Église Notre-Dame de Jamhour
Samedi 6 octobre 2007

Message du Père recteur
adressé au Corps enseignant et administratif
à l’occasion du début de l’année scolaire

[Album photos]

 

   C’est en l’église Notre-Dame de Jamhour que le père Salim Daccache, s.j., recteur du Collège, a prononcé son message, devant une assemblée constituée d’éducateurs et de membres de l’administration. Cette intervention a été suivie, à 10h30, par la célébration de la messe. À 11h30, tout le monde s’est retrouvé à la cafétéria des Grands, autour d’un brunch convivial.

Message

Plan

Chers Amis et Collègues,

I.Hôtes de notre Eglise qui nous unit.

Nous voilà aujourd’hui hôtes de notre église dédiée à Notre-Dame de Jamhour, qui accueille dans son cœur maternel notre communauté éducative, engagée et croyante.

Jetez un coup d’œil au plafond de l’église, vous ne remarquerez peut-être pas le travail d’artisan qui a été entrepris depuis la fin du mois de juillet pour traiter les arêtes des voûtes et des étriers en fer qui s’étaient rouillés avec le temps et qui commençaient à menacer le béton qui les entoure. Je vous rassure, il n’y a aucun danger sur la structure ; cette affaire d’esthétique et de protection du fer et du béton aurait dû être engagée depuis quelques années. C’est pour dire que, 40 ans après, il est normal de se refaire une santé ! Je saisis l’occasion de remercier M. Sahag Guibinian, entrepreneur et parent d’élève, qui a tenu à prendre à sa charge les travaux de restauration.

La valeur et le sens de notre travail et notre engagement

Nous retrouver ensemble, éducateurs et animateurs de toutes les classes, pendant ce temps de rentrée scolaire, est une occasion de nous interroger sur la valeur et le sens de notre travail durant l’année à venir. Il ne s’agit pas seulement de notre activité, mais de notre motivation et ce que nous sommes. Notre regard, extérieur et intérieur, se porte non seulement sur la quantité mais surtout sur la qualité de ce que nous entreprenons, et sur l’aboutissement de notre tâche d’éducation et d’enseignement. Le travail entrepris par l’éducateur, dans n’importe quelle classe, ne laisse-t-il pas ses traces sur la formation de la personnalité de l’élève ? Quelle responsabilité et quelle entreprise !  

II. La rentrée scolaire dans un esprit de fête.

Pour illustrer cette rentrée scolaire, je voudrais relater un fait anecdotique qui nous vient des écoles du pays de sa majesté la reine d’Angleterre. Selon un jeune jésuite qui a étudié quelques années au Royaume-Uni, les élèves des écoles anglaises commencent l’année scolaire de la même manière qu’ils la terminent, c'est-à-dire par une ambiance de fête. Quelques semaines déjà avant la rentrée scolaire, ils se réunissent pour préparer des sketches et mettre au point une animation récréative et artistique qui fera de leur rentrée une fête, un événement marquant les cœurs et les esprits. Enseignants et élèves vivent la rentrée scolaire dans la bonne humeur, annonçant les uns aux autres que l’année qui commence s’ouvre sur de bonnes semences, qu’elle est porteuse de véritables moissons dans la joie, puisque le travail d’acquisition du savoir est un perpétuel moment de bonheur et d’empathie.

Quant à nous, essayons de vivre notre rentrée comme une fête, même si le cœur et l’esprit n’y sont pas. Nous venons de perdre, avec le départ de M. Antoine Ghanem, un papa et un ami. Son assassinat ne peut être dissocié de nos réalités politiques libanaises où les lignes rouges sont devenues les mares de sang de nos martyrs. Je voudrais saluer sa mémoire et présenter, en votre nom, nos condoléances à nos collègues, sa fille, Mme Mounia Tabet, et la belle-sœur de Mounia, Mme Jihane Tabet-Mansour. Nous présentons aussi nos condoléances à la famille de M. François Stéphan, frère de  nos collègues, au PC, Mme Juliette Fayad et Mlle Jeannette Stéphan, et au CSG, M. Raymond Stéphan.

Nous présentons aussi nos condoléances à Mme Noha Zouein el-Hage, éducatrice  au CSG, pour la perte de son père. Nous présentons aussi nos condoléances à sœur Victoria Mourad, catéchète et animatrice spirituelle au Collège, pour la perte récente de sa maman. Nous présentons aussi nos condoléances au père Alex Bassili, qui a perdu récemment sa maman.

