Pendant l’année scolaire 2005-2006, nous avions réfléchi et travaillé ensemble, éducateurs et élèves, le thème de l'éducation à la justice et à la paix.
Cependant après la guerre, la vie doit reprendre ses droits, et nous, notre droit à la vie. Ce n'est pas seulement un privilège mais une valeur pour laquelle il faut nous engager. Cet engagement pour la vie, pour qu'il porte ses fruits et ses promesses dans le cadre scolaire et éducatif, exige des attitudes qui tiennent compte de signes qui éclairent le chemin des élèves, des enseignants, des éducateurs et des parents d'élèves.
Il se peut que certains disent : "cette rentrée me fait peur… que va-t-il se passer ? Est-ce que les hostilités sont terminées ? Le risque de la guerre est-il écarté ?" Il est vrai que nous ne sommes pas les maîtres du destin politique ; cependant, devant les craintes et les doutes, écoutons la voix de Jésus, notre maître, qui ne cesse de nous conforter : "Ne crains pas" (Mc 5,36), "Jetez le filet" (Jean 21,6), "Passons sur l'autre rive" (Lc 8,22). Notre attitude d'espérance et de force intérieure se fonde sur la parole de Dieu, elle nous appelle à rejeter le pessimisme excessif sans cesser d’être réalistes ; de même, cette parole divine exige de nous des paroles vraies.
N'avons-nous pas tendance, en temps de troubles, à amplifier les rumeurs et les informations extravagantes et infondées qui sèment le désarroi ? Plus que jamais que notre parole soit juste et source d'espoir.
Dans cet ordre des choses, une autre attitude doit guider notre chemin : la guerre, malgré tous ses effets destructeurs, n'est pas une fatalité ; elle n'est pas le destin réservé à notre pays, ni même à l'humanité. C’est la paix qui est notre destin. Mais la paix, comme le faisaient remarquer en 2001 le Pape Jean-Paul II et le Patriarche d'Athènes Christodolus, est le fruit d'une lutte active et pacifique, faite de dialogue sur les moyens de vivre ensemble avec des exigences de respect de la dignité de toute personne, de toute famille et de toute communauté humaine.
Combien de fois l'Église n’a-t-elle pas dénoncé les violences qui ne font qu'attiser les haines entre les hommes et les peuples ! Le dialogue des cœurs et des raisons, non celui des violences, est le chemin de la paix qui naît de la justice et de l’amour.
Comment ne pas insister sur une troisième attitude à privilégier, celle de l'ancrage ou de l'enracinement dans le sol du Liban ?
Devant l’annonce défaitiste : «allons ailleurs», nous répondons : «nous appartenons à cette Montagne, à ce Pays, à ce Proche-Orient».
Même si la dimension internationale fait partie de notre culture depuis nos ancêtres phéniciens, nos racines sont bien ancrées dans cette terre. Notre être intérieur est empli de son parfum et de ses couleurs, ceux du Cèdre du Liban.
À ce titre, nous participons pleinement à l'effort de reconstruction matérielle, humaine et politique de notre pays. Nous luttons pour un état de droit et pour former des citoyens responsables.
Ces trois attitudes ne sont pas des vues de l'esprit ou des souhaits qui risquent de rester lettre morte. Trois signes tangibles vécus durant les mois de juillet et août montrent que le chemin à faire, même long et difficile, demeure à notre portée au niveau individuel et collectif.
Comment ne pas relever en premier lieu, le signe prometteur et évident, qui s'est manifesté en peu de jours : en plus des écoles, de très nombreux citoyens ont ouvert leurs maisons pour y accueillir leurs compatriotes fuyant les hostilités.
Cela montre que la «petite politique libanaise» qui met l'accent sur des divisions passe à côté de l’amour et de la solidarité.
Notre résolution pour un Liban plus fort et plus uni passe par là…
Un autre signe qui vient concrétiser le sentiment de solidarité et d'accueil : des volontaires par centaines. Des scouts ou membres du Comité d'Activités Sociales, des élèves ou anciens, des éducateurs et des parents, ont assuré une présence efficace auprès des déplacés par simple solidarité humaine.
Le cours d'instruction civique et d'éducation à la citoyenneté devient ainsi par cette action une réalité écrite et vécue sous la bannière du service bénévole.
En continuité avec le Projet éducatif de notre Collège qui met l'accent sur la nécessité de construire le lien social, le service social volontaire est un engagement à toujours bien former et éduquer l’élève afin qu'il soit partenaire de toute reconstruction.
Si nous avons à continuer de promouvoir la culture de la vie en face de la culture de la mort et de la haine, il s'agit non seulement de reconstruire ou de restaurer des écoles détruites, mais de souligner que le Liban ne peut vivre sans l'éducation et ses institutions privées ou publiques, scolaires et universitaires. Cette éducation est son capital premier qu'il faut préserver car ils est à l'origine d'un autre capital : l'intelligence et la culture humaines. Notre éducation est un des relais du renforcement de notre identité libanaise et de notre union face aux vents contraires.
Au Collège Notre-Dame de Jamhour et au Collège Saint-Grégoire, nous poursuivons notre mission pour permettre à chacune et à chacun d’aller plus loin. Notre Projet d’établissement : l’éducation à l’autonomie et à la responsabilité, élaboré durant les années passées, est une promesse d’avenir.
À nous de relever le défi.
Salim Daccache, s.j.
Recteur