de Jamhour. Je ne rentre au Liban qu'en 1961 et je plonge à corps perdu dans des activités astreignantes : Pratique médicale, Enseignement à la Faculté, direction d'un Hôpital, si bien que mes rares visites à Jamhour se sont réduites uniquement à ma présence aux Premières Communions de mes trois enfants entre 1967 et 1973, puis la guerre et puis voilà.

Chers Amis, les raisons de mon examen de conscience publique les voici : Je m'en veux d'avoir rompu les amarres avec mon Collège, d'avoir relégué au deuxième plan ce passé si merveilleux, et surtout d'être resté si longtemps loin d'une partie de mes précieuses racines.

Révérend Père Recteur,

C'est grâce à votre invitation qui m'a permis d'assister à la Sortie de Promotion 2005, que je rétablis enfin ce lien que je reconnais n'avoir que partiellement rompu, puisque tous mes enfants sont élèves du Collège, ainsi qu'aujourd'hui mes petites filles, et qu'en Octobre prochain, le petit Assaad débutera la première année de ses treize années de Collège, Inchallah.

À présent, le deuxième volet vous dira mon admiration pour la Compagnie de Jésus. Les Pères Jésuites, prêtres à la fois missionnaires et enseignants, ouverts au monde, ont suivi les préceptes inculqués par leur fondateur : "Ite et inflammate" "Allez et enflammez le monde", du Japon aux Indes, de la Chine à l'Afrique et aux Amériques, l'Amérique du Nord, l'Amérique Centrale et surtout l'Amérique du Sud avec l'extraordinaire expérience de la République Jésuite des Guaranis.

Dans sa lettre aux Jésuites portugais, Ignace de Loyola disait "que nos frères se distinguent par la pureté et la perfection de l'obéissance". Docilité sans faille jusqu'à l'abolition de la volonté et même accepter de se comporter comme un cadavre "Perindec ac cadaver", précepte qui a été certes, très critiqué plus tard, mais qui continue à distinguer les Jésuites dont la politique jusqu'au boutiste force l'étonnement, l'admiration et le respect du monde.

C'est ainsi que les Pères Jésuites ont abouti à l'excellence dans la formation, grâce à cette discipline de fer qui a forgé des générations d'hommes.

Les réalisations libanaises dans le domaine de l'éducation sont considérables depuis le retour de la Compagnie de Jésus au Liban en 1831: L'Université Saint-Joseph fait partie du Patrimoine Libanais, elle est sans conteste avec l'AUB, le centre d'excellence dans l'enseignement supérieur. Venons-en au Collège Notre-Dame de Jamhour que j'ai eu l'occasion de visiter tout récemment : Les bâtiments, même anciens, sont bien entretenus dans un environnement calme et verdoyant, le centre sportif culturel et social rendrait jaloux les plus beaux campus américains. Mais tout cela ne serait rien sans vos réalisations dans le domaine éducatif, Notre-Dame de Jamhour restera un des fleurons de notre enseignement pré universitaire. Vous avez constamment réussi â former de jeunes élites merveilleusement armées pour la vie.

Par crainte d'être incomplet, je ne nommerai aucun de vos élèves, mais ils sont nombreux ceux qui ont marqué de leur empreinte la vie Libanaise : Hommes politiques, hommes d'affaires, scientifiques, intellectuels, penseurs, etc. Toutes ces réalisations reviennent à la formidable dynamique de la Compagnie de Jésus qui s'est développée à partir des orientations d'un fondateur de génie, Ignace de Loyola, il y a environ 450 ans.

Chers Amis,

J'ai été long mais j'ai voulu publiquement regretter ma faute d'être resté si loin de vous. Aujourd'hui, grâce à l'Amicale qui nous réunit ce soir, Amicale des Anciens dont je fais partie intégrante et qui est sans contexte, un lien très particulier entre les élèves des Pères Jésuites où qu'ils soient dans le monde.

Cette Amicale est également et surtout, j'en suis persuadé, un projet de soutien financier aux familles moins privilégiées, et dont les enfants pourront poursuivre leurs études au Collège, grâce aux bourses assurées par les Anciens. Il s'agit d'un merveilleux lien de solidarité, qui devrait être l'exemple pour que toutes les Communautés Libanaises tissent de nouveaux liens de solidarité entre elles, afin de rénover notre système politique pour un Meilleur Liban.

Vive l'Amicale des Anciens de Jamhour

Vive le Liban

Dr. Assaad RIZK


Collège Notre-Dame de Jamhour, LIBAN
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