Messe de promo
18 juin 2007
Message du père recteur à la Promotion 2007
« Soyez mes témoins »

 

I. Telle est la parole, sinon le testament de Jésus le Christ, qui a chargé ses disciples d’aller annoncer le repentir pour le pardon des péchés à commencer par la ville la plus proche, Jérusalem, censée être la ville sainte. De cela soyez mes témoins. » (Luc, 24, 47-48) ! Cette parole  nous concerne -t-elle encore, nous communauté éducative formée d'enseignants, de parents, d' anciens élèves et de jeunes délégués de la classe de 1ère, future promotion 2008? Quant à vous chers membres de la Promotion 2007, vous qui êtes dans l’entre-deux, ni élèves ni anciens élèves, ni élèves ni étudiants universitaires, vous considérez-vous concernés sinon touchés par cette parole de Jésus ? Il s’agit d’un moment où les souvenirs et les pensées du passé se présentent à votre regard ; tournés vers l’avenir, ce passé habite votre présent et ne peut nous et vous laisser sombrer dans la neutralité et la platitude. Étant dans un temps de passage, vous ne pouvez que réfléchir à ce que vous allez devenir et être. Vous êtes comme des témoins qui certifient devant des auditeurs de ce qu’ils ont pu entendre et voir et qui sont désireux de le faire ; les vrais témoins sont des personnes authentiques.

II. Mais n'est-ce pas une parole futile  de dire que votre mission d'aujourd'hui est d'être et de devenir  des témoins devant les autres hommes, à commencer par la terre du Liban, vous les fils de cette terre ?

Témoins de quoi, de qui et devant qui, dans un  Proche-Orient de violences extrêmes, de suicides et de tueries au nom de Dieu ou bien plutôt dans un monde qui assiste à l'absence de Dieu comme dit le Livre d'Esther dans la Bible, ou de l'éclipse de Dieu comme dit le philosophe Martin Buber, de qui ou de quoi pouvez-vous témoigner ?

Le Liban de l'angoisse et des violences, peut-il  encore être source de témoignage ? Que reste-t-il du Liban de la tolérance, du respect mutuel, du discours bien formulé, de l'amitié et du pardon, du pluralisme  et de la liberté pour en témoigner ? Si nous nous limitons à ce qui nous entoure et nous agresse tous les jours, notre premier réflexe serait de plier bagage et d'aller ailleurs car comme beaucoup le disent, il n'est plus possible de vivre et d'envisager son avenir sur cette terre endolorie du Liban.

III. Pourtant notre témoignage s'inscrit dans une durée et une histoire qui nous transcendent et que nous devons pleinement assumer  en veillant bien à y inscrire nos propres traces et marques. Je me réfère ici à un penseur français Gustave Michelet,  qui a justement fait le lien entre histoire et témoignage: «j'entends par le mot histoire rien d'autre chose que les actes du temps et les témoignages sérieux ».

Il nous faut continuer à témoigner que notre pays, le Liban, est digne d'être considéré comme le nôtre surtout dans les moments où tout semble aller à la dérive, à l'apprécier et à s'y accrocher surtout dans les moments où il est incapable de nous donner quoi que ce soit. C'est comme un ami dans la détresse  et qui a besoin de nous.  Il est vrai que Paul Coelho, l'auteur de L'Alchimiste, dit dans son livre La Cinquième Montagne, que le Liban demeure toujours un champs de bataille, mais sachez que le Liban de la Bible et de Gibran est un rêve de beauté, de justice et de paix, le nôtre, et un rêve n'est pas une illusion mais une réalité que nous avons à assumer et à réaliser.

IV. Soyez les témoins de l'intelligence, ce bagage précieux de tout homme moderne, cette faculté de lire la réalité, de la méditer, la comprendre et tracer les chemins de l'avenir. Témoins de l'intelligence comme condition de toute action, évidemment une intelligence qui est éclairée par le Bien suprême et le devoir d'aimer. Pour la tradition pédagogique jésuite, l'intelligence opère le discernement, elle aide à voir plus clair, à distinguer, surtout à nommer les choses de manière à ce que notre oui soit un oui et notre non un non. L'intelligence habitée par l'Esprit apprend à éviter les réactions instinctives et oriente vers les bonnes actions. Que l'Esprit Saint habite vos intelligences afin que vous soyez des acteurs intelligents de transformation sociale et humaine pour plus de créativité, de solidarité et d'amour. C'est cette intelligence, doublée de méthode et de rigueur qui vous sera utile pour les années à venir ; qu'elle soit toujours là  avant l'action sinon avec l'action et après l'action pour évaluer et construire votre vie sur du solide et de l'excellent.

V. Enfin soyez des témoins  de la liberté, inséparable de la responsabilité. Je cite ici un grand historien des Jésuites, Jean Lacouture. Il dit : « si je devais ne retenir que deux choses de mon passage chez les Jésuites, c'est le sens de la liberté, inséparable de celui de la responsabilité, et celui de la juste mesure de la capacité des hommes à être eux-mêmes, au sens de l'axiome ignatien qui effrayait tellement les jansénistes: «À celui qui fait ce qui dépend de lui, Dieu ne refuse pas sa grâce.»  En d'autres termes plus bibliques, nous découvrons dans les Actes des  Apôtres, que les disciples ont été avant tout des témoins de Jésus ressuscité, de Jésus libre et libéré des entraves de la mort et de tout ce qui conduit à la mort, Jésus libre pour vivre et faire vivre ses amis. Soyez en toute action, les messagers de la vie, de la justice  et de la paix.

Chers Amis,

Pour être crédibles, il faut qu'il y ait convergence entre notre dire et notre vécu. Je suis sûr que vous allez faire appel à votre long vécu à Jamhour pour donner du sens à votre vécu de demain et pour être des témoins fidèles de ce que vous avez appris sur les bancs de votre Collège.


Les disciples de Jésus ne pouvaient pas être témoins sans avoir été préalablement revêtus d'une puissance qui seule donnerait à leur message toute sa force de persuasion : la puissance d'en haut, c'est-à-dire la puissance du Saint-Esprit. Car c'est le Saint-Esprit qui vous aide à relire votre quotidien et qui confirme et enracine en vous les valeurs de vérité, de justice et d'amour.

Chers Amis de la 55e promotion de Jamhour,  soyez des

Témoins de ce que vous avez vécu et entendu à Jamhour,

Témoins de pardon et de réconciliation,

Témoins de solidarité et de foi en l'autre et en vos capacités,

Témoins d'excellence et de rigueur,

Témoins de citoyenneté  d'un État et non de clientélisme,

Témoins de l'intelligence tournée vers le bien et fondement de l'action,

Témoins d'un Dieu qui n'est pas un dieu de suicidaires mais le Dieu du pardon et de la Vie.

Allez, que le souffle de l'Esprit Saint remplisse vos voiles et qu'il oriente votre existence. Promo 2007, nous vous  souhaitons beaucoup de succès en qualité.

Salim Daccache, s.j.
Recteur

 

Collège Notre-Dame de Jamhour, LIBAN
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