Écoles - Le jubilé de l'établissement scolaire jésuite
Rencontre Sfeir-Lahoud en clôture des célébrations à Jamhour

Mgr Sfeir célébrant la messe.

Mgr Sfeir et le président Lahoud après la messe : un climat détendu.

Le recteur de Jamhour donne la communion au président Lahoud.
Le président de la République,
le général Émile Lahoud, et le patriarche maronite, Mgr Nasrallah
Sfeir, se sont rencontrés hier au Collège Notre-Dame de Jamhour,
où Mgr Sfeir a célébré l'office dominical en l'église de l'école,
à l'occasion du premier congrès mondial des anciens élèves de
Jamhour, dans un climat de détente empreint de cordialité.
Un événement important à plusieurs niveaux, notamment au niveau
politique et national, puisque c'est la première réunion entre
les deux hommes depuis plusieurs mois marqués par une tiédeur
dans les relations entre Bkerké et Baabda. C'est aussi la première
fois depuis longtemps que les deux hommes se retrouvent en « terrain
neutre ». Le président Lahoud avait assisté à la messe à Notre-Dame
du Tell, à Deir el-Qamar, en août 2001, au moment de la visite
du patriarche maronite au Chouf. Enfin, la rencontre entre le
chef de l'État et le prélat maronite constituait un véritable
événement historique pour le Collège Notre-Dame de Jamhour : le
général Lahoud est en effet le premier président de la République
à pénétrer dans l'enceinte du collège durant son mandat depuis
Béchara el-Khoury et Camille Chamoun, dans les années cinquante,
à l'époque où l'établissement, qui fête actuellement son jubilé,
venait de voir le jour. Mais il s'agit surtout de la première
visite à Jamhour d'un patriarche maronite. Et l'émotion a atteint
hier son paroxysme dans les rangs des Jamhouriens, d'autant plus
que Mgr Nasrallah Sfeir est lui-même un ancien du collège Saint-Joseph,
l'« ancêtre » de Jamhour. Preuve en est, l'église était noire
d'anciens, à l'occasion.
La cloche du jubilé
Accompagné de l'archevêque maronite de Beyrouth, Mgr Boulos Matar,
et de ses vicaires patriarcaux, le patriarche maronite est arrivé
à 10h30 à Jamhour, où il a été reçu par des responsables des différents
comités du collège, parmi lesquels le recteur, le père Salim Daccache,
le provincial de la Compagnie de Jésus pour le Proche-Orient,
le père Fadel Sidarouss, le président de l'Amicale des anciens
élèves de l'établissement, Michel Eddé, et le secrétaire général
de l'Amicale, Nagy Khoury. Le comité d'accueil comprenait également
un groupe d'élèves représentant les différents mouvements d'activités
sociales du collège, tels que le Comité d'activité sociale (CAS)
et le groupe scout.
Mgr Sfeir s'est ensuite dirigé vers les portes de l'église Notre-Dame
de Jamhour où il s'est arrêté pour bénir la « cloche du jubilé
», offerte par l'Amicale des anciens à l'église. Cette cloche,
fondue à Beit Chabab, a coûté 2 000 dollars. Elle porte, gravé,
un extrait des Psaumes en latin, en syriaque et en arabe, ainsi
que les logos du collège, de l'Amicale des anciens et du jubilé.
Il a ensuite sonné vigoureusement la cloche, avant d'être relayé
par des jeunes.