La maîtrise de l’angoisse, un fondamental de l’éducation

Cette rentrée scolaire, marquée par l’instabilité et la crise politique, nous plonge dans l’angoisse et la peur du lendemain. Dans ces moments, la tristesse ne nous quitte pas, mais notre devoir est de dominer notre inquiétude, d’éduquer à la maîtrise de l’angoisse, que Yannick Bonnet souligne comme « deuxième fondamental » dans son livre les neufs fondamentaux de l’éducation, qui se trouve à la bibliothèque du Collège. Encore une fois, nous sommes invités à faire appel à notre source intérieure, à ce « quelqu’un d’à moitié étouffé qui a absolument besoin de se mettre à l’aise » selon Paul Claudel. La résilience, la recherche de nos énergies intérieures se font dans un esprit de solidarité et d’appui mutuel dont nous avons tellement besoin aujourd’hui.

C’est dans ce même état d’esprit que nous pensons à ceux qui nous ont quittés cet été, jeunes élèves ou anciens, et je cite Elie Daoud, Promo 2000, Elio Homsi (jeune élève du CSG), Christopher Sacre qui avait quitté Jamhour en classe de 5e. Je ne peux oublier aussi ceux qui sont malades, et je pense tout particulièrement à Gabrielle Nabaa, élève de 1re, gravement accidentée, qui lutte pour retrouver la conscience. Je pense à ses parents et je les confie tous au Seigneur.

Des mariages……..

Être solidaire, c’est être également solidaire dans la joie ! Alors, adressons nos meilleures félicitations aux couples qui ont célébré leurs noces ces quelques mois, je cite :

Nisrine Jalkh avec Youssef Obeid     
Rania Abou Rahal avec Jean Najm              
Pamela Ammar avec Maroun Aoun    
Reine Bou Issa avec Wadih Ghafari
Arlette Chahrouri avec Joseph Panayotti
Nadine Khoury avec Roland Aouad
Bénédicte Hardy avec Bruno Leclerc 

……..et des naissances 

Et quand il y a mariage, il y a naissance qui se pointe à l’horizon. Saluons la venue des nouveau-nés, et félicitons leurs parents :

Nancy Nawar, maman de Charelle
Edmond et Neyla Chidiac, parents d’Arianne
Myriam Bazan Yaghi, maman de Reem
Roula Khalaf, maman de Mathieu Khalaf
Benoît et Bénédicte Mailliet, parents d’Yves

Des départs……

Comme chaque année, je vous annonce le départ de certaines personnes :

Au niveau de l’Enseignement :

Mme Marianne Abi Younès (année sabbatique),
M. François Abou Jaoudé,
Mlle Joëlle Ayache (année sabbatique),
Fr. Ronney Gemayel,
Mme Hiba George,
Mlle Joëlle Gharios,
M. Fadi Hajj,
Mlle Catina Mikael Hélou,
Mlle Aurélia Joulin,
Mlle Nadine Khoury,
Mlle Michèle Mourad,
Mme Najwa Nseir,
M. Joseph Saadé (retraite),
M. Joseph Salamé,
Mme Reem També
P. Michael Zammit.

Au niveau de l’Administration : 

Mlle Aline Azar (CSG),
Mme Claudia Daoud,
Mlle Diane Ghorayeb (Centre Sportif),
M. Malek Ghorayeb (Service informatique),
M. Frédéric Moiset,
Mme Sophie Segone.

Au niveau du Service des Transports :

M. Youssef Chalhoub,
M. Sami Jreich,
M. Georges Kalim Nawar,
M. Abdo Salamé,
M. Elias Sassine (retraite),
M. Youssef Youssef.

Au niveau du Service de l’Intendance :

M. Michael Tok.

…….et des arrivées

Et, comme chaque année, je vous annonce l’arrivée de nouvelles personnes :

Au niveau de l’Enseignement :

M. Antoine Abi Daoud (Philo Ter), Mme Eliane Abou Atmé (Surv SG),
Mme Nada Aoun (Arts plastiques 8e, 9e),
Mlle Maria Badr (Fr 4e NDJ, 5e CSG),
Mme Myriam Bahout (Act. culturelles, CFRP),
Mlle Christelle Beyrouthi (Assistante 12e CSG),
Mlle Pamela Bou Habib (Surv SG),
Mlle Sandra Bou Karam (Danse, Ryth. 11e, 12e),
Mlle Rachel Chléla (Surv SG),
Mme Maya Ghamika (retour),
Mlle Amani Ghosson (Sc. 5e, Bio 4e),
Mme Joumana Khalifeh (Fr 8e, 9e),
M. Elie Grégoire Khoury (Maths Ter),
P. Denis Meyer sj (Père spirituel Te),
Mlle Sabine Mikhael (Maths 7e, 6e),
Mlle Nada Mouzannar (Fr. 2de, 5e),
Mlle Salame Nassrallah (Maths 11e),
P. Sami Nehmé (Aumônier Petits),
M. Marc Rached (Surv Ter),
M. Maroun Rahhal (Surv Petits),
Mlle Maria Rizk (Sc 7e, 5e),
Mme Florence Scala (EPS 8e, 7e, 6e),
P. Hani Tawk (Aumônier Moyens, CR 2de),
Mme Rania Tawk (HG 4e, 5e),
F. Fady Chidiac sj, (maths en 4e et Tice).

