Rentrée 2000-2001:
Message du Père Recteur aux Éducateurs pour le lancement de l'année

le 23 septembre 2000

I) Mot de bienvenue
II) La rentrée : faire de l'ordinaire un événement marquant
III) Aider l'élève à penser et réaliser son projet personnel
IV)
Une des priorités du Collège : rapprocher les études de la vie
V)
Les éducateurs peuvent être des témoins de la Bonne Nouvelle

 

I) Mot de bienvenue

Je vous souhaite la bienvenue, Professeurs, Éducateurs, Personnel de l'administration, Parents.

Chaque année, à pareille époque, nous nous retrouvons pour un temps de réflexion et de prière. Cette année encore nous nous rassemblons pour confier cette nouvelle année scolaire, qui débute dans le vingtième siècle pour se terminer dans le vingt et unième, à Notre-Dame de Jamhour qui n'a pas cessé de veiller sur nous depuis déjà 47 ans. Aujourd'hui encore nous lui demandons de nous consacrer au service de son Fils, afin que notre mission d'éducateurs soit une réelle continuation de celle du Verbe de Dieu. Cette mission nous la réaliserons ensemble, enseignants et éducateurs, recteur, préfets, coordinateurs, anciens et nouveaux professeurs, prêtres, religieux, religieuses et laïcs dans un esprit d'appui mutuel et de don de soi au service de l'éducation.Haut de page

II) La rentrée : faire de l'ordinaire un événement marquant

Chaque année, nous vivons ensemble ce moment privilégié: la rentrée du corps enseignant, éducateur et administratif.
Rentrée qui a déjà eu lieu avec le temps traditionnel réservé aux sessions de formation continue, suivies avec beaucoup de sérieux et d'intérêt.
Bien sûr, il est possible de regarder ce moment comme un "marronnier" (dans le langage des journalistes) c'est-à-dire un moment qui honore son rendez-vous annuel, sans apporter de la nouveauté ou bien qui nous touche peu. En fait, le temps des vacances scolaires (même si nous avons continué à travailler pour préparer la nouvelle année scolaire) nous a permis de changer de climat, de voyager au loin peut-être, d'arpenter des chemins de pèlerinage à Rome pour les JMJ ou ailleurs. Après ce temps qui nous a sortis de l'ordinaire, nous voici appelés à retourner à l'ordinaire, qui pourrait être synonyme de répétition et de monotonie. Pourtant c'est là, dans cet ordinaire de tous les jours, que nous avons à investir notre raison et notre cœur, nos compétences et nos acquis, notre fermeté et notre capacité d'écoute et de compréhension. C'est dans l'ordinaire de tous les jours que nous avons à vivre l'espérance de l'éducateur, celle de voir un jeune reprendre le chemin de notre Collège pour mettre en œuvre ses aptitudes, grandir dans la confiance et le savoir qui se décline en savoir-faire et surtout en savoir-être. Notre Collège met l'accent d'une manière directe et engagée sur ce dernier.

Tenant compte de cette approche de l'ordinaire qui est appelé à être transformé sinon transfiguré, notre rentrée d'aujourd'hui n'est pas une simple répétition d'un moment passé, mais un recommencement pour avancer ensemble dans les "eaux profondes" de notre engagement quotidien. Recommencer pour aller plus loin dans les "eaux profondes" signifie que nous avons à aller plus profondément en nous-mêmes pour donner le meilleur de nous-mêmes. Celui qui donne de la surface en tout domaine reste en surface et risque de regarder ceux et celles qui lui sont confiés en surface. Recommencer, commencer de nouveau, nous place devant un défi: celui de ne pas nous satisfaire du pain rassis, mais nous lever chaque matin avec le boulanger pour faire le bon pain et l'offrir à nos élèves. Recommencer, c'est faire de l'ordinaire un événement marquant; c'est repartir, reprendre vie, réveiller et rendre conscientes des réalités enfouies en nous et en nos élèves; c'est éveiller notre conscience droite qui recherche le bien, qui refuse la compromission et qui veut obéir à chaque moment aux règles du corps éducateur et enseignant. Recommencer, c'est parier de nouveau sur l'avenir et redoubler de fidélité à notre mission dans et pour le Liban mais aussi dans le monde qui nous entoure et nous interpelle. Haut de page

