"Ecouter pour se comprendre"
L'écoute, le dialogue et l'ouverture culturelle
Soyons messagers d'une culture de la paix dans
notre vie quotidienne !
"Ecouter pour se comprendre" est l'un des thèmes
principaux retenus par l'Unesco pour la Décennie internationale
de la promotion d'une culture de la non-violence et de la paix au
profit des enfants du monde (2001-2010). Faisant partie du réseau
des écoles associées dans le cadre de cette organisation
internationale, notre Collège a voulu reprendre cette phrase,
si simple et si riche en même temps, pour chacun des membres
de sa communauté éducative. "Ecouter pour se
comprendre", à l'heure où les nouvelles technologies
de l'information font de notre monde un village planétaire,
est un appel à tous les peuples, à chaque communauté
humaine, qu'elle soit majoritaire ou minoritaire. C'est aussi une
invitation à chaque personne pour devenir messager d'une
culture de la paix dans sa vie quotidienne.
Un engagement responsable
En choisissant la devise "écouter pour se comprendre"
comme thème de l'année scolaire 2000/2001, et en voulant
l'adapter pour chaque classe et chaque âge, en une charte
ou un code de vie écrit, nous cherchions à passer
d'une simple intention ou conviction à un principe directeur,
un engagement responsable. Il s'agissait, en même temps, de
passer du stade de l'information sur un thème donné
à la formation de soi-même, en tant que groupe et individus
composant ce groupe, aux règles de l'écoute réciproque.
Ainsi, il n'est pas étrange de lire dans le préambule
du document formulant les règles d'"Ecouter pour se
comprendre", écrit par la classe de 1°2, ce qui
suit : "Il faut noter que cette charte est basée sur
la compréhension réciproque établie selon l'écoute
de l'autre". Autrement dit, écouter l'autre vise à
comprendre son message et à construire un message commun.
Mais cela commence par écouter, faire silence en son esprit
et en son cur, pour recevoir l'autre parole et l'accueillir
comme quelque chose qui nous est proche. Ecouter l'autre, c'est
s'approcher de lui, devenir son prochain, c'est le rejoindre là
où il est, non pas là où nous voulons qu'il
soit, par la force de l'arbitraire. L'exercice de l'écoute
n'est-il pas aussi un apprentissage de la rigueur, de la logique,
du sérieux et de la moralité en nous? N'est-il pas
une école de l'excellence?
Construisons les bases d'une mise en uvre du dialogue
C'est de là, de cette position et de cette attitude
de prochain, que l'on peut discuter en écoutant, partager
en dialoguant, que l'on peut devenir le "Bon Samaritain"
de l'Evangile (Luc 10, 29-37). Ecouter l'autre ne peut se faire
sans souffrance et sans se déposséder de soi-même,
car notre tendance est d'aller très vite en besogne, c'est-à-dire
d'imposer notre point de vue, et par la suite, de s'imposer à
l'autre. Par l'écoute, nous construisons ce qui est nécessaire
à la mise en uvre du dialogue, terme si important pour
toute société qui a choisi la liberté, la souveraineté
et l'indépendance. Mais ce dialogue, nous avons à
le cultiver en nous : c'est un travail de formation humaine et civique
de tous les jours, comme l'exprime si bien la charte de la classe
de 3°4 : "Aimer et se respecter, c'est savoir s'écouter
et se comprendre. Pour s'écouter, il faut prendre la permission
avant de parler; pour se comprendre, il faut éviter d'interrompre
quelqu'un qui parle. Le respect, c'est éviter toutes sortes
de moqueries et d'humiliations, c'est savoir se maîtriser
entre nous et avec nos professeurs". Quant à la charte
de la classe de 3°1, elle demande au professeur "d'être
disponible et de donner aux élèves le temps nécessaire
pour poser des questions, trouver les réponses et assimiler
les notions", sans oublier que l'écoute se fait avec
bienveillance pour établir un vrai climat de confiance et
d'équité.
