Billet de la quinzaine
Les autres billets de la quinzaine
31 mai 2005
Si vous voulez oublier les peines, les ennuis, les problèmes politiques, les dissensions, les aversions, les discours tonitruants, les enlèvements, les attentats, les nouvelles souvent funèbres et rarement réjouissantes… Venez vous joindre à la division des neuvièmes.
Après une nuit agitée et un réveil mouvementé, j’arrive dans la Division, le cœur gros, l’esprit en déroute, harcelée par le sort aléatoire que nous réserve la journée et voilà que…
Une petite fille blonde balançant capricieusement ses nattes, m’offre un large sourire. Je le lui rends aussitôt, déridée par cet accueil chaleureux. Un autre garçon arrive, les cheveux en broussaille pour accuser son camarade « qui lui casse les pieds » de si bon matin.
Peu à peu, le couloir des neuvièmes se transforme, pour un laps de temps, en hall d’aéroport où les collégiens arrivent, traînant leurs gros cartables. Des cartables plus gros que leur taille où l’on peut trouver tout ce dont on peut rêver comme gadgets, jeux, dessins, babioles, etc. mais sûrement pas les devoirs à présenter ni les fiches de travail. Ces petits se bousculent, jacassent, chahutent surtout s’il y a eu la veille une manifestation quelconque en ville et tout cela avant le début des cours.
Ainsi, la représentation commence : un compliment par-ci, une admonestation par-là, la journée coule comme dans un rêve, ponctuée de rires d’enfants, de petits bobos, de disputes espiègles, de plaintes de quelques éducateurs exaspérés…
Soudain, la sonnerie annonçant la sortie retentit. Déjà ! me dis-je… Les classes se vident. Je rentre chez moi avec le sentiment d’être recrue mais comme bizarrement apaisée, rassérénée.
Cette journée passée au sein des neuvièmes a un effet salutaire sur mon être : à aucun moment je n’ai pensé à ce qui pouvait se passer en dehors des murs de Jamhour. Ce bain de foule juvénile, innocent, spontané, m’a permis d’oublier, l’espace d’une matinée, l’incertitude dans laquelle baigne le pays depuis quelque temps. Une seule chose est vraie et rassurante : ces enfants studieux, déterminés, intelligents, sympathiques, rêveurs et créatifs sont le Liban de demain. Un Liban qui ne manquera certainement pas d’être prometteur, meilleur grâce à eux… pour eux … je l’espère bien…
Randa Ghorayeb
Adjointe au préfet, pour la classe de 9e