Quelques moments après, le prélat maronite est entré dans l'église
du collège où il a célébré l'office, assisté des évêques Roland
Abou Jaoudé, Boulos Matar, Checrallah Harb, Toubia Abi Aad et
Nabil Mazloum, et de pères jésuites parmi lesquels Fadel Sidarouss,
Salim Daccache, Jean Dalmais, Thom Sicking, Bruno Sion, Paul Brouwers,
Frank Ramsberger, Alex Bassili, Louis Boisset, Michael Zammit,
Bruno Pin, Joseph Nassar, François Nehmé et Saleh Nehmé, en présence
du président de la République, le général Émile Lahoud, du ministre
d'État au Développement administratif, Fouad es-Saad, du ministre
de la Défense, Khalil Hraoui, de l'archevêque maronite de Beyrouth,
Mgr Boulos Matar, des députés Salah Honein, Antoine Ghanem, Robert
Ghanem, Pierre Gemayel, Abdallah Farhat et Nabil de Freige, de
l'ambassadeur des États-Unis, Vincent Battle, et de M. Michel
Eddé. Étaient également présents à la cérémonie les anciens ministres
Sleiman Kanaan, Pierre Daccache et Farid Raphaël, le consul de
France Michel Pipelier, le président du Conseil économique et
social, Roger Nasnas, le président de la Ligue maronite, l'émir
Harès Chéhab, et de nombreuses personnalités actives aux plans
politique, civique, académique, religieux et militaire.
Sfeir : Le Liban,
« une patrie singulière »
Dans son sermon, le patriarche maronite s'est d'abord adressé
au président Lahoud, qu'il a remercié pour sa présence.
Mgr Sfeir a établi un parallèle entre la visite à Jamhour dans
les années 50 de cheikh Béchara el-Khoury, qui avait participé
à la cérémonie de pose de la première pierre du collège, et celle
du président Lahoud. « Il s'agit d'une preuve de votre appréciation
pour la formation religieuse, morale, nationale et humaine que
les pères jésuites dispensent dans leurs collèges et leurs universités
réparties sur les cinq continents (...). Une formation que l'ancien
supérieur général, Pedro Arrupe, a résumé en ces mots : "Des hommes
et des femmes pour les autres". Il avait dit que le but de cette
formation était d'éduquer des personnes à connaître simultanément
l'Amour de Dieu et l'Amour des hommes, au sens pratique et avec
un souci fondamental, la recherche de l'équité et de la justice.
(...) Et d'ajouter d'ailleurs que l'excellence professionnelle
et l'aptitude au changement sont des actes positifs tant qu'on
dédie son existence au service des autres », a affirmé le patriarche.
Il a ensuite remercié le père Daccache pour son invitation, en
rendant hommage aux six pères jésuites fondateurs de Jamhour,
dont quatre ont disparu et reposent en terre libanaise. « Ils
sont pour la plupart français d'origine, mais ils ont adopté le
Liban par amour pour sa culture. Et le Liban les a adoptés en
retour. Certains d'entre eux étaient des leaders pour nous au
niveau eucharistique, à l'époque où nous étions encore sur les
bancs d'école (...) », a-t-il poursuivi.
Évoquant ensuite le jubilé de Jamhour, Mgr Sfeir a affirmé : «
Cette école a vécu avec les Libanais les jours de joie et de peine.
Les résidents ont profité de la pureté offerte par le paysage,
mais ils ont aussi connu l'injustice des hommes envers les hommes.
Ils ont subi les bombardements fous à bout portant, à cinq reprises.