De l'écoute vraie au véritable dialogue
Dans ce climat de communication confiante, il est vrai, comme
le dit une charte venant de la classe de 8°, que "la parole
me libère", mais il est tout aussi vrai que l'écoute
authentique libère la parole de l'autre, qui se sentira respecté
et valorisé ; une vraie écoute aidera l'autre à
se faire comprendre et, de ce fait, à se partager les richesses
intellectuelles et humaines, du moins à se les communiquer.
Dans ce sens, le dialogue n'est pas un simple bavardage, mais un
entretien ou une discussion sur des problèmes ou des questions
concernant la vie de classe et des projets entre amis. Le vrai dialogue
est un moment de recherche, en commun, pour progresser vers un terrain
d'entente ou un accord entre nous pour le bien de tous ; c'est un
échange de paroles sur des questions importantes et vraies
qui touchent le destin de nos personnes, le présent et l'avenir
de nos sociétés, l'identité de ce que nous
sommes et de ce que nous voulons être. Le dialogue entre nous,
pour être vrai, concerne ce qui fonde et façonne notre
être comme le savoir et les diverses connaissances, l'amitié
et ses fondements, les valeurs - c'est-à-dire les réalités
qui ont un grand prix dans et pour notre vie. Biens pour lesquels
nous voulons combattre afin de les préserver ou, tout simplement,
les obtenir.
Le dialogue des cultures
D'une discussion entre élèves ou entre élèves
et professeurs, sur des questions d'importance inégale, le
dialogue peut devenir un dialogue entre les cultures, ces ensembles
d'aspects et de formes ou manières d'être, de s'exprimer,
de faire et de comportements propres aux sociétés
et aux groupes humains. Le dialogue entre cultures, déclaré
thème de l'année 2001 par les Nations-Unies, par l'Association
des pays francophones et par sa Sainteté le Pape Jean-Paul
II, est le bon moyen, au niveau mondial, pour contrecarrer le fanatisme,
refuser la médisance et lutter contre le rejet d'autrui et
l'exclusion des plus démunis. Mais en quoi, nous, Collège
et communauté éducative, pouvons-nous être concernés
par le dialogue entre les cultures? Le Pape Jean-Paul II, dans son
Exhortation Apostolique "Une espérance nouvelle pour
le Liban" et dans son message de la Journée Mondiale
de la Paix (premier jour de l'an 2001), dit que " l'éducation
est à la base du dialogue". Mais le dialogue ne suppose-t-il
pas l'ouverture culturelle, l'ouverture à une autre culture
que la sienne ? L'ouverture signifie ne pas se confiner dans un
renfermement maladif sur sa propre culture, comme s'il s'agissait
d'une idole, et en même temps, éviter la fusion avec
l'autre culture, comme si elle devenait le sauveur de tous nos problèmes.
Les grandes cultures mondiales actuelles sont celles qui ont su
comment s'ouvrir aux autres, pour profiter de leurs richesses intellectuelles
et sociales, en les intégrant et en préservant leurs
identités. La culture, ce ne sont pas seulement les arts,
la langue et la littérature, mais tous les aspects de la
vie dans sa dimension spirituelle, matérielle, intellectuelle
et sociale.
Intégrons les richesses de notre propre culture
"L'ouverture culturelle", comme principe et valeur,
est inscrite au cur même de notre Projet d'Etablissement,
comme dans le Projet Educatif du Collège. Nous l'inscrivons
non seulement comme principe dynamique, mais comme un ensemble d'actions
à réaliser. En cela, nous insistons sur une réalité
qui a été au cur de l'action éducative
du Collège. Aujourd'hui, nous voulons la continuer au moment
où elle peut être menacée mais, de même,
nous la considérons comme moyen pour mieux apprécier
et intégrer les richesses de notre propre culture arabe,
qui nous rend plus proches de nous-mêmes.
Salim Daccache, s.j.
Recteur