L'Orient-Le Jour : Par George ACHI | 26/03/2009
Religions Le Collège Notre-Dame de Jamhour organisait hier une cérémonie islamo-chrétienne marquant la fête de l'Annonciation, à l'heure où celle-ci est en passe de devenir une véritable fête de réconciliation nationale.
Moment de grande émotion : côte à côte, des fidèles de toutes les communautés élèvent une prière à la Vierge Marie.
L'image est hors du commun, et certains la trouveront touchante. Du fond de la chapelle, couronnant une foule de fidèles et de curieux, on aperçoit au premier rang deux couvre-chefs qui n'ont pas l'habitude de se côtoyer en ces lieux : le turban rouge et blanc d'un cheikh, et la calotte noire d'un curé, venus avec leurs propriétaires célébrer l'unité islamo-chrétienne du Liban. Pour la troisième année consécutive, le Collège Notre-Dame de Jamhour célèbre la fête de l'Annonciation en invitant musulmans et chrétiens à une cérémonie commune, car les deux religions pratiquent le culte de la Vierge Marie.
Hier soir, la célébration avait une importance particulière, comme un goût de victoire, avec l'annonce de l'instauration d'une fête nationale islamo-chrétienne coïncidant avec l'Annonciation. Cette annonce a été faite il y a quelques jours, mais le décret ne sera officiel qu'après sa signature par le Premier ministre et sa parution dans le Journal officiel - une opération ralentie, selon nos sources, par un débat qui agiterait actuellement les hautes sphères religieuses.
L'État était bel et bien au rendez-vous, hier soir, à Jamhour, avec la présence de représentants des trois présidents. Parmi eux, le ministre Ibrahim Chamseddine qui représentait aussi la Fondation Imam Chamseddine pour le dialogue. Étaient également présents Michel Eddé, président de la Fondation des maronites dans le monde, Amr Khaled, un prédicateur musulman égyptien très influent, et Salim Ghazal, président de la commission épiscopale pour le dialogue islamo-chrétien. Deux invités d'honneur étaient venus apporter un message de paix en provenance d'Afrique : l'imam Mohammad Ashafa et le pasteur James Wuyi, anciens chefs de milice au Nigeria, célèbres pour leur réconciliation spectaculaire après des années de guerre civile.
Quelques discours célébrant la fraternité islamo-chrétienne autour de la Vierge Marie ont ponctué cette cérémonie qui se voulait principalement unificatrice : on parlera d'office laïque ou bireligieux, au choix. Le moment le plus symbolique de la soirée a sans doute été une « prière commune à Marie, Notre-Dame », récitée d'une seule voix par quatorze représentants des multiples religions libanaises. Par ailleurs, des professeurs de Jamhour ont proposé une présentation en images de différents sanctuaires dédiés à Notre-Dame à travers le pays. Plusieurs chants chrétiens et musulmans, dont une récitation de la version coranique de l'Annonciation, ont rappelé à l'assistance, conquise, l'ambiance musicale qui règne dans le Liban des religions.
La cérémonie s'est conclue par un spectacle de derviches tourneurs venus de Tripoli apporter à cette rencontre interreligieuse leur vision de la spiritualité. Sur les murs de la chapelle qui abritait la rencontre, des photographies géantes empruntées à l'exposition Le Voile, de Roger Moukarzel, représentaient six visages de femmes voilées, visiblement issues de toutes les confessions qui unissent et divisent le pays. Ces portraits étaient peut-être ceux des héritières de Marie - ces femmes qui ont souvent regardé les Libanais s'entre-tuer, cachés derrière leurs religions, et qui espèrent une fois de plus les voir se réconcilier.