Page 83 - Nous 297
P. 83

Nous du Collège -  N  297 - Juillet 2022                                                Anciens           83
                            o




          peuple, d’où l’anéantissement d’un vivre-ensemble     toute contrainte, interdiction, permission et sanction
          qui serait désagréable et injuste.                    de la part de l’État. Pour notre peuple, l’État demeure
          Par ailleurs, Marx adresse une autre critique à l’État   inexistant, le bouc-émissaire et le coupable de qui
          lui reprochant son injustice dans ses relations avec   nous pouvons nous plaindre et critiquer chaque fois
          son peuple. En effet, l’État n’est pas transcendant   qu’un malheur se produit. Dans ces deux cas, il ne
          comme il le prétend, il est toujours partie prenante   faudrait pas tout tolérer au nom du vivre-ensemble,
          dans les mains de la classe dominante, et cherche à   vu que ce dernier est complètement absent.
          jouir d’un profit ou d’un gain, même au détriment
          de son propre peuple. Ainsi, son droit d’exécuter ou   Donc à cette tolérance, nous attribuons des limites
          d’user de violence dans le cadre de la constitution   qu’il ne faudrait en aucun cas dépasser ou dont il ne
          n’est autre que dissimulation et illusion. En fait,   faut pas abuser. Alors, comment savoir ce qu’il faudrait
          l’État fait appel à ses pouvoirs pour conquérir un    tolérer ou pas ?
          enrichissement personnel d’où l’importance de ne
          pas y adhérer et de ne pas le tolérer pour le bien du   L’État de droit est la parfaite réponse à toutes ces
          vivre-ensemble.                                       questions. Ce dernier représente un équilibre entre
          Pour finir, n’oublions pas que l’État est sensibilisé par   l’État et les citoyens et pourrait faciliter le maintien
          deux écueils dans lesquels il pourrait tomber à tout   et l’existence des deux parties, dans le cadre de la
          moment. D’une part l’État peut devenir monstrueux     paix, de l’ordre, et de la sécurité. D’abord, Rousseau
          et user, comme précédemment dit, de toutes formes     préalablement cité, mentionne dans son contrat « la
          de pouvoirs pour aboutir à son but. À ce stade, il    volonté générale ». Rousseau conçoit, contrairement
          serait  intéressant  de  se rappeler  le contrat  de   à Hobbes, l’homme comme étant un être de besoin,
          Hobbes et la critique que Rousseau lui a adressée.    non de désir, pour qu’il possède une principale
          En effet, Hobbes conçoit l’homme comme étant un       qualité, celle de la pitié. Pour cela, il propose
          être de désir qui ne peut se suffire de ce qu’il a, mais   que  chaque citoyen  renonce  volontairement aux
          qui cherche toujours plus : cette idée est renforcée   pouvoirs illimités de l’état de Nature, mais cette fois-
          par  les  affirmations  suivantes  :  «  les  hommes  sont   ci, en forme de la volonté générale. Celle-ci étant, la
          égoïstes  et  calculateurs  »,  «  l’homme  est  un  loup   volonté de chacun comme voulant le bien commun,
          pour l’homme ». L’état de nature dans lequel il vit   et non la somme de volontés particulières.
          demeure invivable. En effet, la loi du plus fort, la   De même, Alain à son tour parlera de la citoyenneté
          guerre de tous contre tous et la méfiance généralisée   et de son importance dans le domaine publique par
          dominent  et  à tout  instant, chaque  citoyen  risque   le biais de la participation à la vie politique ; le vote
          d’être tué par autrui. À ce niveau, Hobbes propose    étant conçu comme un devoir, voire une obligation,
          un contrat, celui de renoncer volontairement aux      qui demande de bien penser pour bien voter et
          pouvoirs illimités de l’état de nature en faveur d’un   décider. Ainsi, le devoir est étudié par un esprit
          Léviathan, un maitre sur les enfants de l’orgueil, qui   cultivé qui le perçoit comme une fin en soi, et non un
          a comme but de faire régner la paix, l’ordre et la    moyen en vue d’une fin. De plus, Alain mentionne
          sécurité : Rousseau critique ce contrat puisqu’à son   l’importance des protestations, quand elles arrivent
          avis ce serait un moyen d’encourager l’absolutisme    à un moment où leur but est de s’opposer à l’injustice
          et de renoncer à sa liberté. De même, il serait très   de l’État, et à son abus de pouvoir, au détriment du
          probable que ce Léviathan se retourne contre son      bien du peuple.
          peuple et ayant tous les pouvoirs, le fasse vivre dans   Pour finir, Montesquieu évoque l’importance de la
          un État monstrueux, pire que l’état dans lequel ils   séparation des pouvoirs au sein de l’État, afin qu’il
          vivaient, là où l’injustice l’anéantissement, le mépris   n’y ait pas d’abus de la part de nulle partie, et que
          et  la  crainte  envahissent  chaque  citoyen.  Dans  ce   l’égalité, la concorde, la sécurité et la paix puissent
          cas, l’État devient monstrueux et le vivre ensemble   se répandre et dominer.
          y est impossible. D’autre part, l’État pourrait       Ainsi et dans tous ces cas, et par le biais de toutes
          être défaillant, il pourrait  perdre sa souveraineté   ces  affirmations,  l’État  de  droit  devrait  seulement
          transcendante, l’autorité face à son peuple et devenir   être toléré par le peuple au nom du vivre-ensemble,
          un État corrompu, inégal, injuste, voire le chaos. Le   vu qu’il contribue d’une manière concrète et
          Liban, passe par cette phase, dans laquelle chaque    évidente à enrichir, à améliorer et à développer ce
          citoyen fait ce qu’il envisage de faire, négligeant   vivre-ensemble.
   78   79   80   81   82   83   84   85   86   87   88