D'Arlebosc en Ardèche, à ce pays des Cèdres où il s'est enraciné "ma famille, c'est vous" aimait-il répéter, comment résumer en quelques mots toute l'ardeur et la fidélité d'Henri Pélissier.
Ardent et Fidèle
"Pendant de longues années, le père Pélissier fut notre maître à penser. Et pour nombre d'entre nous, il le demeurera jusqu'à la fin de ses jours. Ce porteur du mot profond était aussi un apôtre du Christ des plus ardents. Le feu qui embrasait sa parole exerçait un singulier impact sur ses auditeurs. Que de fois, lors de son discours sur les vérités de la foi et sur la vie spirituelle nous nous étions fait la réflexion que des paroles aussi incandescentes ne pouvaient venir que d'une expérience spirituelle particulièrement intense, si bien que nous étions convaincus que ses analyses étaient autant de témoignages ; c'étaient des tranches de vie qu'il ne pouvait s'abstenir de partager discrètement avec nous" (Raymond Chémali).
"Tantôt calme et patient, tantôt effervescent, profond, généreux et attaché à tout, sa présence électrifie" (Joseph Sokhn).
"Cet homme délicat, chaleureux, sensible parfois jusqu'à la susceptibilité, nous a laissé le souvenir d'une fidélité extraordinaire. Fidélité dans sa vie personnelle et religieuse, fidélité dans sa tâche de professeur et d'éducateur. (Sa classe de philo n'était-elle pas elle aussi une communauté de partage? Qui ne se souvient de l'importance qu'il donnait à la fête de saint Thomas d'Aquin, qu'il préparait avec tant de cur?). Fidèle, le P. Pélissier l'a été dans ses amitiés. Jusqu'à ses derniers moments où la maladie lui avait ôté presque complètement tout moyen de communication avec ses frères et ses amis, son regard est resté celui d'un homme accueillant, chaleureux, ouvert à l'amitié" (Jean Dalmais, s.j.).
"Vous appeliez-vous Joseph, Antoine, Georges, Elie, Maroun ; votre anniversaire de naissance ou de mariage tombait-il tel ou tel jour de l'année ; aviez-vous quelque célébration particulière, individuelle ou familiale, vous étiez sûr de recevoir de lui, le jour même, une brève visite ou au moins un appel téléphonique pour vous dire qu'il pensait à vous, qu'il ne vous avait pas oublié et pour vous présenter ses meilleurs vux. Cette attention à tous et à chacun d'une exquise délicatesse ne laissait pas de nous toucher jusqu'au plus profond de nous-mêmes" (Raymond Chémali).
Philosophe et éducateur
Henri Pélissier n'a-t-il pas été un des premiers à initier à la pensée de Teilhard de Chardin, n'avait-il pas préféré parmi tous ces prénoms celui de Henri, en hommage à Bergson qu'il préférait ? N'a-t-il pas par son exemple suscité des vocations d'éducateurs ?
"La "vocation" d'enseignant, écrivait-il n'est pas facile et chacun a besoin du soutien de tous. Chaque élève doit être éveillé peu à peu à l'humain, à tout l'humain. Il ne s'agit pas seulement d'apprendre des matières d'examen, mais de devenir de plus en plus homme, personne humaine, conscient, libre, accueillant à tous, et d'abord aux plus proches, sachant prendre en son cur le souci de tous. Education donc de tout l'homme et non pas seulement instruction. Pour y réussir chaque enseignant doit d'abord se former consciencieusement lui-même".
Apôtre
Henri Pélissier, aumônier Général de
la J.E.C. avait déjà découvert par le biais
de l'action catholique toute la dimension de la vocation et de la
mission des laïcs dans l'Eglise et la Cité.
En 1946, il a fondé avec deux jeunes laïcs (Joseph Antoun
et Joseph Sokhn), la J.N.P.C (Jeunesse Normalienne Primaire Catholique)
qui est devenue en 1950 la Communauté des Enseignants Chrétiens
(C.E.C.) et qui constitue un lieu de formation et de vie communautaire
pour des Enseignants du secteur public et privé, des jardins
d'enfants à l'université, et qui se veulent témoins
du Christ et des valeurs évangéliques auprès
de leurs élèves et de leurs collègues.
"Je me souviens encore qu'à la C.E.C. nous étions
les premiers à avoir étudié sous sa direction
certains actes majeurs du Concile cuménique Vatican
II qui venaient d'être publiés, dont les constitutions
Lumen Gentium et Gaudium et Spes qui ouvraient nos jeunes esprits
aux larges horizons et aux nouvelles perspectives proposées
par le Concile à l'Eglise universelle." (Raymond
Chémali).
Si le grain ne meurt
Cette graine transportée par l'Esprit, de la terre de France dans notre terre libanaise, où elle a poussé, mûri et produit en abondance, y repose en paix depuis le 28 février 1978. "Vacabimus" écrivait-il, en citant saint Augustin, au ciel, nous serons en vacances. Cette mort que nous craignons, il nous invitait à la regarder "comme un passage des ombres à la réalité enchanteresse ; l'essor en plein azur du papillon souple et diaphane, désormais dédaigneux de sa chrysalide " et il espérait "qu'à la fin de son voyage terrestre, il se retrouve auprès de la Vierge, dans le ciel, lui offrant l'hommage de sa fidélité à Jésus-Christ".
Georges Salloum
Promo 1963