Le
traditionnel et festif Neu Jahr Konzert à Vienne, en cette année 2008, a eu pour
maître de céans Georges Prêtre. Transposant cette festive tradition musicale à
l’église du Collège Notre-Dame de Jamhour, maestro Robert Lehrbaumer,
qui n’en est guère à sa première invitation au Liban par l’Orchestre
symphonique national libanais et encore moins avec un programme chargé de
valses et de polkas, a donné aux amateurs du genre le plaisir renouvelé des
notes bleues et d’une heure blonde viennoise…
Église illuminée, à l’autel encore décoré d’étoiles et de sapins de
Noël, et réconfortante dans sa chaleur avec la vague de froid qui sévit dehors
pour un public nombreux, trié sur le volet grâce à l’ambassade d’Autriche qui
parrainait l’événement, mais où la jeunesse visiblement faisait défaut…
Menu absolument viennois avec, bien entendu, la famille Strauss (père et fils)
ainsi que deux compositeurs dans le satellite des partitions à mesures à trois
temps, dont le brillant Joseph Lanner et, plus près
de nous, pour une variation des mélodies en toupies, d’Ernest Ludwig Leitner.
Flonflons de la fête qui se succèdent dès la première Marche parade op 102 de
Johann Strauss père. Rythme, cadence, vivacité, esprit ludique, voilà le ton
donné par une dynastie qui sut mettre du baume aux cœurs et pour qui la musique
était, avant tout, élan vers la vie, la danse, le plaisir et le rire…
Et en avant le carrousel des notes, légères farandoles pour une joyeuse virée
festive.
Les Strauss, aussi Lanner et Leitner…
Joseph Lanner prend le relais avec Die Schônbrunner. Lorsqu’on parle des valses viennoises, on
devrait plus souvent penser à ce musicien inspiré, né et mort à Vienne, qui
donna aux pas classiques le rythme et l’accélération de cadences d’où est issue
la valse… Pour beaucoup, son œuvre et ses compositions passent pour un
témoignage des créations de la prestigieuse et intéressante époque Biedermeier.
Et ainsi serpentent les notes, libres dans leur seul carcan de rythme,
heureuses et fraîches, mais cette fois avec Joseph Strauss, qui pimente
l’histoire de cette famille avec un soupçon de mélancolie… On écoute de lui ici
une valse (op 235) et une polka (op 204).
Moment de découverte avec une œuvre brève, mais différente de l’esprit des
Strauss, avec le compositeur contemporain Ernest Ludwig Leitner,
né en 1943 et dont l’œuvre s’est imposée (un peu aux happy few) au fil du
temps. Variations et esprit moderne autour des mesures à trois temps…
Reprise, avec le roi de la valse, c’est-à-dire Johan Strauss fils, dont Les
histoires de la forêt viennoises (op 325) restent un véritable bijou du
répertoire des danses, aujourd’hui élégantes ou populaires, en plein air ou
dans des salles lambrissées aux lustres en pendeloques de cristal…
Clôture sur un air de la Jockey-Polka de Josef Strauss, où les chevilles ont
brusquement des ailes et battent naturellement la mesure pour un vol
insouciant…
Une gerbe de roses blanches pour maestro Lehrbaumer qui revient saluer, à trois reprises, les bras chargés de son bouquet de
fleurs, sous une pluie
d’applaudissements.
En bis, pour garder l’euphorie de cette atmosphère décontractée, comment ne pas
céder, en toute simplicité, sans se creuser les méninges, à la tentation des
célèbres et fameux Beau Danube bleu et Marche de Radestky ?
Beaucoup d’heureux dans la salle dont maestro Czepiel parmi l’auditoire, lui qui « distribue », sans compter, dans ses
menus (aussi bien qu’en bis) la Marche de Radeztky à
son public. Une marche dont il en a fait son cheval de bataille pour séduire,
dans la bonne humeur, une certaine tranche de mélomanes libanais férus de cette
œuvre résonnant comme un galop adroitement mené…
Les flonflons de la fête flottent encore entre les étoiles scintillantes de
l’autel et sous les ourlets des arceaux de béton du plafond de l’église… Pour
les premiers invités désertant les lieux, ritournelles de valses sur les
lèvres, ils sont assaillis par un vent glacial se faufilant en douce dans les
allées d’un jardin saisi par le froid jusqu’aux plantes enrobées de colliers de
lumière…
Edgar DAVIDIAN