Page 63 - Nous 300
P. 63
Dossier
algré ses nombreuses occupations, Amin Maalouf n’hésite pas à consacrer du temps à ceux qui le sollicitent, si
Mbien qu’au printemps 2022, il accorde une interview à un groupe d’élèves de 1 qui participent à un concours
re
sur la francophonie organisé par l’Université Saint-Joseph.
Nous retranscrivons ci-après ses souvenirs du temps de l’école et ses réponses aux élèves, généreusement confiées
par vidéo-conférence.
[Groupe de 1 (en 2022) composé de : Laeticia Safi, Mark Saad, Léa Nammour, Adam Kfoury, Souheil Kassis, Céane Hakim, Kelly Hajj, Joe Berri, Cindy
re
Assaf, Riwa Arayssi, Joanne Farajian et Georges Kreidy].
Quel rôle a joué le Collège dans votre vie ? viennent facilement, j’ai beaucoup d’idées de livres que
AM - Je garde de merveilleux souvenirs au Collège où je n’aurais jamais le temps d’écrire. Mais c’est la mise en
j’ai passé 8 ans (de 1958 à 1966). De superbes années forme et le contenu que je travaille particulièrement, le
avec une très belle atmosphère, nous étions jeunes, choix des phrases et des mots, qui sont des éléments
turbulents, mais dans l’ensemble c’étaient de très beaux imbriqués, mais restent quand même différentes.
moments avec des enseignants de qualité. J’ai toujours De plus, étant un grand lecteur, les idées prennent forme
pensé à ces années avec beaucoup de nostalgie. peu à peu, mais le travail d’écriture me prend énormément
Au Collège, on s’est beaucoup familiarisé avec la langue de temps. Je suis quelqu’un qui n’envoie jamais un livre à
française, puisqu’elle était omniprésente à l’école, mais publier avant de l’avoir lu au moins 30 à 40 fois.
ne l’était pas en dehors. Je viens d’une famille où on ne
parlait presque jamais le français. À quel âge avez-vous senti la passion de l’écriture ?
Mes premières lectures n’étaient pas en français, mais AM - J’ai toujours aimé écrire. Mon père écrivait, je l’ai
peu à peu le français est devenu ma langue d’expression toujours vu écrire. Donc l’envie d’écrire a toujours existé.
privilégiée, surtout quand je suis arrivé en France. Au Entre le moment où on a l’envie d’écrire et celui où on
Liban, j’écrivais plus souvent en arabe qu’en français. publie le premier livre, il y a beaucoup de temps qui
Mes matières préférées étaient l’arabe en premier lieu, s’écoule. La vocation de l’écriture venait de mon père.
puis les mathématiques et enfin l’anglais. Mes premiers textes que j’avais envoyés à mon père
J’ai été marqué par plusieurs professeurs, mais j’ai un (qui dirigeait un journal) vers l’âge de 8 ans, n’ont jamais
souvenir particulier d’un professeur d’histoire M. Salles été publiés. Il devait considérer qu’ils n’étaient pas de
qui m’a donné, plus que d’autres, le goût de l’histoire qualité !
(en 2 ou 1 , année 1964-1965). Je pense que c’est à ce J’ai publié mon premier texte dans un journal à 16
re
de
moment-là que l’histoire est devenue ma passion. ans. Ce n’étaient pas des textes de grande valeur, mais
montraient mon intérêt pour des évènements que je
Qu’est-ce que le manque d’inspiration pour un auteur suivais. À la publication de mon premier livre, je devais
comme vous ? avoir 34 ans.
AM - La pratique de l’écriture m’a appris que le plus
important n’est pas tellement l’inspiration. Je n’ai jamais >>>
le symptôme de la page blanche. Le plus important, pour
moi en tout cas, c’est le travail sur le texte. Les idées
Nous du Collège Mars 2024 - N 300 63
o

