Billet de la quinzaine

Le meilleur moment d’une journée « jamhourienne » !

 

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2 février 2006

Le meilleur moment d’une journée « jamhourienne » (il faudrait en faire un adjectif, l’introduire dans les dictionnaires), ce n’est ni la cloche, ni le professeur qui s'en va comme s’il était plus pressé que nous, ni le cartable qu’on range, ni la dernière leçon qui dans l’enjouement des départs , ni l’embouteillage à la sortie, ni le frère, ni la sœur, ni le chauffeur ou le parent qu’on rencontre comme après une épopée, ni la main qu’on tend pour se laisser caresser par le vent, ni les discussions au ton narratif où surprise, appréhensions et succès se répondent, ni l’ami qu’on salue dans cette embouchure si étroite qu’offre l’école à la marée montante de véhicules.

Le meilleur moment d’une journée « jamhourienne », c’est, étant en retard, on se voit obligé d’éteindre la voiture (pour en économiser l’essence) pendant qu’on attend le dernier des 40 autocars pour sortir du Collège. Parfois on se retrouve dans une descente, dans un rayon de soleil, dans une montée, mais la plupart du temps on se retrouve garé à l’abri du soleil, dans l’ombre des pins. Et peu à peu, tous les conducteurs comprennent qu’ils n’ont pas d’issue, qu’ils sont coincés, obligés d’attendre1.

On éteint donc sa voiture et c’est dans une symphonie urbaine peu commune qu’on se retrouve dans les bras du silence2. Plus rien, on comprend qu’il ne faut plus parler comme pour ne pas défigurer ce présent offert. On se tait en d’autres termes.

D’où je suis, d’où j’écris, je vois la forêt d’arbres qui sépare le Petit Collège du Grand Collège. Je vois un grand nombre d’immeubles mais tout me semble si paisible. En fait je pense que ce qui rend cette attente si magique (n’exagérons rien) si apaisante, c’est qu’elle est obligatoire, inévitable.

On n’a pas à se sentir coupable, ce n’est pas un temps qu’on perd, mais une pause insignifiante imposée par une force supérieure. On n'a pas de peine à méditer: on revoit des bribes de sa journée, on réalise finalement tout ce qui a fait de sa journée une journée spéciale, différente, nouvelle. On sourit parfois et on regarde dans le rétroviseur de la voiture de devant les occupants qui sourient aussi. On n’est pas heureux évidemment, ni content, on est joyeux, allègre, prêt à entamer la seconde partie de la journée, aussi importante que la première. On repose la tête: Le dernier autocar est passé; le message passe, on comprend plus ou moins qu’il est temps de s’en aller, de continuer , de persévérer, de poursuivre ce qu’on a à faire, ce qu’on veut faire. On passe de ce confort paradisiaque au confort soucieux, un confort bercé par l’angoisse.

En réalité, on se sent réconforté par son souci, par quelque chose à faire, qui nous attend, qu’on guette. Une vie quoi….

Halim Madi
Te SG1

1 Attendre : Supplice de l’homme moderne
2 Silence : Valeur en voie d’extinction



Collège Notre-Dame de Jamhour, LIBAN
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