Page 5 - Nous 296
P. 5
FAIRE ÉCOLE À L’ÈRE DU COVID,
EST-CE ENCORE POSSIBLE ?
P. Charbel Batour, S.J.
Recteur
u moment d’écrire ces quelques lignes pour introduire le nouveau Nous, nous
Anous sentons complètement submergés par la gestion des cas de Covid au sein
de nos deux campus. Depuis la rentrée des vacances de Noël, nous sommes happés
par la gestion « sanitaire », cette « nouvelle compétence » que nous devons acquérir
pour parer à la progression de l’épidémie au Collège.
La pédagogie, l’accompagnement, l’éducation, les activités ont été reléguées au
deuxième plan. Préfets et responsables de cycles sont débordés. Désemparés, les
enseignants essaient, autant que faire se peut, de maintenir un rythme de travail
ordinaire. Les élèves sont déstabilisés par cette perturbation quotidienne. De fait, en
ces temps-ci, le plus grand malheur qui puisse s’abattre sur un élève, c’est qu’il lui soit
demandé d’être confiné suite à la détection d’un cas de Covid en classe. Même les
parents, qui ne savent pas toujours comment gérer leurs enfants confinés, sont souvent
déboussolés. Ils ne comprennent pas, voire n’admettent pas, que leur enfant soit confiné
plusieurs fois de suite… Ils croient que le Collège prend des décisions arbitraires en
matière de santé. Ils ne savent pas que le Collège est tenu d’appliquer les mesures
sanitaires imposées par le Ministère de l’Éducation, faute de quoi l’établissement est
dans l’obligation de fermer ses portes… Cela aurait été certainement plus facile si la
gestion était laissée à notre bon sens…
Dans tous les cas de figures, le Collège à l’ère du Coronavirus n’est plus le Collège
que nous avons connu. Même notre jargon quotidien a changé, il est désormais infiltré
par un vocabulaire relativement nouveau : Covid-19, Covid, Corona ; cas positifs,
cas négatifs, cas contacts ; PCR, PCR rapide, test antigénique, CT ; gestes barrières,
confinement, fermeture de classe, fermeture de division, etc. Même l’alphabet grec
revient en force dans nos échanges : variant alpha, variant delta, variant omicron… et
nous ignorons ce que l’avenir proche nous réserve en termes de nouvelles surprises et
de nouveaux défis à relever… Quelle(s) lettre(s) de quel alphabet antique va-t-il encore
ressusciter pour désigner de nouvelles réalités ou, pire, de nouveaux fléaux ?
Il est vrai que cette crise n’est pas propre à notre pays. Mais il n’est pas moins vrai
que la gestion de cette crise au Liban est une tout autre affaire ; disons qu’elle a un
autre goût, à nul autre pareil, et pour cause... Dans le pays du Cèdre, il ne s’agit pas
seulement d’appliquer des mesures sanitaires et de veiller sur la santé des élèves et
des adultes qui sont à leur service. Il faut aussi gérer, de main de maître, des cours à
distance lors même que le courant électrique est loin d’être garanti partout et en tout
temps. Les enseignants doivent maintenir un bon niveau d’étude tout en étant rongés
par le souci permanent de nourrir leur famille avec leurs salaires devenus dérisoires. En
somme, le contexte général du pays est loin d’être rassurant. C’est un vrai manège ! Les
banques et l’argent des déposants sont un souci à part entière ! Nous vivons au rythme
de décrets bancaires plus rocambolesques les uns que les autres ! Chaque jour, l’on
s’attend à une nouvelle restriction monétaire qui limiterait encore plus drastiquement
l’accès à notre propre argent... Et pour ne rien arranger, les tensions politiques
5