Published on Collège Notre-Dame de Jamhour- مدرسة سيّدة الجمهور (http://www.ndj.edu.lb)

Home > CSCS : Flânerie au Sud (19/01/2011)

[Album photos [1]]

Flâneries à travers le Liban
Flânerie au Sud
le mercredi 19 janvier 2011

Nous sommes de ceux qui goûtent le plaisir de se plonger dans la lecture d’un beau livre d’art, enrichi de belles illustrations et constitué de chapitres aussi érudits que passionnants. Or, c’est à l’image de ce genre d’ouvrages qu’il convient de comparer ces « Flâneries à travers le Liban ».

Nous en avons parcouru ainsi deux chapitres : Beyrouth et le Nord. D’autres pages captivantes étaient au programme de cette Flânerie au Sud, le 19 janvier 2011. La découverte du Sud qui y était offerte reposait sur une cohorte impressionnante de talents : peintres, archéologues, chercheurs et, bien sûr, un chef.

Le Sud ! Titre prometteur d’une Flânerie qui s’annonçait comme une superbe balade de l’esprit dans cette région du Liban.

Mais avant d’en découvrir les riches aspects culturels, il convenait avant tout de rendre à cette région libanaise l’hommage qui lui est dû. Dans sa présentation, Mme Joumana Hobeika voulut honorer le Sud par cette formule qui exprimait les sentiments de tous :

« Le bonheur est toujours un malheur surmonté, et le seul moyen de s’opposer au malheur, nous dit Stendhal, c’est le courage. Et quel meilleur exemple de courage que celui du Sud ! »

L’esprit du Sud se fonde sur ce courage. Tout au long de son histoire millénaire et jusqu’à nos jours encore, le Sud a subi épreuves, désolation, domination mais il a chaque fois reconquis, avec courage, sa dignité et sa liberté : le Sud-Courage !

Ce Sud vivant engendre chez ses fils une vitalité étonnante. Ainsi ils en étaient trois jeunes et talentueux témoins : Hussein HUSSEIN, Suleiman DIYA’A et Youssef NEHMÉ. Pour cette flânerie, ils exposaient leurs œuvres sur les cimaises de la galerie du Patrimoine.

Après un examen attentif des 23 tableaux exposés, une constatation s’imposait, celle de leur création : toutes ces œuvres ont été peintes au cours de ces 5 dernières années ; c’est bien là le signe de la reviviscence artistique des fils de cette région.

M. Hussein HUSSEIN joue sur plusieurs registres. Comme ce « regard jeté sur l’univers », il porte aussi son regard sur le Sud profond et champêtre : alentours de Tyr, Batoulay, Kafra … lieux de vie agricole dont il sait rendre la vie paisible traditionnelle autour des vergers, des oliviers qui composent ses paysages. Mais il sait aussi peindre ces « états d’âme » à travers lesquels il projette une recherche dont lui seul connaît le but.

Sleiman DIA, de son nom d’artiste, propose en ses œuvres une vision particulière de l’être : celle de « l’innocence » de ce regard enfantin, celle du geste sophistiqué de la belle au « gardénia », celle de « l’indécision » de ce rêveur nonchalant. Mais il joue aussi sur l’impact visuel de ces bleus avec « Aquarium ».

Youssef NEHMÉ affirme sa maîtrise par ces silhouettes dont les pourtours bruns se dessinent sur le fond de ces œuvres. L’Homme est là, présent mais toujours retourné, ébauché. Une œuvre qui  cherche à traduire l’attente et l’achèvement, celui de la vie.

Promenade visuelle au Sud, rendue attachante par la vision jeune et maîtrisée de ces 3 peintres.
Au Sud, la créativité a été elle aussi libérée. Mais notre déambulation parmi ces œuvres qui retenaient le regard et l’esprit, s’accompagnait de quelques délices gustatifs : ces amuse-gueule typiques par leur saveur, soutenus, bien sûr, par le fameux Kir royal au jus de grenade.
Quatre sites prestigieux du Sud faisaient l’objet de la conférence à quatre voix : Eshmoun, Jezzine, Saïda, Tyr et sa région. Tout le patrimoine historique et culturel du Sud se condensait en ces quatre thèmes.