III) Aider l'élève à penser et réaliser son projet personnel

Recommencer aujourd'hui pour regarder l'avenir dans les yeux de nos élèves signifie, pour nous éducateurs, qu'il y a eu un passé, un passé lointain de 125 ans et plus, et un passé proche, celui de l'année scolaire qui vient de se terminer. Pour cette année si riche en événements que vous avez vécus et organisés, il convient de remercier le Seigneur et de demander son appui dans notre travail pour qu'il soit réellement à son service. En ce qui concerne la moisson des grains semés, c'est-à-dire les résultats scolaires dans toutes les classes, seuls 75 élèves étaient invités à redoubler et une trentaine à changer de cadre scolaire. Les 200 élèves présentés au Brevet libanais ont tous réussi; les résultats au Baccalauréat français (165 élèves de la Terminale l'ont présenté) étaient probants. C'est un devoir pour moi de remercier tous les Educateurs qui ont investi le meilleur d'eux-mêmes pour engager nos élèves sur le chemin de la réussite. Cette réussite, qu'elle soit aux examens du Collège ou aux examens officiels ne sera pas réelle et pleine si elle n'est pas transformée en une réussite de la vie. C'est pourquoi, notre attention, au courant de cette année scolaire, sera portée plus que jamais sur notre accompagnement de l'élève et sur la nécessité d'aider l'élève à tout âge à penser et réaliser son projet personnel. Sans ce projet personnel, l'élève ne peut concrétiser ni son engagement scolaire et périscolaire, ni sa trajectoire académique jusqu'au baccalauréat, ni son orientation universitaire et encore moins sa vie professionnelle. Dans ce contexte qui favorise le projet de l'élève, je soulignerai les points suivants:

1) Lorsque je parle de projet, je ne voudrais pas insister sur les aspects techniques de sa formulation (cadre, étapes à respecter). Il en faut, comme l'a montré le chantier de la mise en forme de notre Projet d'Etablissement qui sera terminé avant la fin de l'année 2000. Pour l'élève, je voudrais insister autant sur la motivation de sa volonté, sur l'effort à déployer que sur le sens du sacrifice et sur la confiance en soi et en l'avenir. Quelles que soient les techniques avancées, elles ne peuvent se substituer au courage et à l'effort. Nous le savons par expérience: sans motivation, un projet ne trouvera pas son aboutissement.

2) L'idée de projet est le meilleur moyen de responsabiliser l'élève, de le rendre conscient de ce qu'il fait, de ce qu'il veut et de rechercher le chemin par lequel il veut arriver. Cela l'aidera à ne pas rechercher des excuses au nom de contraintes extérieures. Je retiens ce mot d'un ancien de ce Collège, M. Carlos Ghosn, aujourd'hui Président de la Société des Automobiles Nissan, qui a déclaré au journal le Monde: "le réflexe typique dans les entreprises en déclin est de renvoyer la responsabilité sur l'extérieur". On peut appliquer cela sur les individus et, de même, sur les Etats et Nations. Dans cette situation, le projet est un outil de soutien et d'orientation dans la mesure où il est urgent d'être à l'écoute de nos élèves, surtout de certains élèves qui ont besoin d'être aidés. Le thème de l'écoute est lié à celui de la communication; c'est une occasion pour vous rappeler que le thème de l'année et de la charte que les élèves auront à élaborer met l'accent sur l'écoute et la compréhension mutuelle.

