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58   DOSSIER L’émigration, un rêve à réaliser ou une douleur à apaiser ?
























                  « Tout homme a le droit de partir, c’est son pays qui doit le persuader de rester –
                  quoi qu’en disent les politiques grandiloquents. ‘Ne te demande pas ce que ton
                  pays peut faire pour toi, demande-toi ce que tu peux faire pour ton pays.’ Facile
                  à dire quand tu es milliardaire, et que tu viens d’être élu, à 43 ans, président
                  des États-Unis d’Amérique ! Mais lorsque, dans ton pays, tu ne peux ni travailler,
                  ni te soigner, ni te loger, ni t’instruire, ni voter librement, ni exprimer ton opinion,
                  ni même circuler dans les rues à ta guise, que vaut l’adage de John F. Kennedy ?
                  Pas grand-chose !.»
                  Cette citation d’Amin Maalouf, extraite de son œuvre  Les Désorientés parue
                  en 2012, illustre bien le ressenti des Libanais qui ont quitté le pays ou de ceux
                  qui y aspirent. Le titre choisi par cet expatrié de longue date, qui a consacré de
                  nombreux écrits à la question identitaire, est sans nul doute un jeu de mots entre
                  «  perdre  l’orientation  ou  la direction  » et  «  perdre  » ou  plutôt  «  être  arraché  »
                  à l’Orient.

                  Les  siècles  se  succèdent,  les  causes  et  les  phases  de  l’émigration se multiplient,  le
                  résultat, lui, reste identique : le Libanais porte sa valise avec un rêve à réaliser, une
                  douleur à apaiser, une fuite qui ne finit pas de le désorienter.

                  Pourtant, le Liban, pays de voyageurs, à la croisée des chemins du monde, longtemps
                  victime de conflits, de mainmises et d’abandon, mais aussi riche de brassages culturel
                  et communautaire, ne demeure-t-il pas une terre à l’âme singulière pour laquelle les
                  « dés-orientés » éprouvent tant de nostalgie et un certain déchirement ?

                  Si parmi les émigrés libanais partis à la recherche de meilleures opportunités, les
                  adultes ont le souci d’assurer une vie équilibrée à leur famille, les jeunes, quant à eux,
                  se trouvent confrontés à un dilemme de taille : partir ou rester.
                  C’est dans cette perspective que les élèves du secondaire, futurs adultes, particulièrement
                  touchés par ce choix cornélien, ont choisi de traiter le thème de l’émigration libanaise, et
                  ce, sous différents aspects. L’historique de l’émigration est relaté par Thérésa Khachan,
                  les causes de la dernière vague d’émigration sont développées par Karen Boulos et
                  Cynthia Arslane, alors que Fatmé Daou tente de dépeindre la vie des expatriés à partir
                  d’une enquête personnelle. Laetitia Yardémian, elle, exploite le thème de l’exil dans
                  l’art, notamment dans les œuvres littéraires. Quant à Patricia Bark, elle clôture par un
                  cri adressé au peuple libanais dans « Sarkhat watani ».
                                                                                             N.Y.









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            Nous du Collège - N  298 - Mars 2023
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