Au niveau de l’Administration : 

Mme Line Bachour (Centre Sportif),
Mme Néda Jamhouri (BCP),
Mme Carole Manuel (CSG),
Mme Micheline Najjar.

Je souhaite à toutes ces nouvelles personnes la bienvenue et la bonne chance dans notre communauté enseignante.

Des travaux de restauration et développement pour que le Collège soit un lieu d’accueil et d’éducation

Toutes et tous, sommes au service de l’éducation de nos élèves dont le nombre est de 2.898 à Jamhour et de 700 à Saint-Grégoire. Pour accueillir ces élèves et leurs enseignants dans de bonnes conditions, gros et moyens travaux ont été entrepris cet été. Les plus importants sont les suivants :

À Jamhour

Le traitement du fer du plafond de l’église a été réalisé, et l’étanchéité de l’esplanade derrière l’église revue.

Au niveau du stade, les travaux ont permis la rénovation du tartan de la piste et de la régie (sonorisation, éclairage, chronométrage). Nouveaux sanitaires, réseau téléphonique et système d’arrosage du gazon ont été installés.

Au niveau du système hydraulique, on assiste au nettoyage et à la rénovation de l’étanchéité des réservoirs d’eau et de la station de pompage et de filtrage. Le puits artésien a également été nettoyé de fond en comble. Les toilettes de l’administration au PC ont été rénovées et de nouvelles toilettes ont été construites dans la cour des 11e.

Les dépôts de mazout, les ateliers et les locaux des chaudières ont été rénovés, la cheminée ramonée. Paratonnerres, parafoudres et systèmes de mise à terre ont subi une révision complète et ont été remplacés en cas de nécessité. Des pompes de chauffage ont été ajoutées au Petit Collège.

Au niveau du système électrique et électronique, le poste de transformation d’électricité a été renforcé : au GC, un nouveau transformateur de 630KVA a remplacé l’ancien de 400KVA, et au PC un 250KVA a remplacé le 100KVA. La climatisation de la salle audiovisuelle du GC a été rénovée, et des écrans ont été ajoutés dans les classes de la division Petits. Des ventilateurs plafonniers ont été installés dans les études, les laboratoires de technologie et certains bureaux.

Au Grand Collège, toutes les fenêtres en fer au niveau de l’étage de l’administration et du 1er sous-sol ont été remplacées par des fenêtres en aluminium, permettant une meilleure isolation et un maniement plus simple. De même, dans toutes les classes, des rideaux opaques ont été installés aux fenêtres pour permettre un meilleur visionnement des projections. L’infirmerie et le cabinet médical ont été rénovés et un bureau de surveillant construit en Terminale.

Le CAS a bénéficié de locaux supplémentaires (pièces préfabriquées récupérées au Collège Saint-Grégoire).

Des travaux d’entretien et de peinture ont été également entrepris au niveau des nombreuses salles et de nombreux achats ont été effectués (mobiliers, armoires, équipements de laboratoire, etc.).

Au Collège Saint-Grégoire

La construction du nouveau bâtiment s’est poursuivie tout au long de l’été. Classes et laboratoires ont bénéficié de tableaux en céramique et de rideaux opaques. Oliviers et plantes ont été plantés. Deux générateurs de 250 et 50 KVA ont été installés. Le compteur EDL a été renforcé, passant de 3X150A à 3X400A. Mobilier scolaire et bureautique a été acheté.

III. Le message, une réflexion et des directives autour de la question de l’autorité.

Quant au message de cette année 2007-2008, il s’inspire d’une discussion que j’ai eue avec d’anciens élèves, lors de ces rencontres d’été où les émigrés reviennent au pays pour se reposer et replonger dans la mémoire de leur vie scolaire. Ils ont demandé au recteur, que je suis, d’être parmi eux, de leur donner des nouvelles de leur Collège et d’être témoin de ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Dans leurs souvenirs, il reste des temps forts, les visages marquants de leurs enseignants, les événements qui les ont fait bouger, les difficultés et les moments de tension. Mais, ce qui revenait sans cesse, est ce que ce Collège leur a donné comme outils pour réfléchir et se discipliner.

