Apprendre à vivre

Je me suis entretenue, un jour, avec mes élèves, du métier de professeur. Ils avaient surtout peur de la routine. « Est-ce qu’on ne se « vide » pas à répéter toujours les mêmes choses ?  Ils ne se rendaient pas compte que, si le programme reste le même, on peut l’approfondir, mais surtout que l’auditoire n’est jamais le même d’année en année. Il y a là une source de variété constante.

Des élèves ont du mal à comprendre l’intérêt réel qu’ils présentent pour leur professeur. Il m’est arrivé récemment de dire à la tante d’un de mes élèves : « Il est très fatigué en ce moment, il a mauvaise mine… ». Le propos fut rapporté à mon élève. Il en parla le soir chez lui, stupéfait que son professeur se soit occupé de sa santé.

Des élèves ne sentent pas spontanément, sans doute par notre faute, que nous leur portons un intérêt réel et profond.

L’important, pour nous autres professeurs, ce n’est pas de distribuer des connaissances : c’est d’éveiller les esprits, leur curiosité, leur enthousiasme, de les rendre critiques et justes, en un mot de les rendre disponibles à toutes les rencontres possibles en cet humain voyage.

L’important, pour nous autres professeurs, c’est de prendre l’enfant par la main et suivre de nouveau avec lui les chemins que l’on a explorés tout seul. Découvrir devant lui, découvrir avec lui, ce que l’on a découvert pour soi. Laisser percer sans ostentation, comme sans honte ses enthousiasmes et ses dégoûts…

Cet âge a besoin d’aimer plus encore que de s’intéresser. L’enfant aime ce qui le projette au- delà de lui-même, dans ce monde des « grands » vers lequel son regard demeure fixé. Devant l’adulte qui l’enseigne ou le forme, le regard du jeune découvre spontanément les valeurs qui l’aideront à grandir. D’un bon pédagogue on retient les leçons, mais d’un professeur on apprend à vivre.

Je ne voudrais pas plaider trop fort pour la vocation de professeur, mais je crois qu’elle n’a jamais en fait été aussi passionnante.

Yousra Rahmé
Enseignante de Français