Trois fois ils ont été obligés de quitter les lieux et de reconstruire,
à l'instar de nombreux Libanais dont le sort était de rebâtir
sous les obus, ce qui a suscité l'admiration de beaucoup en la
détermination de ce peuple et son attachement à sa terre, sa culture
et sa confiance en son pays si petit en superficie et si grand
en traditions et en culture humaine : un parcours de 6 000 ans
d'histoire. »
Après avoir mis en exergue les vertus de l'enseignement jésuite,
notamment l'esprit de solidarité, et l'éducation aux valeurs morales
et spirituelles pour le changement « jusque dans l'infrastructure
», et cité de nouveau le père Pedro Arrupe et l'actuel supérieur
général de la Compagnie de Jésus, le père Hans Peter Kolvenbach,
le patriarche s'est enfin adressé aux élèves du collège et du
Liban : « Votre pays vous attend. Il fonde sur vous de grands
espoirs. Ne le décevez pas. Soyez de vrais citoyens, prêts à sacrifier
pour que le Liban conserve sa dignité. Les nations sont formées
d'une profondeur historique et d'un foisonnement culturel. Elles
sont constituées à partir d'hommes et de femmes qui n'ont pas
peur d'assumer leurs responsabilités et ne fléchissent que devant
Dieu en lequel ils croient, le droit auquel ils doivent et le
bien pour lequel ils ouvrent. Et le Liban est une patrie singulière,
unique en son genre. »
Déjeuner en présence
de Lahoud
À l'issue de la messe, le père Daccache a pris la parole, évoquant
la naissance de Jamhour il y a cinquante ans. Le recteur du collège
s'est d'abord adressé au président de la République, évoquant
les visites des présidents Béchara el-Khoury et Camille Chamoun,
respectivement en 1950 et 1954. « Votre présence parmi nous, avec
tout ce que cela symbolise au niveau de la charité et de l'appel
à l'unité, nous incite à davantage de stabilité et de détermination
au service de l'éducation, cette richesse libanaise qui forge
les générations libanaises pour un avenir juste et équitable »,
a-t-il indiqué.
S'adressant ensuite au patriarche Sfeir, père Daccache a dit :
« Nous voyons en vous le maître et le guide qui nous incite à
vivre la mission éducative comme une parcelle de la mission de
l'église au sein de la société (...). Votre présence renforce
notre foi et notre détermination dans notre mission. Merci aussi
pour votre voix. Que les élèves et les anciens l'écoutent pour
être attachés à leur terre, enracinés dans leur culture et prêts
au service. »
Il a enfin remercié Mgr Boulos Matar, avant de souhaiter que l'école
persiste dans ses objectifs éducatifs, « sur les pas d'Ignace
de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, ceux du service
et de l'amour pour la gloire de Dieu ».
Le recteur a ensuite remis au président Lahoud la plaque commémorative
du jubilé et les livres publiés tout récemment sur Jamhour à l'occasion.
Le père Sidarouss a remis la même plaque et des copies des mêmes
livres à Mgr Sfeir. Des médailles ont également été remises à
Mgr Boulos Matar, à l'ancien recteur de Jamhour, le père Jean
Dalmais, et à M. Michel Eddé.
Le patriarche Sfeir et le président Lahoud ont ensuite pris quelques
instants de repos dans le salon du collège, en présence des évêques,
des officiels et des responsables du collège.
Mgr Sfeir et le chef de l'État ont ensuite participé au déjeuner,
en présence notamment des évêques, de Mme Andrée Lahoud, du ministre
Khalil Hraoui, de M. Michel Eddé, du père Daccache et du père
Sidarouss.
L'occasion pour les deux hommes, assis côte à côte, de discuter
dans un climat très détendu de plusieurs sujets d'ordre général
parmi lesquels la situation régionale et la crise irakienne, les
intempéries et les inondations, ainsi que le volet interne. Une
autre table a regroupé l'ambassadeur des États-Unis Vincent Battle
et d'autres anciens du collège.
L'hommage du président
Le chef de l'État a rendu hommage à l'établissement scolaire,
« qui a beaucoup donné au plan national et éducatif et qui a produit
des générations d'étudiants libanais qui ont joué ou qui jouent
actuellement un rôle fondamental dans la construction et le développement
du pays à tous les niveaux ».
Le général Lahoud a estimé que Jamhour, qui « a été témoin et
victime des jours sombres que le Liban a connus, avait réussi
à surmonter les difficultés pour perpétuer sa mission » et « continue
avec les autres écoles catholiques à jouer un rôle fondamental
au niveau éducatif et national au Liban ».
Prenant la parole, M. Eddé a remercié le patriarche et le chef
de l'État pour leur présence, rendant hommage au général Lahoud
« qui, par sa présence, a mis l'accent sur le rôle important des
pères jésuites depuis plus de 150 ans au service du Liban et de
ses jeunes ».
