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SANCIAN
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17 avril 1552, berges du port de Goa
Le Santa Cruz, le navire de Diégo Pereira l'ambassadeur, appareille pour la Chine mystérieuse, avec François le Nonce à son bord. Une fois parti, François s'aperçoit qu'il a oublié à Goa ses lettres testimoniales de Nonce apostolique.

A Malacca, François a la mauvaise surprise de retrouver aux côtés du "capitan", Alvaro de Ataide de Gama, celui-là même que le vice-roi de Sousa avait fait jeter dans les cales du Coulam à Mozambique en 1542. Or Alvaro est à présent "Capitan des mers de Malacca", il dispose de l'accueil et de la sortie de tout navire.

  • Il s'oppose au départ du Santa Cruz, si Pereira ne démissionne pas de son titre d'ambassadeur ;
  • il refuse de reconnaître le titre de Nonce de François qui ne pouvait exhiber ses lettres testimoniales ;
  • impose au Santa Cruz un équipage de son choix ;
  • exige que les présents préparés pour le "Roi de Chine" soient déchargés à quai, et même la "chapelle pontificale" dont François s'était munie.
  Il faut bien en passer par ces exigences du "capitan". Cet épisode malencontreux a du moins un avantage. Il permet de surprendre François dévoré par une sainte colère d'apôtre : il écrit à Goa lettre sur lettre afin que l'évêque fulmine l'excommunication contre Alvaro de Gama "pour avoir empêché un voyage de si grand prix pour Dieu et notre sainte foi"; il demande qu'on informe de la situation le Roi Jean à Lisbonne, afin qu'il châtie sévèrement le capitan " félon !  

 

 

 

Le projet d'ambassade était ruiné. François écrira : "Je me rends sur ces rivages au large de Canton, privé de tout secours humain, mais dans l'espoir qu'un maure ou un païen me conduira sur la terre ferme de Chine." François envisage le pire : faire affaire avec l'un de ces contrebandiers ou pirates qui, au péril de leur vie, trafiquaient clandestinement entre les navires étrangers et les côtes de Chine.

Au début de septembre 1552, le Santa Cruz atteignait l'île de Schangschwan, également appelée, selon l'usage français, Sancian, sise à dix kilomètres des rivages de Chine, à deux cents au S-O. de Hongkong. François n'avait plus avec lui qu'un jésuite étudiant, Alvaro Ferreira, un Chinois Antonio et un domestique malabar Christophe.
 
 
Les quelques Portugais qui faisaient escale alors à Sancian accueillirent François avec joie. Ils lui construisirent une hutte de bois coiffée de paille et une petite chapelle de branchages. François commença aussitôt à s'occuper des enfants et des malades, à prêcher, catéchiser, confesser. Il écrit à ses amis d'Europe et des Indes. Cependant qu'il cherche à prendre contact avec quelque "passeur" chinois qui le mènerait clandestinement à Canton. En voici un précisément qui accepte de courir le risque pour deux mille livres : l'argent touché, il disparaît... C'est que l'accès des rivages de Chine est sévèrement interdit; quiconque s'aventure à braver cette défense est voué, s'il est pris, non pas à une mort prompte, mais à d'interminables tortures.

Ferreira, étudiant jésuite, tremble à la pensée des geôles de Canton : François le renvoie de la Compagnie de Jésus ; Christophe le Malabar s'apprête à déserter au premier signe de danger... Seul reste auprès de François le jeune Antonio, ce fils de la Chine, fidèle comme un fils. Un à un, les navires des marchands quittent Sancian avant l'hiver. Vers la mi-novembre, l'un d'eux emporte à Malacca une lettre heureuse de François : il a trouvé enfin un Chinois qui lui a promis, pour 350 cruzados de poivre, de le transporter à Canton. 350 cruzados de poivre, c'est une fortune ! Mais rien n'est trop cher pour aller aider les prisonniers de Canton et surtout annoncer en Chine l'Evangile du Seigneur. Chaque jour, François guette le retour de son passeur: il ne reparaîtra pas.