3) Si j'insiste sur cette notion de projet, comme responsabilité éducative, c'est parce que notre société de consommation met l'élève dans une situation où tout est éphémère et relatif. Nous savons que les trois moteurs de la connaissance humaine sont :
- chercher l'indispensable pour survivre
- la curiosité pour explorer le monde suivant nos impulsions les plus immédiates
- et enfin la reconstruction conceptuelle qui suppose analyse, confrontation, argumentation et pensée. Les jeunes générations actuelles mettent l'accent plus que jamais (et aussi un certain mode de notre pédagogie active) sur les deux premiers moteurs : la recherche et l'exploration. Le projet de l'élève consistera à mettre en œuvre son troisième moteur de connaissance : unifier ses savoirs dans la durée en une synthèse intelligente.

Notre système pédagogique qui cherche moins le remplissage et plus la compréhension, moins l'imitation et la répétition serviles et plus l'acquisition par soi-même du savoir dans des situations complexes, moins les leçons mémorisées et les devoirs copiés que la culture et les compétences, ce système continuera à atteindre son objectif s'il fait de la vie scolaire de l'élève un projet qui a son sens et qui oriente cet élève y compris dans la réalisation de sa vie. Au Liban, si l'école reste le pôle central de l'éducation, cela signifie qu'elle est un lieu de culture et d'ouverture culturelle. Je ne dis pas cela pour opposer la culture humaniste à la spécialisation scientifique. Je crois au contraire qu'il ne peut y avoir aujourd'hui de spécialisation réussie sans une réelle ouverture culturelle.

Dans ce contexte, je voudrais citer le point de vue d'un penseur français (Alain Finkielkraut): "L'école a vocation d'assurer la grande médiation de nos sociétés entre les générations. De ce fait, [l'éducateur] n'est le représentant ni de l'État, ni de la Société, mais celui de l'humanité à travers ses œuvres, le représentant et des poètes et des penseurs. Cela veut dire, à titre d'exemple, que l'école a pour rôle d'enseigner la culture aux enfants"; enseigner les langues, l'arabe, le français et également l'anglais, dans la mesure où on ne peut donner la parole avant de donner la langue qui s'apprend en écoutant, en lisant et en parlant. Ainsi l'excellence, comme je l'ai écrit dans l'éditorial de l'agenda de cette année scolaire, se conjugue avec la qualité, dans notre travail, dans nos relations pédagogiques et dans l'apprentissage quotidien.Haut de page

IV) Une des priorités du Collège : rapprocher les études de la vie

Enfin, le projet de l'élève que nous avons à promouvoir est un projet pour la vie, non seulement la vie au Collège puisqu'il est un lieu de vie mais également pour la vie après le Collège. Définir l'école comme un lieu de vie nous renvoie à la question du sens. Que signifie acquérir des savoirs pour l'élève aujourd'hui? Etudier est-il mobilisateur de toute la personne? Est-ce que les études servent à autre chose que d'avoir de bonnes notes et passer au niveau supérieur? Si les études développent la logique, la mémoire et l'esprit de synthèse, est-ce qu'elles interrogent assez les élèves sur la vie, sur l'engagement professionnel et citoyen? La promotion sociale passe-t-elle encore par l'école? Il est vrai que la vie active, en rapport avec l'engagement universitaire, citoyen, social et professionnel, commence après l'école; cependant il est important que l'école aide l'élève à faire le lien entre ses acquisitions intellectuelles et son engagement à venir. Dans notre Collège, l'orientation académique et professionnelle, les différentes activités et actions culturelles, citoyennes, sociales, artistiques et manuelles dans lesquelles sont impliqués les élèves des différents cycles sont appelées à rapprocher les études de la vie, à les enraciner dans les soucis et les préoccupations humaines et sociales les plus diverses, à contribuer à l'épanouissement de chacun et ainsi préparer dès à présent le monde à venir. Il suffit de parcourir le calendrier du Collège de l'année 2000/2001 pour se rendre compte que ces activités accompagneront l'élève durant toute l'année scolaire.

