Noël 2001 : homélie prononcée par le père Sicking

            Nous sommes cette année particulièrement touchés par le contraste entre un monde plein de violence et de rapports de force d'une part et la fête que nous célébrons, une fête pleine de promesses de paix et d'un avenir meilleur, tels que nous les souhaitons d'autre part. La crèche, préparée par toute une équipe ici, est particulièrement parlante: le Fils de Dieu est venu habiter parmi nous. Cette crèche est entourée par des maisons, où habitent toutes ces personnes, et parmi eux beaucoup d'enfants, qui subissent la violence de notre existence. Dieu lui-même est venu partager notre vie, telle qu'elle est, avec toutes ses misères et violences.

            Qu'attendons-nous de lui? La paix? La venue de son règne, chanté par Isaïe comme un règne où la violence n'a plus sa place? Une annonce de promesse, d'espoir, d'un avenir différent de ce que nous voyons arriver tous les jours, dans notre région  et presque partout ailleurs dans le monde? Oui, tout cela et plus encore.

Mais souhaiter, rêver, cela ne nous suffit pas. Il nous faut une réalité qui bouge, et nous n'avons que si peu de moyens pour réaliser cela. Si peu, ce n'est pas rien. Au sein de ce collège, avec l'aide de nombreux parents et amis, beaucoup de bien a pu être fait à nouveau cette année. C'est une bonne façon de célébrer Noël, cherchant à réaliser par nos mains tout ce que nous pouvons. Mais allons encore plus loin. Qu'attendons-nous, pour nous-mêmes et pour les autres?

            Il me vient en tête ce fameux texte de la fin de l'évangile de Luc, l'histoire des deux disciples d'Emmaüs. Ils disent, après la passion et la mort de leur maître, leur déception. Ils décrivent Jésus comme un prophète, puissant en ouvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple.(.) Nous espérions, nous, que c'était lui qui allait délivrer Israël, mais avec tout cela, voici le troisième jour que ces choses sont arrivées. Nous pouvons faire nôtres ces paroles, mot à mot presque: Jésus Christ, ce Fils de Dieu, puissant en actes et en paroles, nous espérions que c'était lui qui allait enfin réaliser ce règne de paix et de justice. Mais avec tout cela, voilà déjà deux mille ans que ces choses sont arrivées, et le monde est toujours pareil, plein de misère, de pauvreté, de guerre et de violence.

            En célébrant cette fête nous disons aussi notre déception. Et le Christ, qui fait route avec nous, encore aujourd'hui, nous dira: O cours sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer ainsi dans sa gloire? Nous avons besoin d'entendre à nouveau les paroles que le Christ nous adresse. Et de célébrer sa présence parmi nous dans ces gestes simples du pain rompu et du vin partagé, où il se manifeste, pour que nous puissions, comme les disciples d'Emmaüs rentrer chez nous pleins de joie.

            J'aimerais vous proposer ce soir comme l'essence du message de l'Evangile les paroles des Béatitudes. C'est vrai que le Seigneur Jésus nous parle de joie, de  béatitude, proclamant heureux les hommes qui vivent comme lui a vécu. Parce que les Béatitudes sont la description de sa personne. C'est ainsi que le Christ a vécu parmi les hommes, en étant lui-même heureux. Il proclame heureux tous ceux qui vivent comme lui devenant ses disciples.

            Jésus Christ est heureux, non pas malgré sa pauvreté, mais parce qu'il est pauvre. Il a tout donné, il a livré toute sa personne, et n'a en rien vécu pour lui-même. C'est ainsi qu'il est heureux et libre. Il ne revendiquait rien pour lui, parce qu'il avait tout donné. C'est ainsi qu'il est un homme de paix, qui peut établir la paix dans les cours de ceux qui l'écoutent. Un homme libre aussi, sur qui tous les moyens de corruption n'ont pas de prise. Comment peut-on corrompre quelqu'un qui ne réclame rien? Quelqu'un de crédible enfin, qui a vécu dans son cour et dans sa chair ce qu'il propose aux autres.

            Il a été toute sa vie un artisan de paix. Pas quelqu'un qui subissait passivement les événements. Non, il est bien venu pour réaliser le règne de son Père. Il a vu la misère de son peuple, et parce que cela lui était insupportable il est venu vivre parmi nous comme il l'a fait. Montrant par sa vie combien tous nos combats pour réaliser nos revendications étaient sans avenir, parce que basés sur ces mêmes principes qui causent tant de misère dans le monde: être plus fort que les autres, imposer sa volonté, soumettre l'existence des autres à notre désir de pouvoir et de bien-être... Il est venu nous apprendre à nous battre pour la justice d'une autre façon et avec d'autres moyens.

            Le secret de son bonheur, sa "béatitude" était justement sa pauvreté. Il ne s'est jamais imposé à personne. Il a proposé l'amour de son Père aux hommes, cherchant par ses actes de guérison, de pardon et d'écoute à changer le cour des hommes.

            Il a envoyé ses disciples à leur tour guérir, prêcher la conversion et agir, en étant pauvres, venant vers les autres sans aucun moyen de puissance: ni bâton, ni sac, ni vêtement de rechange. Avec leur personne et avec leur mission, rien d'autre.

            Les Béatitudes nous disent quel est ce règne de paix que nous attendons, et comment il faut s'y prendre pour le réaliser avec lui devenant à notre tour ses disciples.

            Celui qui vit ainsi, qui voit avec Jésus Christ la misère du  monde et qui désire intervenir pour la faire cesser, sera heureux et sera artisan de paix.

