Homélie du P. Michael Zammit s.j., supérieur de la Communauté jésuite de Jamhour
Messe de rentrée des Educateurs, le 18 septembre 2004
Jésus parlait souvent en paraboles.
Luc en rapporte un grand nombre - 50 en tout.
La parabole du semeur, avec celle du fils prodigue, sont peut-être celles que nous connaissons le mieux.
Quand nous connaissons bien une histoire, nous avons parfois tendance à ne pas être attentif, à ne pas l'écouter. "Oui, je connais cette histoire, je sais qui est le semeur, ce qu'est le grain semé, ce que sont les quatre types de sol ."
Mais une parabole, justement, est dite pour interpeller celui qui l'écoute ; pour nous interpeller chaque fois que nous l'entendons - et chaque fois, nous pouvons nous arrêter sur une image différente.
Luc insiste sur le grain qui est semé, sur la qualité de la terre dans laquelle cette semence tombe et sur le fruit produit. Dans un premier temps, nous avons l'impression que tout est raté. La semence tombe sur une terre qui n'est pas productive : le bord du chemin, le roc, au milieu des épines. Dans un second temps, il s'agit de la bonne terre, et là, le grain donne du fruit, merveilleusement abondant - au centuple.
Il est rare que les évangiles nous rapportent comment Jésus explique ses propres paraboles. Jésus explique la parabole du semeur. La semence : c'est la parole de Dieu ; la terre : c'est le cour des hommes. Les hommes qui entendent la Parole de Dieu, peuvent porter du fruit - un fruit abondant. Ils peuvent par contre la mettre de côté après un certain temps, l'abandonner quand la route devient difficile ou l'étouffer par les soucis et les plaisirs de la vie. Elle ne donnera pas de fruit. La parabole nous invite à nous interroger sur la manière dont nous avons reçu cette Parole de Dieu et à voir si nous nous identifions avec l'une des quatre "terres" présentées par Jésus.
Mais le propre d'une parabole n'est-il pas justement qu'elle peut nous interpeller de différentes manières ?
Aujourd'hui, ce n'est peut être pas la qualité de la terre qui retient mon attention: c'est peut-être le semeur - celui qui sort et qui jette la semence sans savoir ce qu'il va récolter. Nous pouvons être interpellés par l'espérance de celui qui sème. Le semeur jette des grains. Il a besoin de la récolte pour vivre. Va-t-elle venir ?
Je peux, peut être, m'arrêter sur l'efficacité du travail. Une partie des grains semés ne poussera jamais ; Celui qui sème sait qu'une partie de son travail est inutile - ce n'est pas chaque grain semé qui portera du fruit. Cela ne l'empêche pas pour autant de semer. Comment comprendre cela dans notre monde où tout nous pousse à rechercher une efficacité maximale, dans un monde où rien ne doit être perdu et où la production doit être la plus grande possible pour un profit maximum?
En m'arrêtant sur le semeur, je peux, peut-être, m'interroger sur ses qualités : est -il un bon semeur ? Fait-il bien son travail ? A-t-il reçu la formation adéquate ? (initiale ou continue ?) Le semeur est-il fatigué ? Est-il heureux ?
Je peux, peut-être, m'identifier au semeur. En tant que chrétien, par ma vie et dans mes paroles, ne suis-je pas appelé, moi aussi, à annoncer le Christ mort et ressuscité. De quelle manière est-ce que je sème, à mon tour, cette Parole de Dieu que j'ai reçue ?
Et la terre - la bonne terre. La parabole ne mentionne pas tout le travail qui doit être effectué au préalable, avant le passage du semeur. Labourer la terre, la travailler, la défricher avec soin et patience - pour permettre à celui qui sème de récolter beaucoup de fruit. C'est peut-être avec ceux qui font ce travail, long et laborieux et qui demande beaucoup de patience, que je m'identifie aujourd'hui.
Sur un tout autre registre, en tant qu'éducateur, l'image du paysan qui travaille sa terre, du semeur qui va dans les champs pour semer me parlent fortement. Il connaît bien sa terre, chaque petite parcelle de cette terre. Il l'aime, il la respecte et il ouvre pour qu'elle soit la plus fructueuse possible en étant attentif à ne pas l'épuiser.
Eduquer, enseigner, c'est un travail qui demande beaucoup de labeur, beaucoup de patience. Le champ qui est le mien, ma classe, le groupe d'élèves dont j'ai la responsabilité, est formé de personnes très différentes. Certains jours, je ne vois que les rochers et les ronces et il me semble que la terre fertile se fait rare. Quelques fois, je ne vois pas le fruit de mon travail - il me semble que je sème pour rien. A d'autres moments, c'est plutôt le contraire et je m'émerveille et me réjouis de ce que cette terre fertile a pu produire. Ces moments sont très gratifiants et ils donnent sens à mon action. Je souhaite garder le courage - et l'espérance - du semeur qui sort semer sans savoir à l'avance quel sera le fruit de son action.
La parabole interpelle chacun, l'interpelle de manière différente. Ouvrons notre cour au Seigneur et demandons, dans notre prière, la foi et l'espérance nécessaires pour que sa Parole grandisse en nous. Demandons aussi l'amour sans lequel je ne suis qu'un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante.
P. Michael Zammit
Supérieur de la Communauté jésuite de Jamhour