3. Aider l'élève à penser et réaliser son projet personnel
Recommencer aujourd'hui pour regarder l'avenir dans les yeux de nos élèves signifie, pour nous éducateurs, qu'il y a eu un passé, un passé lointain de 125 ans et plus, et un passé proche, celui de l'année scolaire qui vient de se terminer. Pour cette année si riche en événements que vous avez vécus et organisés, il convient de remercier le Seigneur et de demander son appui dans notre travail pour qu'il soit réellement à son service. En ce qui concerne la moisson des grains semés, c'est-à-dire les résultats scolaires dans toutes les classes, seuls 75 élèves étaient invités à redoubler et une trentaine à changer de cadre scolaire. Les 200 élèves présentés au Brevet libanais ont tous réussi; les résultats au Baccalauréat français (165 élèves de la Terminale l'ont présenté) étaient probants. C'est un devoir pour moi de remercier tous les Educateurs qui ont investi le meilleur d'eux-mêmes pour engager nos élèves sur le chemin de la réussite. Cette réussite, qu'elle soit aux examens du Collège ou aux examens officiels ne sera pas réelle et pleine si elle n'est pas transformée en une réussite de la vie. C'est pourquoi, notre attention, au courant de cette année scolaire, sera portée plus que jamais sur notre accompagnement de l'élève et sur la nécessité d'aider l'élève à tout âge à penser et réaliser son projet personnel. Sans ce projet personnel, l'élève ne peut concrétiser ni son engagement scolaire et périscolaire, ni sa trajectoire académique jusqu'au baccalauréat, ni son orientation universitaire et encore moins sa vie professionnelle. Dans ce contexte qui favorise le projet de l'élève, je soulignerai les points suivants:
a. Lorsque je parle de projet, je ne voudrais pas insister sur les aspects techniques de sa formulation (cadre, étapes à respecter). Il en faut, comme l'a montré le chantier de la mise en forme de notre Projet d'Etablissement qui sera terminé avant la fin de l'année 2000. Pour l'élève, je voudrais insister autant sur la motivation de sa volonté, sur l'effort à déployer que sur le sens du sacrifice et sur la confiance en soi et en l'avenir. Quelles que soient les techniques avancées, elles ne peuvent se substituer au courage et à l'effort. Nous le savons par expérience: sans motivation, un projet ne trouvera pas son aboutissement.
b. L'idée de projet est le meilleur moyen de responsabiliser l'élève, de le rendre conscient de ce qu'il fait, de ce qu'il veut et de rechercher le chemin par lequel il veut arriver. Cela l'aidera à ne pas rechercher des excuses au nom de contraintes extérieures. Je retiens ce mot d'un ancien de ce Collège, M. Carlos Ghosn, aujourd'hui Président de la Société des Automobiles Nissan, qui a déclaré au journal le Monde: "le réflexe typique dans les entreprises en déclin est de renvoyer la responsabilité sur l'extérieur". On peut appliquer cela sur les individus et, de même, sur les Etats et Nations. Dans cette situation, le projet est un outil de soutien et d'orientation dans la mesure où il est urgent d'être à l'écoute de nos élèves, surtout de certains élèves qui ont besoin d'être aidés. Le thème de l'écoute est lié à celui de la communication; c'est une occasion pour vous rappeler que le thème de l'année et de la charte que les élèves auront à élaborer met l'accent sur l'écoute et la compréhension mutuelle.
c. Si j'insiste sur cette notion de projet, comme responsabilité éducative, c'est parce que notre société de consommation met l'élève dans une situation où tout est éphémère et relatif. Nous savons que les trois moteurs de la connaissance humaine sont :
- chercher l'indispensable pour survivre
- la curiosité pour explorer le monde suivant nos impulsions les plus immédiates
- et enfin la reconstruction conceptuelle qui suppose analyse, confrontation, argumentation et pensée. Les jeunes générations actuelles mettent l'accent plus que jamais (et aussi un certain mode de notre pédagogie active) sur les deux premiers moteurs : la recherche et l'exploration. Le projet de l'élève consistera à mettre en uvre son troisième moteur de connaissance : unifier ses savoirs dans la durée en une synthèse intelligente.Notre système pédagogique qui cherche moins le remplissage et plus la compréhension, moins l'imitation et la répétition serviles et plus l'acquisition par soi-même du savoir dans des situations complexes, moins les leçons mémorisées et les devoirs copiés que la culture et les compétences, ce système continuera à atteindre son objectif s'il fait de la vie scolaire de l'élève un projet qui a son sens et qui oriente cet élève y compris dans la réalisation de sa vie. Au Liban, si l'école reste le pôle central de l'éducation, cela signifie qu'elle est un lieu de culture et d'ouverture culturelle. Je ne dis pas cela pour opposer la culture humaniste à la spécialisation scientifique. Je crois au contraire qu'il ne peut y avoir aujourd'hui de spécialisation réussie sans une réelle ouverture culturelle.
Dans ce contexte, je voudrais citer le point de vue d'un penseur français (Alain Finkielkraut): "L'école a vocation d'assurer la grande médiation de nos sociétés entre les générations. De ce fait, [l'éducateur] n'est le représentant ni de l'État, ni de la Société, mais celui de l'humanité à travers ses uvres, le représentant et des poètes et des penseurs. Cela veut dire, à titre d'exemple, que l'école a pour rôle d'enseigner la culture aux enfants"; enseigner les langues, l'arabe, le français et également l'anglais, dans la mesure où on ne peut donner la parole avant de donner la langue qui s'apprend en écoutant, en lisant et en parlant. Ainsi l'excellence, comme je l'ai écrit dans l'éditorial de l'agenda de cette année scolaire, se conjugue avec la qualité, dans notre travail, dans nos relations pédagogiques et dans l'apprentissage quotidien.