[Mot du recteur, le père Salim Daccache s.j.] [Album photos]
“El torero esta móvil rápido
Cómo una pelota de muchacho
Es el más bonito
Cómo los caballos
El máscansado del mondo”
Point n’est besoin de se livrer à de savantes recherches dans une anthologie de la poésie espagnole pour connaître l’auteur de ces vers qui célèbrent « El torero de l’España ».
En réalité, il s’agit de l’œuvre commune de trois élèves de 10e. N’en soyons pas surpris.
Étant de culture hispanique, nos jeunes poètes, Antonio Chelala, Eduardo Baldo et Inès Fallaha ont su donner le ton de la Flânerie du lundi 26 mai, un ton très, très espagnol.
La participation artistique des élèves de 10e fut de la part des organisateurs et des responsables un véritable coup de maître, aussi inattendu que réussi.
En effet, pour la première fois dans le cycle des flâneries, des élèves du Petit Collège se trouvaient être des partenaires artistiques associés à cette manifestation culturelle centrée sur l’Espagne.
Grâce à l’initiative de sœur Hyam Abou Jaoudé, préfet des Minimes, les professeurs de matières artistiques, peinture, dessin et poésie, ont assuré la motivation des élèves pour permettre aux talents de s’affirmer. Et les résultats furent surprenants, à la hauteur des thèmes proposés : Picasso, la tauromachie et le flamenco. Quoi de plus espagnol ?
L’exposition très remarquée des œuvres choisies offrait une synthèse de la culture de l’Espagne. Laissons notre regard être saisi par les images et les rimes.
En admirant le dos musclé du toro aux cornes tendues, telles que Roxane les a représentées, on se prend à chantonner l’air célèbre de Carmen. La danseuse de flamenco saisie par Rhodia n’est que mouvement, cambrée et tendue comme une flamme rouge. Tala, émule de Picasso, fait jaillir un coq tout en couleurs hors de sa feuille. Romy nous émeut avec l’Enfant de la période bleue. Ils confirment à leur manière la conviction de l’artiste : « Dans chaque enfant, il y a un artiste. Le problème est de savoir comment rester un artiste en grandissant. »
Plus loin, quelques poètes ont traduit avec réalisme le destin du « toro ».
« En Espagne, c’est bien connu
C’est le taureau l’heureux élu.
Tout le monde se réunit
Pour la dernière heure de sa vie.
La vedette de la corrida
S’efforce de gagner le combat
Cependant tout vers la fin
Il s’éteint.
C’est son destin. »
Destin scellé par Léa Farhat.
Selon Andrew Rebeiz, tout l’art de la tauromachie se ramène à cette fine analyse :
« Ses plus petits mouvements
Font couler le sang
On est impuissant
Face à ce géant
Pourtant de tous les animaux
C’est lui le plus idiot
Quand il s’agit de combat contre le torero. »
L’espace nous manque pour citer d’autres vers tout aussi expressifs.
La partie de la galerie où étaient exposés dessins, peintures et poèmes jamhouriens était vite devenue le point de convergence des flâneurs et des invités. Les plus enthousiastes étaient bien sûr les fiers parents des artistes exposés. Parmi ces jeunes personnalités, on pouvait reconnaître quelques visages sympathiques et bien connus : Tamara el Koussa, ravissante dans sa robe espagnole, prenait la pose des danseuses de flamenco.
Catherine Nahas désignait fièrement sa peinture à ses parents admiratifs. Monsieur l’Ambassadeur d’Espagne se prêtait de bonne grâce au rituel des photos familiales en compagnie de Sara Maria Lattouf, toute ravissante dans sa robe mauve.
Très distingué, Assaad Rizk, désignait son poème au caméscope paternel. Vif et détendu, Antonio Chelala prouvait que la tenue du Collège peut aussi se porter comme habit de soirée.
Et pour clôturer cette page de mondanités jamhouriennes, nous donnons le nom des élèves sélectionnés et primés pour leur participation artistique à la Flânerie en Espagne.
Peinture : 1er prix : Catherine Nahas, 10e4
2e prix : Almir Aoun, 10e2
3e prix : Tamara el Koussa, 10e7
Poèmes : 1er prix : Sara Maria Lattouf, 10e3
2e prix : Assaad Rizk, 10e7
3e prix : Antonio Chelala, 10e7
Des photos d’artistes espagnols encadraient et mettaient en valeur les travaux des élèves. Paysages et vues de l’Espagne : autant d’invitations à aller flâner tout de suite à Madrid, à Cordoue, à Grenade.
Gros plans tauromachiques : l’affrontement majestueux et rituel entre l’Homme et la Bête. Valse de couleurs : le rouge et le noir, le scintillement de la lame et la blancheur menaçante des cornes. Le regard adulte du photographe rejoignait l’intuition naïve du dessin de l’enfant.