Ce témoignage me pousse à faire une relecture de notre expérience éducative et, plus précisément, à m’interroger et à vous interroger sur votre responsabilité d’éducateur en tant qu’enseignants, professeurs, instituteurs ou surveillants. Le thème de cette année scolaire,  l’éducation à la citoyenneté, figure sous le titre de l’éditorial que vous trouverez dans notre agenda scolaire : Préparons-nous aujourd’hui à construire la cité de demain. Dans ce texte, j’ai abordé la culture que nous avons à inculquer au niveau de la conscience de chacun et de tous, culture du travail, du mérite, du discernement, du langage sincère et de la solidarité dans le but de participer à la construction de la cité de demain. Ce thème ayant été approfondi pendant vos réunions par préfectures, je voudrais, avec vous, en tant que corps professoral et éducatif, partager quelques réflexions sur le sens de l’autorité, notre autorité d’éducateurs, thème qui m’a interpellé lors de certaines des péripéties de l’année dernière ou encore à la suite d’une matinée de travail menée, il y a quelques jours, entre les préfets et les coordinateurs de matière, avec le P. Xavier Nucci s.j. et M. Bruno Tessier, directeur du Collège jésuite de Reims. Ces réflexions référent à notre tradition pédagogique ignatienne et s’inspirent d’un discours rédigé par le directeur d’un établissement scolaire jésuite sur le même thème.

Mon propos sur cette question va se décliner en trois points:

1. En premier lieu, éduquer à Jamhour, accueillir des jeunes en vue de les former, nous place dans un contexte d’autorité. Une autorité qui est la nôtre, certes, mais qui nous est aussi conférée par l’institution. Les élèves (et leurs parents) sont conscients que nous parlons en notre nom propre et au nom de l’autorité de l’institution, et avec son assentiment. Notre autorité individuelle est, de ce fait, amplifiée par notre Collège dont l’autorité intellectuelle et morale est reconnue. Mais notre autorité est parfois mise en cause lors de nos relations avec les parents d’élèves, avec les élèves et entre nous.

Tenir compte des rôles respectifs de la famille et de l’école

Avec les parents, nous devons ensemble, avoir recours au bon discernement. Une réunion qui s’est récemment tenue au Collège, débouche sur la requête suivante, je cite, « Limiter l’intervention des parents dans tous les domaines : pédagogique,   didactique, disciplinaire, etc. Les parents ne doivent-ils pas faire confiance au Collège, du moment qu’ils ont choisi d’y inscrire leurs enfants ? Il nous faut aussi clarifier le rôle du Comité des Parents dont les membres sont omniscients et omniprésents. Le Collège ne devrait-il pas reconsidérer la qualité des professeurs engagés ? ». Je ne discute pas le bien-fondé de cette demande, même si le problème dépasse les simples relations ou l’omniprésence des parents. Il ne faut pas oublier que la famille, c’est la famille, et l’école, c’est l’école. L’une et l’autre ont un rôle important dans l’éducation de l’enfant. La première entrée dans la culture, la découverte d’une certaine discipline et la première ouverture sur l’humain se font par la famille. Quant à l’école, et je reprends mon éditorial de l’agenda scolaire de cette année, n’est-elle pas la première expérience, parfois unique, d’apprentissage de la vie en société ? À l’école, les jeunes apprennent à s’accepter les uns les autres, à vivre ensemble et à dépasser les conflits. À l’école, je vis et je grandis avec l’autre, et non à côté de l’autre. Je découvre les règles de la civilité. Les exigences du Règlement intérieur sont un témoignage en faveur de cette vérité.

Les attentes légitimes des familles

Aujourd’hui, dans notre contexte libanais ou international de compétition, les familles ont des attentes et des exigences légitimes vis-à-vis de l’école, quant à la formation et la réussite scolaire. Cette situation est rendue problématique du fait que nous sommes face à une civilisation qui manque de repères et qui est marquée par le zapping. Une situation où l’enfant est roi, parfois un roi tyran, comme cette fillette de 10 ans qui refuse de porter le jeans du Collège parce qu’elle a choisi son jeans aux États-Unis, pendant l’été. Face à de telles situations, aux interminables doléances de leurs enfants, les parents ont tendance à démissionner. Ils sont souvent dépassés par l’éducation du tiers lieu que sont les groupes d’amis, les mass média, la rue, etc. et se montrent plus permissifs devant les demandes répétées et les pleurs des enfants.

