"Dieu, apprends moi ton amour"

Amour de moi ?
Amour des autres ?

Dieu m’a créé par amour et pour l'amour.
L'amour est fait pour sortir de soi et aller vers les autres.
Or, je ne connais que « l'amour de moi » :

À chaque fois que je m'aime,
C'est de l'amour en moins que j'ai pour les autres,
C'est une fuite d'amour,
Une perte d'amour  ;
À chaque fois qu'il revient à moi,
Il s'étiole, pourrit et se meurt.

L’amour de moi est un poison que je sirote jour après jour ;
L’amour de moi choisit la meilleure part et s’empart la meilleure place ;
L’amour de moi parle de moi et me rend sourde à la parole des autres ;
L’amour de moi impose son choix à mes amis ;
L’amour de moi me déguise et me grime pour me faire briller en effaçant les autres ;
L’amour de moi me plaint et néglige la souffrance d'autrui ;
L’ amour de moi prône mes idées et ignore celles des autres ;
L’ amour de moi me trouve vertueuse, il m'appelle « femme de bien »  ;

L’amour de moi me conseille de donner un peu aux pauvres pour reposer ma conscience
et vivre dans la paix;
L’amour de moi est satisfait de moi, il m’encourage vivement et m’enlise dans la béatitude ;

Ce qui est plus grave, c'est que cet amour de moi est un amour volé ;
Il était destiné aux autres ;
Ils en avaient besoin pour vivre, pour s'épanouir ;
Et je l'ai détourné.
L’amour de moi n’est-il pas souffrance pour les autres ?

La souffrance de la petite fille délaissée et celle de l’adolescent rejeté par ses amis ;
La souffrance de l'enfant qu'on laisse à la maison parce qu'il est encombrant

et celle du grand-père dont on se moque parce qu'il est trop vieux ;
La souffrance du gamin que la mère a giflé sans raison

et celle du malade qui n'a pas le prix du médicament ;
La souffrance de la maman dont les enfants ont faim

tandis qu’elle voit jeter à la poubelle les restes d'un festin
ou celle des vieux parents abandonnés par leurs enfants.

Toutes ces injustices, ces amertumes, ces violences,
Toutes ces haines, ces humiliations, ces tristesses,
Tous ces chagrins, ces désespoirs,
Toutes ces angoisses, ces souffrances sont « une soif d'amour ».

C'est ainsi que les hommes ont bâti, lentement, égoïsme après égoïsme,
un monde dénaturé qui écrase les faibles.

C'est ainsi que les hommes passent leur temps à pleurer leur amour flétri.
Ces hommes ont tout gâché,
Ils ont gâché l'amour de Dieu.

Pour cette raison, au seuil de ce carême, je demande à Dieu la grâce de m’apprendre à aimer.

Je lui demande la force et le savoir de répandre l'amour vrai autour de moi ;
De m'aimer de moins en moins ;

Pour aimer les autres de plus en plus.

            Amour de moi ?
            Amour des autres ?

Faisons le choix…

Hyam ABBOUD, sscc