Billet de la quinzaine

Pâques dans la tradition libanaise,
Pâques à mes yeux d’enfant !

 

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2 avril 2007

La semaine sainte, dans mon enfance, commençait le vendredi saint, quand, au petit jour,  j’allais, une ribambelle d’enfants à mes trousses, battre les palettes champêtres tachetées de multiples couleurs et cueillir des fleurs printanières pour décorer le cercueil destiné à accueillir le corps meurtri de Jésus, avant la mise en sépulture aménagée pour l’occasion dans un coin reclus de l’église.

Le lendemain matin, la maison sentait bon l’eau de rose et l’eau de fleur, quand ma mère, en prestidigitateur, s’affairait, avec dextérité, à creuser d'un coup d'index décidé, un puits dans chacune des boulettes de pâte de semoule pétries la veille au beurre et aux essences aromatiques, spécial "maamoul", dans lequel sera enseveli un trésor de noix hachée et mélangée au sucre ou de datte moulue. Puis, ces boulettes enfouies à tour de rôle dans un moule en bois, en ressortaient magiquement retapées, ou bien, sculptées à coups de pincette prodigieusement manipulée, ressemblaient à des fleurs bizarres. Enfin, à l’issue de la cuisson, enneigées de sucre glace, linceul suave, elles simulaient ainsi le tombeau du Christ.

Mais, malheur aux tentations !

Interdit de les savourer avant la résurrection.  !

Quant à nous, enfants, nous envahissions la basse-cour à la recherche d’œufs frais. Nous les langions les uns d’herbes vertes, les autres de pâquerettes jaunes ou de coquelicots rouges. Ainsi, bouillis, délangés et exposés dans un panier de paille, ils reluisaient de couleurs étranges et confuses, humble symbole d’un grand mystère : l’éclatement de la vie par ses propres forces.

Le dimanche de Pâques, à l’aurore fraîche, nous cheminions vers l’église du village pour concélébrer la Hajmé (office des matines de Pâques) : une mise en scène reconstituant l’entrée présumée de Jésus ressuscité dans son royaume.

Déjà, sur le parvis, s’empressaient les villageois endimanchés derrière le curé paré de tous ses atours pour la circonstance. Debout devant le portail fermé, il le martelait à coups de poings en scandant :"Ouvrez les portes pour le Roi de la gloire!" C’est alors que les battants s’ouvraient, les lustres scintillants s’entrechoquaient, les clochettes tintaient. Enfin, la foule s’engouffrait chantant glorieusement les louanges du Christ  ressuscité, "Christ est ressucité des morts. Par sa mort vainqueur de la mort, aux morts il a donné la vie".

Depuis, à chaque Pâques, je vois sourdre, des fins fonds des souvenirs heureux des coutumes libanaises, ces moments inoubliables de retrouvailles autour d'un repas copieux.

Que de joies ineffables passées en famille à célébrer la résurrection de notre Seigneur !

Qu’en reste–il ? Tout y est encore. Mais le chocolat a remplacé le frais, l’artificiel le naturel et le lapin a supplanté le poussin ! Seul un plagiat de "maamoul" persiste ! En fait, déconseillé par les diététiciens pour sa teneur en calories, véritable source d'énergie pour nos biceps d'antan, il a  perdu en lipides, en sucre, en pistaches au détriment de son goût subtil.

Nos traditions ! Un legs précieux de nos aïeux ! Elles sont une expression chaleureuse pour vivre pleinement notre foi en la vie en tant que chrétiens.

Les transmettre à nos enfants est un engagement à maintenir !

Puisse la joie de Pâques nous doter de la plénitude de l'espérance ! Nous en avons tous besoin! Joyeuses fêtes de Pâques!

Aïda Chamoun Aoun
Éducatrice



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