Eshmoun gardait, jusqu’à cette présentation faite par Mme Myriam Ziadé, une part de mystère. Mais quelle Histoire dans ce site qui apparemment ne comporte rien de spectaculaire ! Les archéologues avaient compris très tôt que ce site sanctuaire phénicien était un maillon important dans la chaîne historique du Liban. Renan dès 1864, Cantenau, Dunand et puis les équipes des chercheurs de la DGA ont révélé l’importance du sanctuaire d’Eshmoun. Ce site condense dans son périmètre toutes les marques des passages des civilisations qui y voyaient un centre religieux et curatif entretenu par plusieurs mythes phéniciens. Aujourd’hui le site est compris et reconstitué : bassins et temple phéniciens, terrasse babylonienne, podium achéménide, rampes hellénistiques, constructions romaines. Sous le nom d’Eshmoun, on a reconnu le dieu Esculape, dieu thérapeute. Le Musée national conserve ces merveilleuses statuettes d’enfants potelés du Ve siècle avant J.C.

Sur ces lieux où se sont pressés tant de dévots pèlerins en quête de guérison, de potentats, de conquérants, de prêtres et de prêtresses, les archéologues écrivent patiemment et scientifiquement l’Histoire. Aux mythes antiques de cette terre, a succédé, grâce à eux, l’une des plus nobles sciences : l’archéologie.

« Jezzine, espace périphérique ou espace emblématique ? » : la question ainsi posée par Me Amine Rizk ouvrait aux auditeurs une particularité du Sud : Jezzine. Nous quittons l’antiquité pour nous situer dans le présent d’une ville, de son histoire et de sa fonction. Chacun connaît Jezzine, sa cascade, son paysage environnant, sa célèbre coutellerie. Mais en quoi Jezzine s’affirme-t-elle ville du Sud ? Centre chrétien important, de par sa position géographique charnière, la ville a entretenu contre vents et marées sa vocation propre : celle d’un lien de rencontre régional entre les différentes communautés de son environnement. Se voulant une ville ouverte à tous, elle est devenue un paisible espace de communication. Elle est certainement « emblématique » en ce sens qu’elle constitue au Sud un centre qui représente avec sagesse le Liban uni et pluriel. Jezzine-Message ? Certainement par son ouverture et sa volonté de coexistence.

Saïda : la Sidon des Phéniciens, la Sayette des Francs, la Saïda des Arabes, la Seyde des marchands et des marins. Il revient au Professeur André SACY de nous introduire dans les charmes cachés de la vieille ville.

La Bible, référence indiscutable, cite 71 fois Sidon. Ville stratégique, elle fut occupée par Alexandre, fréquentée par Saint Louis, elle fut ce port levantin qui attirait les marchands occidentaux. Saïda conserve aussi une précieuse tradition : en l’an 60, l’apôtre Paul et Luc son compagnon de mission y rencontrèrent Saint Pierre qui prêchait dans la ville et y établissait une communauté chrétienne.

Pendant la période franque, Saïda (Sayette) fut aussi une porte ouverte sur l’Occident lui permettant l’accès à la culture arabe.
À Saïda, la Flânerie dans la vieille ville se transforme en une charmante promenade. Au détour d’une ruelle ou à l’ombre d’un khan, on s’attend presque à croiser un hardi marin phénicien, un templier au blanc manteau ou encore un marchand marseillais venu ici faire le commerce de la soie et du savon.

Sur ce parcours séculaire, les églises, les mosquées, la synagogue, les châteaux, les khans, les bains et les fabriques … racontent les siècles où s’entrecroisent conquêtes et commerce. Ces vieux monuments sont le cadre de vie d’une population hospitalière, industrieuse et active. Pour le pèlerin invité à parcourir ces lieux, Saïda conserve le souvenir du passage du prophète Élie, de Jésus, de la Vierge Marie et des apôtres Pierre et Paul.

L’Histoire a sacré Tyr comme étant une reine fière, belle et audacieuse. Elle fut parfois conquise mais jamais soumise.  « Tyr et le Sud profond » était le dernier chapitre de cette Flânerie ouvert par Mme Maha CHALABI.

Environnée par la verdoyante nature du Sud profond et fertile, Tyr apparaît comme un roc audacieux qui s’élance vers la mer pour en atteindre les extrêmes. Mais ce roc millénaire a su se faire havre hospitalier ou forteresse résistante envers ceux qui s’y dirigeaient. Tyr résista à Alexandre mais reçut l’apôtre Paul.

Tyr s’enrichit de son patrimoine environnemental propice à l’agriculture , en particulier celle des arbres fruitiers et des oliviers. Mais son trésor consiste bien sûr dans ses sites archéologiques de réputation mondiale : nécropole, château, khans, hippodrome, vieilles églises …

Mais le visage de Tyr et du Sud, c’est sa population active longuement éprouvée par les occupations et les conflits. Ce qui a entraîné un déclin économique, des déplacements de population et l’émigration. Plus que les autres, les pêcheurs subissent encore lourdement les effets de dures restrictions à leur navigation.

