Vers une charte éducative de l'Enseignement Catholique au Liban
Colloque Secrétariat Général, 2 au 4 septembre 2003

L'École Catholique : stratégies pour le troisième millénaire
Quel rôle pour les Anciens Élèves ?

Mercredi 3 septembre 2003

Excellences,
Révérends Pères, Révérendes Sours,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Parler du rôle des Anciens Élèves au sein de l'École Catholique dans ce troisième millénaire, c'est revenir un peu sur le souhait de Vatican II de voir les laïcs, fils de l'Église, de plus en plus impliqués, de plus en plus engagés dans la vie et l'épanouissement de cette Église.

Le phénomène auquel nous assistons depuis quelques décennies et que nous nous plaisons à mettre sous le titre presque tragique de « crise des vocations » n'est peut-être qu'un simple signe de mutation, un désir, voire un besoin, de vivre autrement son engagement spirituel dans ce monde en évolution constante et rapide.

LA MISSION DE L'ÉCOLE CATHOLIQUE

L'École Catholique est, depuis 1736, un choix stratégique de l'Église dans sa mission évangélisatrice. Et elle le demeurera sûrement.

En effet, l'École est le lieu privilégié, en dehors du cocon familial, où l'enfant, et plus tard le jeune, se forme et s'épanouit intellectuellement, culturellement, spirituellement, socialement, émotionnellement. C'est là où il fera l'apprentissage des valeurs universelles mais aussi des valeurs fondamentales, humaines et spirituelles,  prônées par l'Évangile, telles que la Vérité, le pardon, l'ouverture et la tolérance. C'est là aussi où il se verra franchir (ou non) le seuil du temple de Dieu.

Au Liban, cette École Catholique, à l'image de la société dans laquelle elle évolue, se trouve investie d'une double mission : évangélisatrice, certes, mais aussi pionnière et fédératrice.

Elle est véhicule de valeurs, mais aussi d'universalité par le biais du multilinguisme que les missions étrangères ont beaucoup aidé à se développer, d'ouverture tant sur l'Orient, auquel elle a beaucoup apporté, que sur l'Occident où elle a joué le rôle de trait d'union, de pont et de courroie de transmission. De plus, chaque congrégation, autochtone ou étrangère soit-elle, a réussi à l'enrichir de sa propre pédagogie et de ses propres mécanismes de fonctionnement.

L'École Catholique au Liban est au service de toutes les familles spirituelles libanaises. Et on ne se lassera pas de rappeler que plusieurs établissements catholiques ont une « clientèle » presque exclusivement non-catholique, voire non-chrétienne. Et c'est tant mieux. Mais, hélas, l'inverse n'est pas vrai.

Cette école est donc un élément de développement dans la société libanaise et sa survie est essentielle à cette société, si cette dernière doit impérativement continuer à assumer son rôle dans la région et dans le monde.

Une ferme conviction nous guide : sans l'école catholique, véhicule du savoir, de la culture et des valeurs évangéliques, le Liban n'aurait pas été ce qu'il est et ne pourra jamais continuer à assumer cette vocation de « pays-message » prônée par Jean-Paul II et qui lui est tellement chère, vocation qui fait toute la différence entre lui et son environnement géographique.

LES DANGERS QUI LA MENACENT

Or, la crise économique dans laquelle le pays s'enlise de plus en plus et ses conséquences sociales, la vétusté de certaines de nos écoles qui ont besoin de s'adapter aux exigences pédagogiques modernes, le fait que certains directeurs d'établissements soient plus des hommes de religion que des hommes de gestion      (je dirais presque « heureusement ! »), la démobilisation des jeunes qui ne trouvent plus dans l'enseignement la réponse à leurs ambitions professionnelles et matérielles (encore heureux que nous soyons loin du découragement qui règne dans un nombre incalculable d'établissements occidentaux où, dit-on, « le professeur part le matin enseigner, et revient le soir en saignant ! »), la fuite des cerveaux et l'émigration galopante, le recul des valeurs morales, le manquement de l'État à ses obligations élémentaires vis-à-vis des établissements d'enseignement privé et, bien entendu, son manque de soutien matériel à ces établissements, le fait que nous ne soyons soutenus financièrement ni par un état ni par une ONG multinationale, sans parler de certaines idéologies politico-confessionnelles aventurières et du développement des intégrismes.

