Page 121 - Nous 291
P. 121

Amicale







                                         Prix d’honneur


                            Composé le 11 avril 2019 à Jamhour




          Le Prix d’honneur, institué en 1898 par l’Amicale des Anciens Élèves de Jamhour, récompense, chaque
          année, une épreuve écrite traitant un sujet à caractère socio-politique ou philosophique. Il est proposé aux
          élèves de Terminale à titre facultatif.
          L’édition 2019 a traité le thème de l’autorité, et a été remportée par
             Josef Nasr (TES) - Prix d’honneur
                                 er
             Ralph Diab (SG4) - 1  accessit
                                       d
             Nohad-Maria Azzi (SV1) - 2  accessit
          Le jury 2019 était composé des correcteurs suivants :
             R.P. Jean Dalmais, S.J.
             Mme Tania Hajji-Thomas Mehanna (Promo 84)
             Me Nabil Mallat (Promo 93)
             Me Alexandre Najjar (Promo 84)
             M. Georges Salloum (Promo 63)



             Sujet : L’autorité est-elle sacrée ?               La sacralisation hypothétique
                                                                de l’autorité pourrait donc, tout
          L’évolution des sociétés humaines se caractérise par   d’abord,  se  voir  justifier  par  la
          une remise en question progressive de « l’autorité »,   nécessité de prévenir le chaos
          non seulement étatique mais également en tant que     par le biais de limites posées à
          notion propre, au gré de la refonte des valeurs et normes   la liberté de l’homme mais lui
          sociales régissant leur fonctionnement. L’échec relatif des   permettant,  paradoxalement,
          démocraties occidentales a toutefois, récemment, ouvert   de jouir au plus haut point de
          la porte à la résurgence d’un sentiment de nostalgie qui   cette liberté qui lui revient
          pouvait  être  qualifié  de  «  pathologique  »  envers  des   « de droit ». L’autorité dite
          régimes forts symbolisant une autorité (imposition par   « suprême », celle de l’État,
          un individu, un groupe ou un organisme quelconque de   permettrait ainsi à l’homme, à travers l’émission de lois
          ses décisions par le biais de la mise en place de valeurs,   et de valeurs, de vivre sa liberté en l’empêchant toutefois
          normes, contraintes et châtiments) puissante, comme   d’empiéter sur celle d’autrui. C’est ainsi en contraignant
          en témoigne la fascination à l’encontre de personnalités   la  liberté  originellement  «  absolue  »  dont  bénéficiait
          politiques et technocrates récemment arrivées au pouvoir   l’homme dans l’état de nature que l’autorité, de manière
          (Trump,  Poutine,  Bolsonaro…).  Les  caractéristiques   générale, - et plus particulièrement ici celle de l’État -
          intrinsèques du concept d’« autorité » justifieraient-elles   permettrait à l’être humain de pleinement réaliser sa
          alors la soumission inconditionnelle de l’homme à cette   nature « d’être libre », mettant de fait un terme au climat
          dernière ? La contestation de l’autorité n’articulerait-  de tension constant menaçant auparavant cette liberté
          elle pas plutôt l’adaptation constante de cette notion   gangrénée par le caractère absolu des possibilités qui
          aux réalités sociopolitiques et à leur évolution ? Nous   se présentaient à elle et à la liberté de l’autre. Cette
          tenterons de répondre à ces questions en nous intéressant   renonciation progressive au pouvoir « naturellement
          tout  d’abord  aux  justifications  pouvant  appuyer  la   absolu  »  dont  jouissait  auparavant  l’homme,  expliqué
          «sacralisation » d’une autorité quelconque, pour ensuite   par  Hobbes  par  son  caractère  essentiellement  égoïste
          passer à l’irrationalité et la dangerosité d’un tel acte et   et  calculateur,  justifierait  ainsi  sa  soumission  totale  à
          achever notre raisonnement par la nécessité d’aborder le   une sorte d’« autorité suprême », celle de l’État, cette
          rapport à l’autorité non pas selon des principes universels   dernière, s’apparentant à une vénération, ou plutôt une
          et  prédéfinis,  mais  plutôt  conformément  aux  besoins   sacralisation  de  la  volonté  de  l’homme  de  se  réaliser
          et caractéristiques que présentent une situation et un   et de s’épanouir pleinement en sa qualité d’être libre.
          contexte précis et à l’apport objectif de cette autorité à   Le  «  Léviathan  »,  figure  d’un  État  fort,  puissant  et
          la société qu’elle domine.                            essentiellement régalien, dont les fonctions se résument
                                                                                                               121
                                                                           Nous du Collège - N  291 - Juillet 2019
                                                                                             o
   116   117   118   119   120   121   122   123   124   125   126