            Non, le Seigneur ne vient pas en un tour de main, par une action de puissance mettre fin à nos misères et à ces tendances de violence présentes dans notre cour, avant d'être présente dans les événements qui nous environnent.

            Dire à Dieu ce que nous désirons pour le monde, lui demandant de réaliser nos rêves, n'est pas mal, mais tout à fait insuffisant. Le Seigneur voudrait que nous commencions à agir avec lui pour combattre ce mal, et pour réaliser le monde dont nous rêvons. Et cela avec ses moyens à lui. Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer ainsi dans sa gloire?  C'est la phrase clé du récit des disciples d'Emmaüs, et Jésus Christ nous dit la même chose. Rêver d'un monde meilleur: c'est bien. Y rêver avec Dieu c'est bien. C'est parce que Dieu veut sauver le monde et le changer qu'il est venu habiter au milieu de notre misère. Rêver c'est bon, pourvu que ces rêves aboutissent à une action, et une action qui prend pour moyens, les moyens de Jésus Christ.

            Je vous, nous, souhaite de vivre ainsi. En  hommes et femmes passionnés pour le règne du Père. Mettant toutes nos capacités et moyens à sa disposition, dans un geste de véritable pauvreté: ne possédant rien, mettant tout à sa disposition pour qu'il puisse agir à travers nous et à travers les dons qu'il a accordés à chacun de nous, peu importe si nous estimons ces dons comme très importants ou comme très modestes. Tous les dons sont importants pour lui. Il nous demande de les faire fructifier pour qu'enfin son règne se réalise. Dieu veut faire arriver dans notre monde le véritable bonheur, et il voudrait que chacun de nous y travaille avec lui. Il ne le fait pas sans nous. Il ne le fait pas par des moyens d'éclat ou de puissance par lesquels il écraserait tous ceux dont nous pensons qu'ils sont ennemis de Dieu et du vrai bonheur. Il veut le réaliser par les moyens du pauvre, de celui qui a tout donné.

C'est ce que nous allons à nouveau célébrer dans l'Eucharistie, où nous nous souvenons comment Jésus Christ s'est donné aux hommes et à son Père. Il nous invite par la communion à communier à sa vie, à devenir conforme à lui et à prolonger avec lui l'action de Dieu dans le monde qui en a terriblement besoin. C'est ainsi qui que je vous souhaite une fête de Noël pleine de "béatitude". Heureux parce que le Christ n'est pas seulement né dans le monde, mais dans le cour de chacun de nous. Amen. 


Prions ensemble pour partager dans nos cours la volonté de Dieu qui désire sauver tout l'univers. Prions de façon responsable, en nous engageant dans chacune de  nos prières.

  1. Prions pour tous les responsables dans l'Eglise. Pour qu'ils puissent fidèlement faire arriver partout dans le monde le message de l'Evangile et pour qu'ils puissent trouver en chacun de nous un écho favorable. Demandons que tous les membres de l'Eglise puissent ainsi agir comme un seul corps autour du Pape, des évêques et de tous les autres responsables de l'Eglise.
  1. Prions pour tous les responsables politiques. Nous les critiquons souvent, à tort ou à raison. Prions le Seigneur pour qu'il leur donne la sagesse et l'intelligence nécessaires pour faire du bien à toutes les sociétés des hommes, et qu'ils puissent trouver en nous des collaborateurs sincères, travaillant pour le bien de tous.
  1. Prions pour tous ceux qui sont dans le besoin. Ils sont nombreux. Que nous puissions venir en aide partout où nous le pouvons, en souhaitant de tout notre cour qu'il n'y ait plus personne dans  nos sociétés qui soit négligée ou méconnue.
  1. Prions pour tous ceux qui sont malades ou handicapés. Qu'ils puissent toujours trouver l'attention et le respect auxquels tout être humain a droit. Que le Seigneur nous donne l'attention nécessaire pour les voir et leur montrer notre respect et notre amour.
  1. Prions pour nos familles: qu'elles puissent vivre dans un climat de solidarité et d'amour. Pour que chacun puisse y faire l'expérience d'être aimé, de sorte que notre amour mutuel devienne pour chacun la manifestation de l'amour de Dieu lui-même pour chaque être humain.
  1. Prions pour tous les éducateurs, dans notre collège et ailleurs. Que le Seigneur nous apprenne comment transmettre les dons qu'il nous a accordés pour le bien de tous. Prions aussi pour tous les élèves: pour qu'ils puissent recevoir ce que leurs aînés voudraient leur transmettre et puissent devenir à leur tour des hommes et des femmes responsables qui vivent pour le bien des autres.  
  1. Prions enfin pour nous-mêmes. Que le Seigneur nous apprenne à vivre le mystère de sa pauvreté. Qu'à l'exemple de notre Seigneur, né comme un enfant pauvre et démuni, nous puissions nous aussi mettre tout ce que nous avons à la disposition de ceux qui nous entourent, et que nous puissions devenir ainsi de véritables artisans de paix et des témoins de l'amour de Dieu le Père pour tous

Prions: Seigneur Dieu, tu nous as envoyé ton Fils pour nous manifester ton amour et pour nous donner espoir dans ce monde. Ecoute nos prières, qui ne veulent être que la réponse à la prière que ton Fils nous a apprise: que ton règne vienne et que ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel. Nous te le demandons par ce Jésus Christ qui est venu nous montrer le chemin et qui vit et règne avec toi, dans l'unité du Saint Esprit, Dieu pour les siècles des siècles. Amen.



Collège Notre-Dame de Jamhour, LIBAN
Bureau de Communication et de Publication © 1994-2008