Mais l’heure culturelle sonnait pour se retrouver à l’auditorium archicomble. Notre premier rendez-vous avec Mme Maria-Cruz Khater était une véritable initiation. Pour comprendre la place de l’Espagne dans l’Europe d’aujourd’hui, il faut revenir au grand mouvement qui l’a transformée dans la seconde moitié du XXe siècle. Son histoire s’est construite à travers des périodes glorieuses : la Reconquista, la découverte de l’Amérique, le siècle d’or. Après la période d’ombre de la guerre civile et du franquisme, l’âme de l’Espagne allait à nouveau se manifester et rayonner. Ce fut le grand mouvement de la Transition, commencé en 1969, et qui a conduit l’Espagne à son rayonnement actuel au sein de l’Europe. Ce mouvement, fragile en son début, s’est imposé grâce au rôle du roi et du gouvernement Suárez. Ce mouvement, fondé sur les valeurs de la démocratie acceptée par tous les partenaires politiques, fait de l’Espagne une nation modèle et dynamique. Le Mouvement de la transition démocratique s’est accompagné d’un mouvement culturel, la Movida, véritable foisonnement d’idées, d’œuvres. L’un des plus célèbres représentant de ce courant, Almodovar, se fait dans ses œuvres le chantre de la célébration de la vie et de la liberté.
« Espagne, mon amour », tel était le titre évocateur du second rendez-vous culturel de la soirée. M. Gérard Bejjani, avec une maestria appréciée, se proposait de nous faire partager cet « amour » à travers la littérature espagnole. Pour ne point édulcorer son exposé magistral, si bien présenté et illustré par la projection de tableaux, nous reprendrons les grandes lignes de cette initiation. Grâce au romantique français, Gérard de Nerval, nous pénétrons avec ses vers, dans « Mon doux pays des Espagnes », pays aux grandes richesses littéraires. Le conférencier en dévoile six. D’abord, deux grands mystiques : sainte Thérèse d’Avila, 1515-1582 et saint Jean de la Croix, 1542 – 1591.
Goûtons des cris de l’âme de la grande sainte Thérèse : « Je vis mais sans vivre en moi
Et mon espérance est telle
que je meurs de ne pas mourir. »
Parmi les grands chefs-d’œuvre de cette littérature, on ne peut pas ne pas citer : Miguel de Cervantès Saavedra, 1547 – 1616, auteur de « El ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha. » Retenons de lui cette sentence qui exprime tout le sens de la chevalerie : « Le sang s’hérite et la vertu s’acquiert, et la vertu vaut par elle seule ce que le sang ne peut valoir. » L’autre auteur présenté est Pedro Calderón de la Barca, 1600 – 1681, célèbre pour « La vie est un songe ».
Le conférencier présente alors deux écrivains contemporains. Sous le titre des « Beaux ténébreux », nous faisons mieux connaissance avec Federico Garcia Lorca, 1898 – 1936, et son œuvre « La casa de Bernarda Alba ». Enfin, Carlos Ruiz Zafón, 1964, présenté par quelques extraits de son œuvre : « L’ombre du vent ».
L’auditoire séduit par cet exposé si enrichissant se promet de reprendre et d’approfondir tel ou tel aspect de cette littérature.
Notre faim de culture se sentant apaisée, nous passons à d’autres nourritures.
Surprise ! Le dîner a pris un caractère estival, digne de ceux que l’on peut partager tard le soir sur une place espagnole. Les tables sont disposées sur la pelouse.
De la tribune pavoisée aux couleurs de l’Espagne et du Liban, mais aussi du Collège et du Centre, Madame Joumana Hobeika souhaite la bienvenue à tous les présents, nous renforçant dans la conviction que nous venons de nous faire sur la richesse culturelle de l’Espagne, et bien sûr, sur le tempérament fier et chaleureux des Espagnols.
Monsieur Miguel Benzo Perea, ambassadeur d’Espagne, avec ses remerciements au Collège et au Centre, a la délicate pensée de souhaiter au Liban la paix et la sérénité.
Que dire de plus sur le dîner. Exagérons à peine en disant qu’il fut, à l’espagnol, gastronomiquement royal. Et si l’on ne devait retenir qu’un seul des mets proposés, le titre « royal » s’imposerait à la paella ! Le choix d’Enoteca pour un Blanc « Marquès de Riscal » qui l’accompagnait, était parfait. Il en était de même pour le Rouge « Marquès de Velila » qui s’accommodait tout aussi parfaitement avec la charcuterie et les fromages.
Sous les tonnelles blanches, les conversations allaient bon train, les nouvelles à commenter ne manquant pas et les bons vins déliant les esprits et les langues. Un agréable spectacle de Sevillanas, guitares et robes rouges andalouses, a achevé de parfaire l’illusion de nous trouver en Espagne, sous le charme de ses mets et de sa musique.
Le père recteur se réservait le mot de la fin en rappelant la place que tient l’Espagne au Collège Notre-Dame de Jamhour, où la langue espagnole est enseignée comme troisième langue. Et comment oublier ce que la Compagnie de Jésus doit à l’Espagne depuis saint Ignace de Loyola, saint François Xavier, saint François de Borgia et avec, bien sûr… le P. Adolfo Nicolás, que nous espérons pouvoir accueillir un jour à Jamhour.
P.Bruno Pin