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Nous du Collège - N  296 - Mars 2022                                               Jésuites               51
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          Né à Delft (Hollande) en 1940, Nicolas Kluiters entre   de ses querelles de clocher. Dans les églises Saint-
          en 1966 chez les jésuites après avoir étudié les     Michel et Saint-Joseph, situées aux deux extrémités
          beaux-arts. Il renonce au pinceau comme saint Pierre   du  village,  les  familles  antagonistes  y  faisaient
          à ses filets. Au terme des dix années suivantes, ayant   messes à part.
          parachevé ses études de théologie, il est ordonné    C’est d’abord le contexte interne qui constituait le
          prêtre. Il séjourne au Liban, apprend l’arabe et     plus grand défi pour Nicolas Kluiters. Dans ses notes
          obtient un diplôme d’assistant social de l’Université   personnelles, il écrit : « Le miracle de ma vocation
          Saint-Joseph. Puis, en 1976, en concertation avec    dans la Békaa est que j’ai pu vivre la transformation
          ses supérieurs, en particulier avec le père Peter-   des habitants d’un village qui se battaient entre eux,
          Hans Kolvenbach, supérieur général des jésuites, il   et qui ont été changés en hommes qui construisent
          débarque au Liban en mission.                        ensemble leur avenir. »
          Dans un premier temps, le père Kluiters rayonne dans   Pour le faire, le père Kluiters va habilement user
          la Békaa, depuis le couvent de Taanayel, avec trois   de toutes ses compétences de prêtre et d’assistant
          autres compagnons, les pères Hans Putman, Hani       social. À mi-chemin des chapelles qui se dressent
          Rayess et Tony Aoun effectuant, avec l’assistance de   aux deux extrémités du village, il construit une école
          diverses congrégations religieuses féminines (Saints-  complémentaire et pousse les religieuses de la
          Cœurs, salésiennes, franciscaines missionnaires      congrégation des Saints-Cœurs à s’y établir. Familier
          de Marie, petites sœurs, religieuses de Jabboulé),   de la religiosité populaire, il dessine un chemin de
          divers apostolats classiques : messes et confessions,   croix en plein air. Il met aussi en chantier divers
          baptêmes et enterrements, catéchisme et formation    travaux  d’utilité  publique  : terrassements, rigoles
          à la première communion, soirées évangéliques,       d’irrigation, réservoirs d’eau, plantations d’arbres
          retraites spirituelles et activités de jeunes, etc. En   fruitiers (un moyen pour combattre la culture illégale
          1981, à la demande de Mgr Georges Iskandar,          du haschisch), ateliers de confection (en collaboration
          archevêque maronite de Zahlé, il est nommé curé de   avec une usine textile de Beyrouth), percement
          Barqa (Baalbeck-Hermel).                             d’une route conduisant aux vergers éloignés et

          Une photo  du père Nicolas  Kluiters (à d.)  avec
          Ghassibé  Keyrouz,  un  catéchète  tué  dix  ans avant
          lui  de  la  même  manière,  dans  la  Békaa,  en route
          pour son village de Nabha. Le père Nicolas restera
          impressionné par le testament prémonitoire laissé
          par Ghassibé, sur sa table de travail, dans lequel il
          pardonne par avance à ses éventuels assassins.


          Les défis des années 80
          Simplement énumérées, les tâches pastorales
          confiées aux jésuites de la Békaa n’ont l’air de rien.
          Fatigantes, oui peut-être, mais sans risques. Du
          moins en période de paix. Or la paix était loin d’être
          acquise, avec l’éclatement de la guerre civile au
          Liban en 1975.
          La grande œuvre de ce prêtre hors du commun, c’est
          d’avoir su associer étroitement foi et développement.
          À son arrivée au village, la grande question que se
          posaient les habitants était : faut-il rester ou partir?


          Contaminé  par le climat  malsain de la guerre,  le
          village souffrait de son encerclement géographique
          et des risques qu’il fallait prendre pour se déplacer,
          sortir de la région, se rendre dans la capitale.
          Comme beaucoup d’autres villages, le village
          souffrait aussi de ses insuffisances économiques et
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