Voici un témoignage touchant, une lettre adressée au père Mayet
par un de ses anciens élèves, M. Adnan AYTOUR, Promo 51.


Beyrouth, le 17 mai 2000

Mon Révérend Père, bonjour.

Ce matin, je terminais 2 lettres à mes enfants restés en France. Comme je cachetais les enveloppes, je me dis : tiens, tu dois répondre au Père Mayet. Tu as trop tardé.
Je me lève ensuite de mon bureau, je rentre chez un collègue, je luis prends le journal, chose inhabituelle dans mon travail, je feuillette les pages du journal.
Quel coup je reçois, quand mes yeux tombent sur votre nom écrit en arabe. Et pourquoi ? Pour une messe de requiem qui sera célébrée en votre honneur le lundi 29 mai à 18 heures dans la chapelle de Notre-Dame de Jamhour. Cette église qui vous a vu durant des années, entendu vos chants, écouté vos prières et vos plaintes, pourquoi pas!
Comment, mon cher Père Mayet, ne pas évoquer le souvenir de notre amitié. Vous veniez juste de France, jeune prêtre rouquin dynamique et nerveux, avec une lanière à la main. Je venais de monter de chez les Petits, aux moyens externes. Vous assumiez la direction de la section des moyens externes avec Monsieur Simon Hakim! Vous rappelez-vous ? Il y a de ceci 60 ans déjà. Chaque fois que je vous demandais pour aller boire en fin de récréation, vous me disiez NON! Et par la suite, devenus tous les deux grands, vous m'avouiez que je m'exprimais mal en français, c'est pourquoi vous disiez NON.
Comment, ne pas évoquer ce mois de Marie, que vous nous aviez appris à célébrer! Vous rappelez-vous, combien vous vous appliquiez à rendre belle notre grande salle de surveillance, à y mettre partout des fleurs, et le lys blanc aux pieds de la Vierge Marie!
Vous rappelez-vous comment nos chants de prière montaient plein de nos poumons d'enfants! Vous rappelez-vous comment Hassan Rifaat et moi-même, vous étonnions de notre foi de musulmans, et de notre union avec les chrétiens!
Je n'oublierai jamais Père, quand bien des années après, je vous rencontrai avec votre sœur dans les couloirs du métro de Paris. Vous aviez toujours le même visage de rouquin, le même sourire, le même regard, le même étonnement devant les choses de la vie!
Et quand vous êtes retourné au Liban en 1998, une canne à la main, vous me disiez : Adnan, je vous reconnais à la voix, elle n'a pas changé! Et quelle tendresse vous aviez d'évoquer notre enfance, qui donnait du fil à retordre à votre jeunesse!
Père, je m'excuse de ne pas vous avoir répondu en temps voulu. Vous voyez, je m'exprime toujours mal en français. Ce n'est pas à moi de m'excuser, c'est à moi de présenter mes excuses, à vous de bien vouloir les accepter!
Mon cher Père, comment vous évoquer ? Un saint homme de France que j'ai connu au Liban ? Une étoile filante dans le ciel de ma vie. Oh Pauvres de nous-mêmes.
Je vous dirai Adieu, nous nous rencontrerons là-haut! Vous me répondriez NON, car Adnan, vous irez en Enfer. Et moi de vous répondre mon père, non tous les deux chez le bon Dieu. Alors ce n'est pas un adieu que je vous dis, mais un Au Revoir.

Vôtre Adnan

Collège Notre-Dame de Jamhour, LIBAN
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