. tous ces facteurs, et bien d'autres, mettent actuellement l'École Catholique en péril. Il faut en être pleinement conscients. Et l'adage, très en vogue par moments, qui dit que les « curés » et les « bonnes sours » sont riches, doit être définitivement banni.

Il n'est pas question de vendre nos biens immobiliers pour assurer notre survie !

De plus, le temps où les écoles catholiques comptaient exclusivement sur les religieux avec lesquels collaboraient quelques fidèles « auxiliaires » est révolu. Aujourd'hui, dans plusieurs pays (et je pense particulièrement à la France), ce sont hélas les religieux qui sont devenus auxiliaires, et plusieurs établissements ne sont considérés catholiques que parce qu'ils suivent la pédagogie de la congrégation fondatrice.

LES ANCIENS ÉLÈVES

Pour faire face à tous ces périls, plusieurs solutions sont envisageables. Une des plus importantes et des plus efficaces étant la mobilisation des Anciens Élèves qui, à l'instar des éducateurs et des parents d'élèves, doivent être appelés à former une chaîne de solidarité entre eux d'abord (pour se renforcer et former corps) et autour de l'École Catholique ensuite (pour la soutenir et l'enrichir).

Les Anciens Élèves, redevables à cette École qui les a formés et façonnés, sont aisément mobilisables, et certaines expériences montrent qu'ils peuvent aller bien plus loin qu'on ne l'aurait prévu, mettant tout leur potentiel et toutes leurs compétences à son service (Le Père Daccache, recteur de mon Collège, en est le fidèle témoin).

Ils sont le visage social de cette école, porteurs et transmetteurs des valeurs acquises. Ils peuvent être, en quelque sorte, ses « apôtres » dans la société, ses témoins. Ce sont, j'oserais dire, des « produits » de cette École Catholique, évoluant dans les univers économique, social, culturel, spirituel, politique et scientifique. Ils constituent surtout un appui « acquis » et « fidèle », à cause de leur sentiment d'appartenance.

LEUR RÔLE

Quel rôle peuvent-ils jouer ?

1.      D'abord et surtout celui de personnes-ressources : les écoles peuvent, en effet, puiser dans leur « stock » d'Anciens pour enrichir leur démarche pédagogique. Ils sont bons pour l'enseignement, la gestion, l'orientation. Ils constituent un véritable « réservoir de cerveaux » au service de leur école.

2.      Ils peuvent engager leurs possibilités financières et matérielles, au Liban et à l'étranger, ainsi que leur technicité pour l'amélioration des conditions d'existence de leur école. Et certains d'entre eux peuvent se montrer particulièrement généreux.

3.      Ils peuvent être des relais, des traits d'union entre l'école et les autorités et institutions officielles, locales ou internationales.

4.      Ils peuvent aider à la constitution d'un observatoire permanent qui veillera au respect de la ligne éthique de l'Église et de l'École Catholique.

5.      Ils doivent être l'un des remparts, si cher au Père Marwan Tabet, toujours prêts à défendre l'École Catholique, ses intérêts, ses principes, ses constantes, ses objectifs.

LEUR REGROUPEMENT EN ASSOCIATIONS

Maintenant, la question délicate qui pourrait se poser inéluctablement : pour cela, est-il nécessaire qu'ils se constituent en « associations » ? N'est-il pas plus commode pour un chef d'établissement de traiter avec ses Anciens directement, individuellement, sans intermédiaire, sans « courroie de transmission » ?

C'est tout à fait possible, mais certainement pas la solution idéale. Voici pourquoi :

1.      En traitant avec une « association d'Anciens », inscrite officiellement ou pas, l'école traite avec une équipe investie d'une mission, une cellule de travail proche de la direction, qui coordonne et planifie avec elle.

2.      Pour revenir au sempiternel adage : l'union fait la force. À plusieurs, on est certainement plus efficaces. Et il y a le phénomène de la contagion qui peut s'opérer.

3.      Alors que le chef d'établissement vaquera à ses occupations pédagogiques et de gestion, il laissera le soin à cette équipe de s'occuper des soucis matériels et des projets de « fund-raising » par la création de mutuelles et autres structures de soutien. De plus, il est plus facile aux Anciens de solliciter les Anciens qu'à l'école de passer son temps à jouer à l'éternel quémandeur, donnant l'impression que les hommes de religion, c'est fait pour ça !