Évoquant le rôle pionnier des pères jésuites au niveau de la formation
de beaucoup de jeunes qui ont joué plus tard un rôle au plan national,
à tous les niveaux, M. Eddé a rappelé que Mgr Sfeir était lui-même
un ancien du collège.
Il a ensuite relevé l'impact de la formation jésuite sur le cachet
du Liban, le « pays-message » symbole de vie commune et modèle
universel, tel qu'exprimé par le pape Jean-Paul II, « au moment
où les valeurs ont malheureusement été moquées et vidées de leur
substance partout dans le monde ».
L'ancien ministre a par ailleurs appelé les Libanais à resserrer,
maintenant plus que jamais, les rangs autour du pouvoir, au vu
de la situation régionale et à mettre de côté leurs dissensions
pour défendre l'indépendance, l'unité et la liberté du Liban.
« C'est aux anciens de Jamhour et de l'USJ de donner l'exemple
pour que le Liban demeure un espace de paix et de liberté, et
que la démocratie et la justice perdurent dans ce monde exténué
par les guerres, les invasions, les massacres et la destruction
», a-t-il souligné.
Enfin, le père Sidarouss a donné lecture d'un message du père
Kolvenbach et a évoqué la situation de la Compagnie de Jésus dans
le monde.
Le patriarche maronite et le président Lahoud ont ensuite coupé
ensemble le gâteau d'anniversaire des 50 ans de Jamhour sous les
applaudissements d'un public ému.
Et, après le départ du chef de l'État, Mgr Sfeir a terminé sa
visite historique par une tournée de l'établissement en compagnie
notamment du recteur, des évêques et de M. Eddé. Un final somptueux
pour une journée unique dans l'histoire de Jamhour.
***
« Croire », « Savoir » et « Servir »
« Croire », « Savoir »
et « Servir », un triptyque qui résume l'engagement caractéristique
de l'enseignement jésuite. Mais aussi trois thèmes sur lesquels
les anciens du collège (depuis les années 50 aux années 2000)
ont été invités à réfléchir durant le premier congrès des anciens,
dans le cadre d'ateliers de travail.
L'atelier « Croire », axé sur l'aspect spirituel de la formation
jésuite, a été animé par MM. Jacques Matta (promo 1962), Georges
Salloum (promo 1963), Robert Sikias (promo 1957) et Christian
Char (promo 1970).
L'atelier « Savoir » s'est intéressé à la formation académique
dispensée par le collège et les moyens de l'améliorer. MM. Toufic
Aris (promo 1971), Fady Chalfoun (promo 1976), Joseph Salamé (promo
1976) et Christiane Chkeibane-Tuéni (promo 1979) ont dirigé les
séances du groupe.
Enfin, l'atelier « Servir » a permis aux anciens de réfléchir
sur l'aspect civique de la formation et ses répercussions sur
l'engagement des anciens dans la cité, dans la « chose publique
». Les ateliers étaient dirigés par MM. Melhem Khalaf (promo 1980),
Assaad Najem (promo 1985), Salah Honein (promo 1974) et Joseph
Moukarzel (promo 1976).
Les chefs d'ateliers ont ensuite présenté un rapport des séances
à M. Joe Bahout (promo 1983), qui en a fait une synthèse. M. Bahout
a présenté, durant la cérémonie de clôture, une série de recommandations
à la lumière des observations des ateliers de travail.
« C'est en devenant authentiquement témoins de notre foi et de
notre temps, c'est en nous jetant éperdument dans le monde tel
qu'il nous est donné, c'est en nous engageant pleinement comme
acteurs d'un réel à transformer, que nous nous serions acquittés
de notre dette envers Jamhour », a indiqué M. Bahout à l'issue
de son intervention. Et de conclure en citant Nietzsche : « On
ne rend jamais son dû à un maître, si l'on en demeure toujours,
et seulement, l'élève. »
Michel HAJJI GEORGIOU