Que l’on soit un pèlerin, un touriste, un officier onusien ou un amateur de sites historiques, Tyr est un objectif incontournable. Ce rocher maritime porte en lui toute l’Histoire.

Avec cette troisième Flânerie, on a pu constater l’émergence d’un intéressant phénomène : la compétition gastronomique inter-régions. Les Flâneurs, qui ont déjà fait leurs preuves de fins connaisseurs et de gourmets confirmés, se sont pris au jeu de façon spontanée. On assiste ainsi à un plaisant challenge, non officiel, mais attentivement comparatif à propos des dîners typiques régionaux. Or cette Flânerie au Sud avait bien misé sur le menu de ce dîner. Choisi par l’Académie Libanaise de la Gastronomie et magistralement mis au point et offert par Mme Alice ZEIN.

Autour du buffet aussi beau en ses couleurs qu’une mosaïque de Tyr, un plébiscite spontané s’établit. Il s’exprimait par toutes ces exclamations de ravissement : « C’est la première fois que … », « Quel délice… ! », « Goûtez ce … », et autres louanges qui se confirmaient encore autour des tables entre convives.

Sur le plan gastronomique, le Sud a pris ce soir-là une longueur d’avance sur ses partenaires régionaux qui nous avaient pourtant bien gâtés. Les autres régions au programme ont désormais un défi à relever dans cette sympathique compétition consacrée au plaisir gustatif des fins gourmets que sont les « Flâneurs ». Mais qu’est-ce que le Sud a pu offrir de si merveilleux à nos palais ?

Le Sud a joué la carte de l’authenticité régionale, fraîche, séduisante pour le goût, la vue et l’odorat. Elle était un facteur de convivialité partagée entre convives unanimes. Parmi les autres mets tout aussi alléchants, nous avons remarqué deux plats qui trônaient dans leur belle majesté rudiste : le Fraké et le célèbre Friké (Freekeh), dont les saveurs étaient agréablement relevées par le « Domaine Wardy ». Quant aux desserts, devant l’embarras du choix, chacun préféra, en fin de compte, goûter à tout. Là encore, les exclamations de ravissement fusaient spécialement pour les glaces accompagnées de loukoums à la grenade.

Puisque nous nous sentons désormais bien initiés aux réalités humaines, sociales et archéologiques du Sud, il faut passer à l’action. C’est décidé, la Flânerie au Sud doit se transformer en flânerie pédestre, curieuse et avertie au Sud. Mais, là, parmi ses paysages, ses villes et ses sites antiques, le flâneur ne manquera pas de se mettre à la recherche d’une table hospitalière où il retrouvera avec plaisir le goût inoubliable du Sud.

P. Bruno Pin

 

 

Au programme

  • Exposition « Jeunes Talents du Sud » en collaboration avec la Galerie Janine Rubeiz
    Youssef Nehmé, Hussein Hussein et Suleiman Diya’a,
    Hall d’accueil, Espace Samir Mokbel et Galerie du Patrimoine, Espace Béchara Nehmé
  • Conférence à quatre voix
    « Le site d’Echmoun » par Mme Myriam Ziadé, archéologue responsable régionale à la DGA
    « Jezzine : Espace Périphérique ou Espace Emblématique ? » par Me Amine E. Rizk
    « La vieille ville de Saïda » par Pr André Sacy
    « Tyr et le Sud Profond » par Mme Maha Chalabi
    Salle de conférences, Espace Naoum Khattar
  • Dîner typique en collaboration avec l’Académie Libanaise de la Gastronomie, offert par Mme Alice Zein
    Salle de réception, Espace Michel Eddé

Sponsors

BEMO
L’Orient-Le Jour, Femme Magazine, Hebdo Magazine,
Wardy, Académie libanaise de la gastronomie, Oslo
Fondation Audi (la savonnerie)

 

Flâneries [2]
© Collège Notre-Dame de Jamhour - 1994-2025 | Tous droits réservés | webmaster@ndj.edu.lb

 


Source URL (modified on 10/05/2011 - 19:09):http://www.ndj.edu.lb/centre/flanerie_sud

Links
[1] http://www.ndj.edu.lb/gallery/7642/10925 [2] http://www.ndj.edu.lb/centre/flaneries