Mot de Madame Christiane Tueini :
R. Père Recteur,
Chers Amis,
Père Michael ! C’est grâce à vous, pour vous et avec vous que nous sommes réunis entre nous aujourd’hui ! N’est-ce pas là une occasion à saisir pour nous autoriser quelques confidences ? Je vous rassure, elles ne seront pas « fausses » comme celles de Marivaux !
Il arrive souvent aux professeurs de lettres de travailler dans les romans, l’impact des premières rencontres… Et ma déformation professionnelle l’emportera aujourd’hui… A l’occasion de ce déjeuner qui nous rassemble autour du Père Michael, je souhaiterai évoquer sa première rencontre avec les professeurs dont je faisais partie, en ce mois de septembre 1987, il y a exactement 20 ans… C’était une première rencontre… brève mais révélatrice. Elle était réduite à deux phrases : la première phrase était exclamative et la deuxième interrogative. A elles seules, elles auront placé l’apparition du Père Michael sous le titre de la spontanéité.
C’était donc en septembre de l’année 1987… C’était presque hier… nous arrivions au Collège pour la session de rentrée… Nous étions quelques professeurs devant le tableau où était affiché le programme de la session… Ce tableau se trouvait devant l’église… Alors, un jeune monsieur, barbu, à l’accent exotique - que nous connaissons tous aujourd’hui- s’approcha du groupe qui avait le dos tourné et qui déchiffrait le programme de la journée, il dit : « Bonjour ! Je suis le Père Michael, je viens de Malte ! Savez- vous où se trouve Malte ? » L’exclamative servait de présentation et l’interrogative, était un test de connaissance !!! Que penser ? Pris au dépourvu par cette apostrophe qui nous surprenait tant par l’accent que par le contenu, le Père Michael devait voir des visages qui passaient de l’étonnement à la curiosité !
Savait-on déjà que Malte est un archipel au cœur de la méditerranée ? Je ne le pense pas !
Savait-on que Malte fut une colonie phénicienne au 9e siècle avant JC ? Non !
Savait-on que La Valette, capitale de l’île, est une merveilleuse forteresse qui domine la mer et qui protégea le peuple de l’invasion Ottomane ? On ne le savait pas encore, car…
Dès sa venue le Père Michael nous fit ouvrir nos dictionnaires et nos livres de géographie ! Et nous apprîmes que nous partagions au moins une qualité en commun : nos ancêtres les phéniciens…
Dans « Origines » Amine Maalouf annonce dans sa Préface : « si les arbres ont besoin de leurs racines, les hommes pas ! Les hommes respirent la lumière, convoitent le Ciel… prennent des routes… »
Mais alors, ces origines en commun expliquent-elles l’attachement du P. Michael pour le Liban et pour les libanais ? Je ne répondrais pas à sa place… Mais l’ayant connu pendant tant d’années en beaux temps et temps orageux, je peux affirmer que cet amour reflète un attachement très fort, voire un enchantement ! Rappelons-nous que son premier contact avec le Liban a été avec les abris de la guerre… Souterrain d’abord, ce contact sortit au grand jour lors de ses multiples randonnées, empruntant toutes les routes qui le menèrent dans tous les coins du pays à la découverte des trésors du Liban ! Des découvertes bâties sur des échanges toujours plus riches, avec les personnes qu’il a côtoyées dans son travail de surveillant, de père spirituel, de préfet, de responsable de la formation continue, et j’en passe…
Mais, pour le Père Michael, le vœu d’obéissance n’est pas un vain mot ! Appelé par la suite à quitter cette terre d’adoption pour poursuivre sa formation en France –ce fut un réel arrachement- le Père Michael a surpris tout le monde ce 22 décembre 1993 quand il a émis le désir d’être ordonné Diacre en l’église du Collège, précisément au Liban !
Et le 8 juillet 1994 entre 18h00 et 18h30 (il faut dire que les Maltais n’ont pas beaucoup la notion du temps) le Père Michael allait être ordonné prêtre à Malte ! Nous étions quelques uns à nous y rendre pour partager avec lui ce moment décisif de sa vie… mais, on se demandait si l’île de Malte, archipel tranquille, située entre ciel et mer, loin des terres et des hommes, était assez grande pour permettre à l’avion d’atterrir… Et pour augmenter notre angoisse de passagers, on nous fit croire que la piste de l’aéroport était en angle droit, et que le pilote ingénieux, devait lors de l’atterrissage réussir son virage…
Aujourd’hui, P. Michael, vous êtes le pilote qui se tourne vers la Bekaa. Appelé à poursuivre votre mission, celle de servir ce pays, au cœur même de sa meurtrissure ! La Bekaa ! Située entre deux chaînes de montagnes, l’une à l’Est et l’autre à l’Ouest, il ne s’agit pas de perdre le Nord ! Le virage est certes difficile en ces temps troubles et inquiétants.
« Vous partez dans la joie mais non avec joie » avez-vous dit l’autre soir… !
Mais plus que la joie, plus que la chance, plus que le succès… je vous souhaite, au nom de tous ceux qui vous ont connu dans les bons jours et les moins bons, au nom de tous ceux qui sont présents aujourd’hui, je vous souhaite du fond du cœur, le courage, la détermination et la sagesse nécessaires à tout pilote de 1ère ligne !
Christiane Tuéni