Il est évident que les parents défendent leur progéniture, voulant se justifier en société, comme la réaction de cette maman, qui, après une sanction encourue par son enfant, n’hésitait pas à clamer : à moi l’éducation et à l’école l’instruction. Rassurez-vous, elle s’est excusée par la suite. Tout ceci pour évoquer le contexte libanais actuel où, pour certains, l’éducation est une marchandise comme les autres, un objet de consommation à la carte. Face à cette réalité, n’abdiquons pas, gardons à l’esprit les trois missions de l’école qui sont les vôtres : 1) transmettre et aider l’élève à se construire des savoirs. 2) socialiser, autrement dit intégrer l’élève à la société en tant qu’individu et citoyen, suivant des repères et des normes à s’approprier. 3) orienter ou bien aider l’élève à apprendre à choisir et à se construire un projet d’avenir. Bref, le rôle de l’école est d’instruire et de former.

Dans ce contexte, il nous faut aider les parents à passer d’une logique de parents consommateurs à une logique de parents partie prenante de l’école. Tant que les parents, je cite Philippe Meirieu, auront le sentiment de ne pas avoir de pouvoir dans l’école, ils tenteront d’exercer leur pouvoir sur l’école. D’une part, il est bien souhaitable qu’ils accompagnent leur  enfant dans sa scolarité, qu’ils se rendent compte de ses problèmes ; toutefois, ils n’ont pas à faire intrusion dans le métier des enseignants. Ceci n’est cependant pas suffisant. Il est nécessaire que les parents d’élèves soient partie prenante du Projet éducatif et du Projet d’établissement, qu’ils soient conscients que Jamhour est un lieu non seulement pour instruire, mais aussi pour éduquer. Nous retrouvons d’ailleurs cette réalité au niveau de toutes les lettres qui accompagnent les demandes d’inscription, mise bien en évidence, comme étant l’élément clef qui motive le choix des parents !

La mission spécifique de Jamhour, être un lieu dynamique d’assimilation de la tradition et de la modernité

De même, ne faut-il  pas souligner que notre autorité, appuyée par celle du Collège, s’exerce dans un contexte social et politique assez difficile pour nous-mêmes et nos élèves ? D’une part, nous savons que notre société manque de repères et de modèles, ou se fixe des modèles qui ne cadrent pas toujours avec les exigences disciplinaires et éducatives. Elle est traversée par bien des tensions et des paradoxes : nous sommes attachés à des valeurs traditionnelles tout en étant réceptifs à tous les vents et toutes les influences occidentales. En tant que Collège, nous représentons quand même, dans le marasme actuel, causé ou non par le libéralisme occidental ou le chaos proche oriental, un  point fixe, porteur de vérités. Nous sommes un lieu dynamique qui sait conjuguer bonnes traditions et modernité sensée ; notre rôle à tous étant de protéger les premières et de promouvoir la seconde.

Enfin, en comparant la réalité de notre Collège à d’autres, je constate que nous accueillons une population d’élèves plein de bienveillance, et qui font confiance à l’institution, si j’en crois le sondage effectué, l’an passé, en Terminale, par un jésuite de passage : 96% des élèves affirment vouloir inscrire leurs enfants à Jamhour, et les 4% restants veulent se faire jésuites. Certes, nos élèves sont assez difficiles, surtout quand ils agissent sans réfléchir et en masse ; ils veulent affirmer leur personnalité et pensent se démarquer en narguant l’autorité. Cependant, dans leur grande majorité, ils se montrent exigeants et à la hauteur de nos exigences. Je sais qu’ils ont besoin, dans ce paysage sans repères, de trouver auprès de nous des personnes compétentes en savoir et en éducation, des lois, des principes et des attitudes qui les aident à construire leur personnalité.

2. Notre autorité, notre responsabilité d’éducateur

Le deuxième point concerne la compréhension de notre autorité. L’autorité, dans ce contexte, prend effet dans la mise en œuvre de notre responsabilité, une responsabilité engagée au nom du Collège. Nous constituons des repères par ce que nous sommes, par ce que nous faisons. Cette phrase nous pousse à réfléchir. Dans notre relation à nos élèves, interrogeons-nous constamment sur le modèle que nous sommes au niveau de notre compétence professionnelle, à celui des valeurs que nous portons et voulons transmettre, à celui du Projet éducatif et des exigences communes édictées par le Collège, et finalement sur le plan de l’exemple que nous donnons. En pensant à quelques-uns de mes éducateurs de Ghazir ou de Beyrouth, je ne dirai pas que certains m’ont bien ou mal inspiré. Je m’arrêterai plutôt, sans les nommer, sur  tel jésuite ou laïc, qui, par sa façon d’être et d’agir, m’a ému un jour et a fait grandir en moi l’humain mêlé au spirituel. Le spirituel n’est pas de l’ordre du savoir seulement. Je suis sûr que chacun de vous est en train de penser à un maître qui l’a marqué. Pour moi, il s’agit d’une personne habitée par la passion qui s’emballait quand elle nous enseignait la littérature syriaque ; une part de la passion que je porte en moi-même pour ce que je fais, ce que je suis en ce que je fais, m’a été communiquée par ce professeur de syriaque. Contrairement à ce que l’on pense, nous pouvons construire le prochain, et en l’occurrence le collègue ou l’élève, même si nous sommes imparfait. La relation à nos élèves nécessite autant de générosité que de simplicité, autant de retenue que de respect. Mais, cette relation exige de nous trois attitudes inspirées par notre culture ignatienne :

