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Kaléidoscope scolaire



             Les grandes personnes ne comprennent
                             jamais rien toutes seules !


           ’est sur cette réflexion extraite du Petit Prince de Saint-Exupéry que Kevin Syriani a composé
        Cl’expression écrite de l’examen de fin d’année. Nous vous laissons apprécier la maturité d’un
        élève de 13 ans… De quoi faire pâlir de jalousie ses aînés et peut-être bien aussi… certains adultes !!!
        Sujet : « Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules, et c’est fatigant, pour
        les enfants, de toujours et toujours leur donner des explications. » Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit
        Prince.
        Imaginez et racontez un épisode où vous ne vous êtes pas senti compris(e) par les adultes. Vous
        insèrerez dans votre récit un passage de réflexion.
           ’enfant est un être extrêmement sous-estimé par les   le matériel ne valait rien par rapport au temps que ça lui
        Lgrandes personnes. Les enfants sont des philosophes   coûtait. Il se donnait une joie qui camouflait la tristesse.
        qui voient la vie du bon angle avec la bonne perspective,   Il continua à rire de ce rire inspirant l’empathie et me
        une idée de la vie qui  crée  ce  bonheur  constant si   demanda de le laisser. Je me dis alors en le quittant : «
        recherché par les plus grands alors qu’ils l’avaient déjà   Malédiction ! Mon père est prisonnier de ses pensées !
        trouvé auparavant. Un enfant c’est une lumière de vie si   Il fuit donc la vérité et cherche à se réconforter à l’idée
        innocente et fragile qu’elle en fait une force. Ces petits   de l’argent qu’il  va amasser. Il est donc  comme  ces
        adultes sont souvent plus  intelligents que les grands   autres grands enfants devenus adultes par malheur, il
        enfants, ils ne sont souvent pas compris par les grands   cherche le soleil en faisant la pluie. Il a été manipulé par
        qui n’ont foi qu’en le travail et l’argent. Alors, que ressent   la société, par des personnes elles aussi prises au piège
        donc un enfant lorsqu’il n’est pas compris ? Et comment   de leur âge. C’est comme un virus qui se transmet, qui
        transmettrait-il sa philosophie aux plus grands ?      les rend petits une fois grands. En fait, l’on naît grand
        J’avais sept ans quand ce jour arriva, sept années de vie   et l’on meurt petit, après tout ce sont les vieux qui ont
        plus enrichissantes que cinquante chez un autre. J’étais   besoin d’aide juste pour manger un repas. Le monde est
        sur mon chemin de retour de l’école, je marchais comme   inversé, rempli de mauvaises pensées. Seuls les jeunes
        à mon habitude dans une petite ruelle reliant l’école à   qui ne sont pas encore « infectés », sont sur la bonne
        ma maison,  c’était une rue  sombre,  triste. Elle  était   voie. Mais un virus ça se soigne, par ceux qui sont en
        détruite de tous les côtés, des murs pleins de moisissure,   bonne santé. Je vais le soigner ! Je me décidai donc à le
        de la saleté au sol. Cette poubelle géante n’ayant pas   soigner… Très vite, je compris que la cure c’était le vieil
        été lavée ou rénovée depuis des décennies n’inspirait   homme qui me soignait tous les jours. Je réussis après
        que tristesse. Sauf pour un seul homme. C’était un vieil   une longue discussion à le sortir de son nid et l’emmenai
        homme,  aux  cheveux  blancs,  vêtu  des  mêmes  habits   à la rencontre du vieil homme. Je lui dis : « Regarde cet
        déchirés qu’il portait tous les jours. Il avait à peine de   homme. Il est heureux, lui, c’est ça la vraie joie. Trouve
        quoi se nourrir, un seul misérable repas par jour, mais   ton soleil ! ». Il se décida après un moment à parler à
        restait  toujours heureux.                             ce rayon de soleil. Je les laissai un moment discuter et,
        Qu’il y ait tempête ou orage, il ne voyait que le soleil,   pendant qu’ils  parlaient, j’écoutais  l’énorme  sagesse
        caché derrière les nuages ; invisibles pour certains, le   de cet homme avec ébahissement.  Après une  heure
        soleil  était  bien  clair  pour  lui.  Cet  homme  m’inspirait   pendant laquelle mon père avait attentivement écouté
        beaucoup  et me  donnait  envie de vivre. Il partageait   les paroles de l’homme, j’avais compris : il était guéri !
        avec moi sa joie par un simple regard, sur mon chemin,   En  fin  de  compte,  les  adultes  ne  sont  que  de  grands
        illuminant ainsi ma journée. Mais dès que je franchissais   enfants,  et  cette  enfance  reste  toujours  en  eux  mais
        la porte de ma maison, toute cette joie se dissipait. Par   profondément ancrée, scellée, rendue inaccessible par
        le simple regard de mon père, triste sans le savoir, je   un code presque indéchiffrable, mais toujours présente.
        ne voyais plus le soleil mais les nuages gris de cette vie.   Un enfant est le seul à pouvoir libérer cette innocence
        Je me révoltai face à cette vie que subissait mon père   chez ceux qui sont perdus, et c’est ce qu’il faut faire pour
        et décidai en ce jour d’aller le réveiller. Je lui dis « Que   rendre le monde meilleur. Un enfant ça ne se détermine
        fais-tu  de  ta  vie,  père  ?!  Tu  travailles  sans  arrêt,  tous   pas avec l’âge, c’est simplement un homme heureux.
        les jours, matin et soir ! » Il me dit en riant d’un rire se                                  Kevin Syriani 5 6
                                                                                                                  e
        cachant  à  lui-même  le  désespoir,  qu’il  travaillait  pour
        vivre et pouvoir être heureux. Je lui rappelai alors que



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