4.      Il peut y avoir une meilleure synchronisation dans l'action ainsi que la permanence du contact avec l'ensemble de la « famille des Anciens » pour les sensibiliser et les impliquer. À travers des activités culturelles, sociales et ludiques organisées par l'association, dans un lieu de rencontre commun (qui est souvent l'école), les Anciens seront invités à s'engager de plus en plus.

5.      La saine complicité entre Anciens et leur éternelle nostalgie née des souvenirs communs peuvent être mises à profit pour transformer des actions ponctuelles en projets collectifs. De plus, se constituant en groupe distinct, ils peuvent faire jouer la solidarité entre eux d'abord, élément sécurisant.

Il est donc dans l'intérêt des institutions pédagogiques d'encourager leurs Anciens à se constituer en association. Plus encore, ils devraient encourager chaque Ancien à adhérer à cette association à laquelle ils donneront la crédibilité et les moyens nécessaires pour un fonctionnement optimal.

Pour terminer, j'ajouterai que la fédération de toutes ces associations, dites amicales, qui sont autant de forces actives, peut constituer un lobby important dont l'apport est essentiel pour une meilleure dynamique au sein de la société libanaise.

LES CRAINTES

Certaines craintes de certaines écoles peuvent cependant transparaître : les Anciens ne risquent-t-ils pas d'être trop envahissants, trop exigeants ? Ne risquent-ils pas de s'ingérer dans les affaires intérieures de l'école ?

Le tout, voyez-vous, est dans l'aménagement des rapports.

Et les cas de figure sont, fort heureusement, rares et dus à des maladresses, il faut le dire, souvent partagées.

LA FÉDÉRATION

Notre jeune fédération réunit actuellement au sein de son comité 15 associations d'écoles appartenant à 15 congrégations religieuses différentes. L'Assemblée Générale, elle, implique près d'une cinquantaine d'associations.

La FAEC (Fédération des Amicales des Anciens Élèves des Écoles Catholiques), quoiqu'organisme autonome, travaille de concert avec le Secrétariat Général des Écoles Catholiques et son Comité Exécutif. La Cellule permanente de coordination en est la concrétisation.

Quelques mois après sa formation, notre jeune Comité s'est lancé dans un processus fédérateur ambitieux. Mais il ne pourra mener à bien sa démarche sans l'encouragement et l'appui des écoles. C'est clair.

Car, voyez-vous, sans l'école, une Amicale n'a pas de raison d'être. C'est l'école qui est son essence, son ciment et son objectif. Nous n'existons que par elle et pour elle.

Notre démarche sera donc la suivante : d'abord sensibiliser, ensuite rassembler, puis fédérer, enfin soutenir.

Je dirais aux chefs d'établissements : soyez sans crainte. Vous récolterez, sans nul doute, ce que vous avez semé. Et la récolte est bonne, soyez-en sûrs.

LES ENJEUX

Aujourd'hui, chers amis, l'enjeu est de taille :

- Notre pays, à l'avenir incertain, exige de nous plus de vigilance et de solidarité.

- Notre communauté chrétienne, en général, et catholique, en particulier, a besoin de se ressouder et de retrouver ses repères.

- Notre système éducatif, qui est l'une de nos plus importantes ressources, est la proie de nombreux projets de nivellement par le bas.

- Notre École Catholique, qui doit souvent affronter des problèmes d'un autre monde, lutte contre vents et marées pour sa survie et pour la pérennité de sa mission pionnère au pays des cèdres.

Le troisième millénaire nous invite à opérer des mutations mais aussi à prendre des décisions stratégiques.

Si nous tenons à notre Liban, un, libre, souverain, intelligent, fort, à vocation universelle, porteur d'un message d'amour, de tolérance et de convivialité, nous devons alors ouvrer, sans nous lasser, pour une École Catholique qui continuera à lui former des citoyens engagés, dignes et mus par une foi inébranlable.

Oui, notre mission est stratégique. Elle est aussi Politique (avec un grand P). Il ne faut pas avoir peur de le dire. Merci.

Nagy KHOURY
Président de la Fédération
des Amicales des Anciens Élèves
des Écoles Catholiques



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