C'est alors que François lance son prodigieux défi :

  "Au cas où notre homme ne viendrait pas et aurait changé par crainte du risque, j'irai au Siam et de là à Canton avec la flotte que le Roi de Siam envoie à Canton. Et si avant un an je ne peux pas aller par le Siam, j'irai par l'Inde. J'ai grande espérance d'aller en Chine... Quelle grande gloire pour Dieu si par le moyen d'un être aussi vil que moi, cette vaste opposition du diable n'aboutissait à rien !"  

 

 

 

21 novembre 1552, François célèbre sa dernière Messe, une messe des morts pour un contrebandier de l'île. L'office terminé, il se sent défaillir. Antoine le conduit au Santa Cruz qui est toujours là, le capitaine n'osant repartir pour Malacca sans François. Mais le roulis du navire le fatigue, on le ramène à terre. Un marchand portugais qui s'apprête à partir lui fait une saignée. François s'évanouit.

Voici le récit de l'unique témoin de ces derniers jours de François par le fidèle Antoine :



Le 3 décembre 1552,
François avait
quarante-six ans.

" La saignée fut suivie d'une si grande nausée, qu'il fut incapable d'avaler quelque chose... Il supportait le tout avec grande patience. Son esprit alors se mit à vagabonder, et, dans son délire, des mots, incohérents en apparence, prouvaient qu'il pensait à ses frères de la Compagnie de Jésus... Les yeux levés au ciel, et, avec une attitude très joyeuse, il tint à haute voix de longs colloques avec Notre Seigneur, dans les différentes langues qu'il connaissait. Ce jour-là, il perdit l'usage de la parole, et resta silencieux pendant trois jours, jusque vers le jeudi à midi. Pendant tout ce temps, il ne reconnaissait personne et ne mangeait plus rien. Jeudi vers midi, il reprit ses sens, mais ne parla que pour invoquer la Sainte Trinité, Père, Fils et Saint Esprit, l'une de ses plus tendres dévotions. Il reprit ces paroles Jésus, "Fils de David, ayez pitié de moi" ; il s'exclama à plusieurs reprises "O Vierge, Mère de Dieu, souvenez-vous de moi"... Il eut sur les lèvres ces invocations et d'autres du même genre toute la nuit du vendredi, jusqu'à l'aube du samedi, quand je compris qu'il se mourait ; je plaçai une petite chandelle dans sa main ; alors avec le nom de Jésus sur les lèvres, il rendit son âme à son Créateur et Seigneur, avec grand repos et paix."


L'île de Sancian aujourd'hui.
Au fond, une chapelle indique le lieu où est mort François.

 

 

 

Antoine et deux mulâtres ensevelirent le corps dans un coffre où ils déversèrent de la chaux, puis ils le déposèrent dans la terre. Quand le Santa Cruz leva l'ancre, en février 1553, il emportait à son bord le corps - intact - de François.

Le 22 mars Malacca reçut avec de grands honneurs la précieuse relique. Pereira était à Goa quand il apprit la mort de son grand ami. Il vint à Malacca, un peu après le 15 avril 1553 et enleva clandestinement le corps. Il le déposa dans sa maison, et le 11 décembre enfin, la dépouille mortelle de François reprit la mer une dernière fois.

Le bateau eut à subir ouragans et tempêtes ; à plusieurs reprises il faillit échouer. On atteignit enfin Goa.

La ville entière - "fidèles et infidèles", selon la formule du vœu de Montmartre - était au port pour accueillir celui qui, dans le silence et la solitude, avait vécu et était mort pour révéler aux terres nouvelles l'amour du Christ.


Basilique Bom Jésus à Goa
où repose le corps de François-Xavier

 

François-Xavier fut canonisé le 12 mars 1622,
en même temps qu'Ignace de Loyola.
Ni la vie, ni la mort n'avaient pu les séparer.


Médaille de dévotion du XVIIème avec Ignace de Loyola et François-Xavier.
Sans doute la trace de leur canonisation commune en 1622 (avec Thérèse d'Avila d'ailleurs).

 

 
 

Pour aller plus loin :

- Télécharger une image de Sancian comme fond d'écran (1024x667 pixels, 72 ko)
- Un site présentant des dessins du XVIIe de l'île de Sancian (site en anglais de la Bibliothèque de Leide)

- Une carte des îles face à la Chine datant de 1749 (site en anglais)
- Macao et les jésuites

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