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FAIRE ÉCOLE À L’ÈRE DU COVID,

                           EST-CE ENCORE POSSIBLE ?

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                                                                                                       Recteur

                               u moment d’écrire ces quelques lignes pour introduire le nouveau Nous, nous
                          Anous sentons complètement submergés par la gestion des cas de Covid au sein
                           de nos deux campus. Depuis la rentrée des vacances de Noël, nous sommes happés
                           par la gestion « sanitaire », cette « nouvelle compétence » que nous devons acquérir
                           pour parer à la progression de l’épidémie au Collège.

                           La pédagogie, l’accompagnement, l’éducation, les activités ont été reléguées au
                           deuxième  plan.  Préfets  et  responsables  de  cycles  sont  débordés.  Désemparés,  les
                           enseignants essaient, autant que faire se peut, de maintenir un rythme de travail
                           ordinaire. Les élèves sont déstabilisés par cette perturbation quotidienne. De fait, en
                           ces temps-ci, le plus grand malheur qui puisse s’abattre sur un élève, c’est qu’il lui soit
                           demandé d’être confiné suite à la détection d’un cas de Covid en classe. Même les
                           parents, qui ne savent pas toujours comment gérer leurs enfants confinés, sont souvent
                           déboussolés. Ils ne comprennent pas, voire n’admettent pas, que leur enfant soit confiné
                           plusieurs fois de suite… Ils croient que le Collège prend des décisions arbitraires en
                           matière de santé. Ils ne savent pas que le Collège est tenu d’appliquer les mesures
                           sanitaires imposées par le Ministère de l’Éducation, faute de quoi l’établissement est
                           dans l’obligation de fermer ses portes… Cela aurait été certainement plus facile si la
                           gestion était laissée à notre bon sens…

                           Dans tous les cas de figures, le Collège à l’ère du Coronavirus n’est plus le Collège
                           que nous avons connu. Même notre jargon quotidien a changé, il est désormais infiltré
                           par un vocabulaire relativement nouveau : Covid-19, Covid, Corona ; cas positifs,
                           cas négatifs, cas contacts ; PCR, PCR rapide, test antigénique, CT ; gestes barrières,
                           confinement, fermeture de classe, fermeture de division, etc. Même l’alphabet grec
                           revient en force dans nos échanges : variant alpha, variant delta, variant omicron… et
                           nous ignorons ce que l’avenir proche nous réserve en termes de nouvelles surprises et
                           de nouveaux défis à relever… Quelle(s) lettre(s) de quel alphabet antique va-t-il encore
                           ressusciter pour désigner de nouvelles réalités ou, pire, de nouveaux fléaux ?

                           Il est vrai que cette crise n’est pas propre à notre pays. Mais il n’est pas moins vrai
                           que la gestion de cette crise au Liban est une tout autre affaire ; disons qu’elle a un
                           autre goût, à nul autre pareil, et pour cause... Dans le pays du Cèdre, il ne s’agit pas
                           seulement d’appliquer des mesures sanitaires et de veiller sur la santé des élèves et
                           des adultes qui sont à leur service. Il faut aussi gérer, de main de maître, des cours à
                           distance lors même que le courant électrique est loin d’être garanti partout et en tout
                           temps. Les enseignants doivent maintenir un bon niveau d’étude tout en étant rongés
                           par le souci permanent de nourrir leur famille avec leurs salaires devenus dérisoires. En
                           somme, le contexte général du pays est loin d’être rassurant. C’est un vrai manège ! Les
                           banques et l’argent des déposants sont un souci à part entière ! Nous vivons au rythme
                           de décrets bancaires plus rocambolesques les uns que les autres ! Chaque jour, l’on
                           s’attend à une nouvelle restriction monétaire qui limiterait encore plus drastiquement
                           l’accès à notre propre argent... Et pour ne rien arranger, les tensions politiques

                                                                                                                    5
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