a) L’autorité bienveillante

La bienveillance, l’autorité bienveillante, vis-à-vis du collègue, de l’élève et du parent d’élève. Ici, cette culture jésuite nous invite à être plus rapide à sauver autrui et la parole du prochain qu’à les condamner. Ici, il y a un travail d’interprétation à faire. La bienveillance est un principe inhérent à nos relations. C’est elle qui génère notre bonté et notre maîtrise de soi. Saint Paul nous dit que la grâce de Dieu pour son peuple provient de sa bienveillance pour nous (Tite 2, 11).

b) L’indifférence

La deuxième attitude est celle de l’indifférence, qui, selon le sens commun, est une attitude de froideur, d’absence, de regard hautain. Mais dans la culture ignatienne et chez les humanistes, l’indifférence est perçue comme une liberté d’esprit, une sagesse, un équilibre spirituel. J’insiste, dans notre contexte libanais, et au niveau de notre éducation à la citoyenneté, sur le rôle capital d’une attitude d’indifférence au sens ignatien du terme. Nous avons à être libres, par rapport aux extrêmes et aux violences qui nous menacent, aux pressions qui s’exercent sur nous. Saint Ignace dit : estarda in medio, demeurer au milieu, comme l’aiguille de la balance, pour que nous soyons présents sans être pesants, accompagnateurs et non harcelants. En tant qu’enseignants ou éducateurs, comment faire preuve de cette vertu, ne pas se laisser ébranler, alors que le Liban connaît des excès de langage politique et des divisions au sein même des familles ? Comment se montrer indifférent, lorsqu’à l’issue d’un Conseil de classe, un parent d’élève est averti des résultats de son enfant, avant même que la décision ne soit entérinée ? Le P. Madet, recteur de ce Collège, avait un jour annulé les conseils de classe, suite à des fuites inconsidérées qui bafouaient le Collège et le corps enseignant. Seule une autorité libre sait comment être une autorité bienveillante.

c) L’autorité qui sait discerner

La troisième attitude à observer est celle de l’autorité qui discerne et qui forme au discernement. Le discernement ignatien, comme je l’ai expliqué à nos amis de la promotion sortante, est l’œuvre de notre intelligence, la lecture de notre réalité, le choix entre le vrai et le faux. C’est prendre les bonnes décisions pour une vie authentique. Ce discernement, qui est le fruit d’une réflexion mûrie, ne peut se faire tout seul. C’est pourquoi nous avons multiplié les lieux d’écoute et d’accompagnement éducatif, pédagogique, spirituel et humain offert à nos élèves. Cet accompagnement se fera en équipe, pour aider chacun à prendre son temps, à anticiper les conséquences et à construire sa vie. Il a été dit, et je ne le répèterai jamais assez, l’intention, dans le métier d’éducateur, est de laisser émerger une liberté et un désir qui ne sont pas les nôtres. Le discernement ignatien est un outil pédagogique que nous avons à pratiquer, et que nous devons transmettre à nos élèves comme capacité et exercice de réflexion, pour qu’ils construisent leurs vies selon la bonne mesure. Mais soyons vigilants, parce que le discernement est un outil dangereux. Il est critique, il incite à la réflexion, à rechercher le bon et à rejeter le moins bon. Si nos élèves se montrent critiques d’une manière inconsidérée, sans discernement réel, c’est que, quelque part, nous avons mal réussi la formation que nous voulons leur donner ; nous avons, devant eux, jugé peut-être sans pondération… Eh oui, le discernement est un outil à former que nous devons pratiquer en classe et dans les différentes matières que nous enseignons.

