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Le Père Allard se fit connaître comme
orientaliste et l'un des piliers du dialogue islamo-chrétien. Ce fut un
chercheur méticuleux et un professeur d'une vaste culture, en même temps qu'un
bon administrateur universitaire.
Il était né à Brest d'un père officier de marine, et fut élevé au collège jésuite de cette ville, qui est la base la plus importante de la marine militaire française sur l'Atlantique. Il avait pensé, comme son père, à entrer dans la carrière d'officier de marine. Mais à la suite d'une retraite spirituelle effectuée à la fin de ses études secondaires, il se sentit appelé par Dieu à une autre vocation et entra dans la Compagnie de Jésus avec l'idée de partir en Orient.
Après 4 ans de formation spirituelle et littéraire, il commença en 1946 l'étude de la langue et de la littérature arabes à l'Ecole de langues de Bikfaya, au Liban. Il poursuivit sa spécialisation à la Sorbonne, obtenant un Doctorat ès lettres avec une thèse sur Le problème des attributs divins chez Al-Ash'ari et ses premiers disciples (1965). Un autre travail consista en la mise au point et la publication d'un manuscrit du Père jésuite Maurice Bouyges, ayant pour titre Essai de chronologie des œuvres d'al-Ghazâlî (1959).
En collaboration avec Gérard Troupeau (qui lui était apparenté), il publia l'Epître sur l'Unité et la Trinité, œuvre de Muhyiddîn al-Isfahâni (1962). Il réalisa, en collaboration avec le Père Francis Hours et deux autres chercheurs, une Analyse conceptuelle du Coran sur cartes perforées. Il publia encore, avec une introduction et une traduction française, plusieurs textes d'apologétique islamique de l'auteur Abdallah Ibn Abd el Malik Guwainî (mort en 1085 A.D. / 478 H.). Il fut encore l'auteur, en arabe, d'un livret intitulé: La méthode scientifique et l'esprit critique, ainsi que de nombreux articles parus dans des revues spécialisées. Il publia aussi dans la revue Travaux et Jours, qu'il dirigea un certain temps.
Dans tous ces ouvrages, il a abordé l'étude de l'Islam, de ses écoles et de la civilisation arabe ancienne et moderne avec respect, loyauté et sans flatterie, donnant l'exemple du véritable dialogue entre les religions et les civilisations.
En 1963, il devint Directeur de l'Institut des Lettres Orientales de l'Université Saint-Joseph et le resta jusqu'à sa mort. Il donna à cette institution vie et activité, et accrut sa renommée scientifique au point que de nombreux candidats au doctorat s'y pressèrent, dont beaucoup sous sa direction.
Malgré l'éclatement de la guerre au Liban en 1975, il poursuivit son travail, assurant conseils et assistance à ses étudiants, voyageant au besoin dans les autres pays arabes pour leur épargner déplacements et dangers. Il rentrait de Damas dans la soirée du 15 janvier 1976 et avait gagné sa chambre au 9ème étage de l'immeuble, malgré les conseils de trouver au sous-sol un refuge plus sûr pour la nuit. Un obus dévasta sa chambre à la fin de la nuit. Il mourut à 52 ans. Deux semaines avant sa mort, un de ses compagnons jésuites lui disait: " Si le Liban disparaît, une partie de notre confiance dans l'avenir et le rapprochement entre les hommes s'éteindra avec lui". A quoi Michel Allard a répondu: "C'est exactement ce que je pense, mais je ne perds pas l'espoir".