En complément de ce qui a été dit, et afin d'aider nos élèves à retrouver, sinon approfondir, le sens et la direction de leur vie, il est important pour nous tous, en tant qu'Educateurs, de porter une attention particulière à la mise en valeur pratique du troisième volet de notre Projet Éducatif qui affirme "que notre école n'est pas laïque, qu'un homme ne se réduit ni à sa culture, ni à ses engagements sociaux, que notre Collège porte un caractère chrétien, mais ouvert à toutes les confessions". Le Projet Éducatif a défini que notre but essentiel est "d'amener les jeunes à unifier, dans leur vie et dans leur pensée, la culture moderne et la foi en Dieu. Pour les chrétiens, le Collège doit être, de plus, un lieu de maturation de la foi".

V) Les Éducateurs peuvent être des témoins de la Bonne Nouvelle

Si les Pères Spirituels, les animateurs spirituels et les catéchètes s'occupent, au niveau de l'Aumônerie, de la formation spirituelle des élèves, nous sommes tous appelés, à chaque niveau, à porter une attention soutenue aux interrogations des jeunes générations d'élèves dont nous avons la responsabilité. Si la formation humaniste, scientifique et littéraire reste un point-clé dans notre Projet Éducatif et s'il existe une formation du cœur et de la sensibilité à des actes généreux et à un christianisme pratique, il existe aussi une formation de l'intelligence à accueillir la Parole de Dieu dans son existence concrète et au cœur même des différents savoirs; non seulement une formation de l'intelligence à accueillir cette Parole mais à être conscient de la valeur de cette Parole et à être fidèle aux exigences et aux commandements de cette Parole. Il est évident que cette réflexion sur notre rôle devrait nous inciter à faire le lien en nous-mêmes entre notre savoir (et même notre savoir du savoir) et notre fidélité à la Parole révélée. En tout cas, il nous faut être conscients que nous ne pouvons pas livrer l'élève d'aujourd'hui aux contenus de notre culture moderne (relativisme scientifique, zapping, fragmentation, surfing, superficialité) et à ce qu'elle génère comme inquiétude.

Face à cela, nous pouvons être des témoins de la Bonne Nouvelle d'une humanité qui est aimée et sauvée. Un excellent enseignant n'a pas besoin de se proclamer évangélisateur, mais s'il aide l'élève à déployer ce qu'il a d'humain et de vrai, s'il accepte de l'écouter et de comprendre ses interrogations et s'il est assez attentif à son besoin d'humanité, il est un témoin de la Bonne Nouvelle. En faisant confiance à l'élève, et en cherchant les moyens de rétablir la confiance avec un élève avec qui on a des difficultés, nous lui montrons qu'il est aimé et qu'il est appelé à grandir et à mûrir.

Pour terminer, je demande à Notre-Dame de Jamhour qui porte le Verbe de Dieu comme Salut et Lumière du monde de prier pour nous et avec nous pour que son Fils bénisse nos jarres pleines de bonne volonté, de bonnes intentions et qu'Il les remplisse d'amour et de persévérance. Comme aux noces de Cana, qu'Il transforme l'eau des jarres en vin de la confiance, de la vérité et de la volonté de travailler pour le bien de tous.

En ces moments difficiles de crise économique, sociale et politique, donne-nous, Seigneur, d'être des témoins de charité, unis nos esprits et nos cœurs dans l'esprit de solidarité. Seigneur, nous avons commencé, avec nos élèves, à semer les grains de l'humanité qui accueille ton amour divin. Aide-nous, aide nos élèves, actuels et anciens, ainsi que leurs parents, aide chaque membre de l'Administration, du Service des Transports, de l'Intendance, aide-nous tous enfin comme Communauté Éducative à donner le meilleur de nous-mêmes dans cette œuvre pour que la moisson soit abondante et contribue à la joie de beaucoup, pour que le siècle à venir soit construit sur les bases de l'amour et de la paix.Haut de page

Salim DACCACHE, s.j.
Recteur

 



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