3. Le maître, un professionnel et une personne qui assume son autorité     

En conclusion, je vous rappelle que lorsque vous avez l’autorité, vous exercez trois actes : vous êtes une personne qui est autorisée, qui s’autorise et qui autorise. Il vous revient de gérer cette responsabilité, dans la confiance mutuelle et la solidarité. Une autorité qui s’exerce dans la suspicion, la méfiance et l’arbitraire, mène à la ruine de la maison (kharab el bayt خراب البيت ). Votre autorité d’enseignant et d’éducateur est une autorité qui est au service d’une mission, celle d’accompagner un enfant et un jeune sur la route de la recherche de ce qui est vrai et beau, à la lumière de Jésus-Christ et vers Lui. C’est une autorité qui sait dire oui, qui sait dire non, qui sait donner sa chance à un élève pour grandir et se parfaire.

IV. Des initiatives afin d’appuyer l’autorité du maître pour le bien de l’élève

Afin d’appuyer votre autorité et par conséquent celle du Collège, la direction du Collège, partant de notre expérience quotidienne, a pris quelques initiatives :

1) Vous avez entre les mains un agenda spécial enseignants et éducateurs qui est destiné à aider chacun à organiser son temps ; toutefois, il vous est nominalement destiné afin de signifier votre appartenance à Jamhour comme communauté enseignante et éducatrice. Il vous est destiné pour que vous regardiez de près tous les textes qui concernent la vie scolaire, allant du règlement des professeurs, au Règlement intérieur, Projet éducatif, texte fondamental sur la pédagogie ignatienne, etc.….

2) Les exigences disciplinaires consignées dans le Règlement intérieur doivent être observées et appliquées par tous ; les règles élémentaires de la civilité et de la politesse ne sont pas facultatives, et vous êtes chargés de les appliquer avec autant de bienveillance et de bon sens que de fermeté. Sachez qu’une autorité qui sait se faire respecter est une autorité qui est aimée et désirée, alors que l’autorité permissive est une autorité qui n’est plus prise au sérieux. Encore une fois l’école est un lieu de socialisation et de l’intériorisation de certaines normes fondamentales pour le bien de tous, dans le cadre de l’éducation à l’autonomie. Les règles sont établies pour aider chacun à travailler en paix, et surtout les plus faibles ; je prends à titre d’exemple les chahuts intempestifs dans certaines classes qui perturbent l’enseignement et la vie scolaire. Le laisser-aller dans la vie sociale et politique actuelle du pays exige de nous d’être à contre-courant et de nous montrer plus attentifs et plus cohérents avec nous-mêmes. 

3) Si les exigences d’attitude et de tenue sont de mise, le Collège a pris en contrepartie des initiatives, suite à l’enquête réalisée par le Centre de Formation et de Ressources pédagogiques (CFRP) l’année passée, pour renforcer l’accompagnement spirituel et humain. Ces initiatives se traduisent par la mise en place, au GC, d’une coordination et d’un encadrement de la surveillance, par le tutorat, les heures de vie de classe, l’animation des récréations et la promotion des activités ludiques, sociales et culturelles. Chaque Préfecture devra constituer son équipe élargie d’accompagnement afin de prévenir et d’éviter les débordements. Toutefois, le premier accompagnateur et éducateur de l’élève reste son professeur, puisque l’élève passe les 85% de son temps en salle de classe. Votre présence active, passionnée, riche et compétente aux Conseils de classes, aux réunions de coordination, aux sessions et stages, aux temps de convivialité et de fête, prouve votre appartenance à notre grande communauté, vous qui voulez porter la mission du Collège dans les réalités parfois difficiles de tous les jours.

4) L’une des tâches qui seront menées par le CFRP - dont le rôle est de promouvoir la spécificité jésuite du Collège, de revisiter nos pratiques pédagogiques et d’accompagner le professeur dans sa marche - est d’étudier la question des procédés d’évaluation, de faire une relecture de notre pratique pédagogique individuelle. Il ne faut pas avoir peur d’une initiative qui vise à aider chacun à promouvoir son propre cheminement  et à aider le Collège à mieux le connaître et à appuyer son autorité.

5) Dans le contexte de l’enseignement, il est nécessaire que l’enseignant soit un soutien pour chacun dans le sens de la cura personalis, c’est-à-dire le soutien que nous devons apporter à chaque élève, surtout les plus démunis, afin de les pousser à donner le meilleur d’eux-mêmes ou bien à devenir excellents. L’autorité est un soutien qui sera bien apprécié dans ce domaine.

6) Comme vous avez pu vous en rendre compte, dans le souci d’une saine relation avec les parents, nous avons envoyé à chaque famille un tiré à part du Projet éducatif et du Règlement intérieur, afin que les parents y mettent leur signature, en guise d’une explicite adhésion.

