Titre
Bernard Charvet, s.j. (1914 - 1997)
Témoignage Jean Dalmais, s.j.

 

Comment ne pas évoquer sans émotion le souvenir de celui qui a consacré cinquante ans de sa vie au Liban, et quarante ans à ce Collège ? Bernard Charvet, était né le 1er septembre 1914, sixième d'une famille de dix enfants, profondément attachée aux valeurs chrétiennes et à de solides traditions familiales. Il suivra tout naturellement ses frères au Collège des Jésuites de Lyon, et se sentira très tôt appelé à rejoindre Bruno, son aîné de six ans, dans les rangs de la Compagnie de Jésus. En juillet 1939, il est envoyé au Liban, pour effectuer son service militaire, comme coopérant.

Au début de la guerre, il est mobilisé et affecté à la surveillance des plages de Khaldé. C'est durant cette période d'attente et d'inaction qu'il décidera de consacrer sa vie à la terre libanaise. Démobilisé en 1941, il va suivre des cours d'arabe ; mais il faut croire que les méthodes d'enseignement utilisées à cette époque n'étaient guère compatibles avec le tempérament artiste et primesautier de Bernard, car il ne réussit jamais, malgré ses dons remarquables d'imitation, à posséder cette langue.

Ordonné prêtre, en août 1947, à Lyon, il est à nouveau envoyé, sur sa demande, au Liban. L'été 1948, il va seconder le père d'Alverny à Bikfaya, à l'Ecole Notre-Dame de la Délivrance, avec le vain espoir de ses supérieurs qu'il pourrait se remettre à l'étude de l'arabe. C'était bien mal connaître Bernard, plus enclin à consacrer le plus clair de son temps à sa clientèle enfantine, charmée par ses charismes d'entraîneur, ses talents de conteur, de comédien, et de … prestidigitateur!

Sa voie était maintenant toute tracée et les supérieurs renonceront à lui imposer des contraintes incompatibles avec son tempérament fantaisiste. De 1950 à 1954, il est nommé à Tanaïl comme ministre de la Résidence et directeur de l'école apostolique et de l'orphelinat. Enfin, il rejoindra, en août 1954, le Collège de Beyrouth qui venait de s'installer sur la colline de Jamhour; et c'est là, désormais, qu'il passera toute sa vie apostolique comme Père Spirituel des Cinquièmes, aumônier de scouts, guides et louveteaux, professeur de français et animateur de théâtre. Durant ces quarante années, où il se dévouera sans compter à de multiples tâches, ses compagnons jésuites, ses collègues et ses élèves pourront apprécier ses talents artistiques, son charisme pédagogique de catéchète et de professeur. Qui, parmi ses scouts, ses guides et ses louveteaux, n'a pas été charmé par ses tours de passe-passe, ses imitations de cris d'animaux, ses remarquables dons de conteur et de comédien ? Quel élève de cinquième n'a pas retenu avec facilité les comparaisons parlantes, suggestives, dont le père Charvet avait le secret, pour introduire son auditoire dans les mystères de la foi chrétienne?

Qui n'a pas le souvenir de ce Mystère de Noël dont il était, à lui seul, le metteur en scène, le décorateur, le costumier, le grimeur et … le souffleur? Sans parler de ses fameuses règles de grammaire qui l'avaient entraîné dans des discussions passionnées avec son préfet d'études ?

Figure originale de jésuite, parfois déconcertante, qui pouvait faire illusion et empêcher ceux qui le connaissaient mal de le prendre suffisamment au sérieux. Mais cette fraîcheur d'âme, ce caractère fantasque, ce côté "adolescent" qu'il conservera jusque dans la vieillesse, n'avaient rien de superficiel, et cachaient en réalité de solides qualités spirituelles et apostoliques, une vie religieuse impeccable, un don de sympathie irrésistible, une fidélité sans faille à ses amitiés, et beaucoup d'attachement à sa famille qu'il aimait à retrouver durant les vacances d'été.

Ayant subi quelques alertes de santé, qui lui ôtèrent pratiquement la possibilité de lire et d'écrire, il dut, avec certains déchirements, quitter définitivement le Liban et son cher Collège de Jamhour en juillet 1994, pour rejoindre la maison de repos de Lyon, d'où il est parti sans bruit et dans la sérénité d'une vie bien remplie. Son souvenir restera bien vivant à Jamhour et parmi ses anciennes guides de Saint Mesrob et de Bourj Hammoud, non seulement grâce à ses oeuvres artistiques, ses innombrables photographies, l'immense carte en relief du Liban, la fameuse mappemonde en carton qui ornent la " Galerie des Fontaines " baptisée par la suite "Galerie Père Bernard Charvet", ainsi que les nombreuses statues de la Vierge, disséminées et distribuées un peu partout, jusqu'au Tchad, mais surtout par le rayonnement de son sourire, sa solide spiritualité, son dynamisme et son dévouement inaltérable.

Il a certainement été accueilli dans la maison du Père, comme ses enfants qu'il aimait tant, "car c'est bien à eux qu'appartient le Royaume des Cieux".

Jean Dalmais, s.j.
Supérieur de la Résidence Saint-Joseph

Collège Notre-Dame de Jamhour, LIBAN
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