Recteur du Collège Notre-Dame de Jamhour (1955 -1960)
Recteur de l'Université Saint-Joseph (1971 -1976)
Supérieur de la Région Jésuite du Liban (1971 -1977)
Puis-je évoquer le souvenir d'une personne, apparemment réfractaire
à l'analyse, parce que intimidante et farouchement timide ?
Je me limiterai en parlant du père Edouard Mouracadé, à
l'aspect qui me paraît le plus marquant de sa personne: "Edouard
le Bâtisseur", à travers un chemin jalonné de
"ruptures". Ruptures, qui ne signifient nullement une évasion
du réel, ni un détachement isolant mais une meilleure assomption
de la réalité dans sa vraie et authentique dimension.
* Rupture avec l'univers des affaires bancaires où il avait commencé
une carrière, et l'engagement au service inconditionnel de Dieu
et des hommes au sein de la Compagnie de Jésus.
* Rupture avec le lien familial et toute l'affectivité qui le gouverne,
et impartialité objective du Recteur allant jusqu'au renvoi d'un
proche parent du Collège.
* Rupture avec une certaine uniformisation latine, séquelle du
dix-neuvième siècle et qui prévalait à l'époque,
au sein de la Compagnie, et qui l'a amené à être,
il y a exactement 50 ans, un des premiers Jésuites du Proche-Orient
à célébrer la liturgie byzantine, pour une meilleure
inculturation.
* Rupture avec le monde de la procure, et de toutes les aliénations
financières et économiques, compassion et compréhension
paternelle du personnel de l'Imprimerie Catholique et de leurs problèmes,
avec un grand souci de Justice et de Charité (au sens plein du
terme).
* Rupture entre les apparences strictes et sévères et tout
l'élan de l'aumônier scout, la chaleur du conseiller spirituel,
et la finesse du confesseur.
* Rupture enfin avec le monde : quand je l'ai rencontré la dernière
fois à la nouvelle résidence des pères (qu'on appelle
familièrement "Tour Edouard"), l'âge et la maladie
semblaient l'avoir libéré des coordonnées spatio-temporelles.
A travers toutes ces ruptures, transparaissait Edouard-le-Bâtisseur.
Bâtisseur, mais surtout redresseur des situations difficiles, excellent
analyste des dossiers aussi bien théologiques que techniques, économiques
et financiers ; il n'a pas seulement contribué à construire
des chantiers mais surtout des hommes.
Son enseignement théologique au Grand Séminaire Oriental, à la Faculté de Théologie et à l'Institut Supérieur de Formation Religieuse évitait les effets faciles, ne sortait pas des normes classiques, mais s'éloignait de l'hermétisme, et avait tout le souci de l'ouverture au monde dans le respect de la vérité.
Son esprit exigeant et tranchant comme le ciseau d'un sculpteur ou le diamant d'un vitrier, informait profondément (au sens aristotélicien du terme) tous ceux qui l'abordaient.
Avec le père Edouard Mouracadé, il fallait appliquer dans
toute sa profondeur ce proverbe qui nous pousse à ne pas nous fier
aux apparences et à découvrir derrière ce masque
de réserve et de sévérité, l'homme, tout l'homme
dans son uvre et sa mission.
Le père Edouard Mouracadé (Edouard-le-Bâtisseur) a
laissé à son insu sur beaucoup de personnes qu'il a côtoyées
un impact profond.
Georges Salloum
Promo 1963
Extrait du " Nous du Collège " de juillet
1994