Quelques leçons d’un entretien avec des anciens élèves

Dans ce contexte des exigences que suppose l’exercice de l’autorité, je voudrais faire appel à une discussion que j’ai eue avec d’anciens élèves. L’un des mots qui revenait sans cesse est que ce Collège leur a donné des outils pour réfléchir et se discipliner dans leur vie. Les attitudes que nous avons évoquées forment une condition favorable à l’exercice de l’autorité comme relation et responsabilité. Chaque système scolaire se donne les moyens de permettre à l’enseignement et à l’éducation de se réaliser, pour le bien de l’élève. Ceci est d’autant plus vrai à Jamhour, dans un espace de croissance et d’épanouissement, avec des plages pour étudier, pour jouer et pour grandir.  Toutefois, si j’en crois le Monde de l’Éducation du mois de septembre, le système français d’éducation scolaire que nous partageons est placé en tête du palmarès international du stress, puisque cette même revue décrit l’école comme angoissante ; ses élèves craignent la sanction et l’engrenage des notes, le redoublement, les punitions, et perdent toute confiance en soi. D’autre part, tous les systèmes scolaires, d’une manière ou d’une autre, sont liés à la logique libérale des  marchés, de la réussite, de la compétitivité et de l’obligation de résultats.

Devant cette situation et ces dérives, c’est à nous d’adhérer aux concepts de la culture pédagogique et spirituelle ignatienne, comme l’autorité bienveillante, l’indifférence, le discernement. Ils nous aideront à bien réaliser notre mission éducative, en nous appuyant sur nos « partenaires » de la communauté éducative que sont les élèves, les parents d’élèves et les anciens, chacun s’acquittant de sa tâche d’après son statut et son rôle. Je vous invite fortement à faire partie des groupes ignatiens de réflexion et de partage d’expériences professionnelles qui peuvent mener à une meilleure gestion de notre autorité et de notre mission d’éduquer.

Si je dois résumer mes propos en quelques mots, je dirai que l’exercice de l’autorité exige de notre part beaucoup de pondération et de sagesse, dans notre manière d’être et de faire. Croyez-moi, nous sommes très influents auprès des élèves et de leurs parents. C’est plus notre réaction vis-à-vis de leur esprit critique que le manque d’autorité qui me pose question. Montaigne disait que « l’éducation avec les Jésuites était devenue humaine car elle prenait en compte toutes les virtualités humaines pour en faire un bien de l’humanité et de chaque personne ».

C’est avec le nouveau Comité des professeurs que vous élirez bientôt que nous continuerons à porter les défis d’une authentique éducation. C’est ici, une occasion pour moi, de remercier l’actuel Comité pour tout ce qu’il a entrepris et réalisé pour les enseignants et le Collège. Durant les deux dernières années, ce Comité a voulu promouvoir les multiples modes de rencontre conviviale, de communication et d’échange. Je vous rappelle, à propos de communication, combien il est indispensable que vous consultiez régulièrement votre courriel (mail) sur le réseau propre au Collège, pour rester informés de toute actualité.

L’enseignement, un métier source de bonheur et de sourire     

Avant de finir, j’espère que chacun a pu tirer profit des vacances, pour passer du temps à être heureux en famille et dans différentes occupations. Cette dose de bonheur, vous en avez aujourd’hui besoin, ainsi que les jours à venir. Il semble, selon les statistiques de l’agence internationale du développement scolaire, que l’enseignant est un homme ou une femme heureux. Selon une étude récente, les enseignants rient en moyenne une fois toutes les 9 minutes, et sourient toutes les 3 minutes. Ils plaisantent joyeusement avec les élèves toutes les 8 minutes, et « se sentent joyeux et motivés pendant la journée », malgré la fatigue et le don de soi. Si c’est le cas, que vos vacances se prolongent au cœur de cette année scolaire dans un engagement passionnant et porteur de réussite. Mon souhait est que chacun de vous soit épanoui et heureux dans son travail car un professeur heureux est quelqu’un qui sait rendre ses élèves motivés et heureux d’apprendre et de grandir en intelligence, en foi et en sagesse.

En finale : construisons ensemble la cité libanaise de demain

Le Liban, ce petit pays, est bien mis en évidence sur la carte du monde, non seulement à cause de la crise politique, des explosions et des guerres, mais aussi par la force de caractère de certains de ses citoyens dont vous faites partie, et par les ressources humaines de qualité que nous formons, non pour l’exportation mais pour qu’elles soient au service du Liban, de la liberté et de l’excellence. Que le Seigneur accompagne vos pas et que l’amour de Notre-Dame de Jamhour vous protège et vous donne toujours la joie de recevoir les cadeaux de Dieu que sont nos élèves, ainsi que la joie de donner le meilleur de notre science et de notre espérance, pour que Jamhour reste un fidèle et humble Collège au service de la jeunesse de demain.

 

Collège Notre-Dame de Jamhour, LIBAN
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