Page 81 - Peurs sur la Colline
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et profiter de son calme apaisant. Notre bonheur n’arrivait
cependant pas à rendre les couleurs aux joues de maman. Elle
était angoissée comme à son habitude quand nous étions en
pleine nature. Papa essayait de la rasséréner en lui contant les
histoires des lieux, du Roi Louis XIV qui, à ce qu’on aurait cru,
adorait venir chasser dans les parages. Il faut dire que papa
adorait la nature. Il avait grandi a la campagne, et voulait à tout
prix nous transmettre cet amour. À chaque occasion, il nous
invitait à l’admirer. Et là, les couleurs chaudes qui habillaient la
nature en ce début d’automne étaient une très bonne raison
de le faire…
Après quelques heures de marche dans la forêt qui devenait de
plus en plus sombre, maman devint sérieusement inquiète. Elle
détestait le noir ! Heureusement, une main invisible accrocha
le disque d’argent sur la toile noire du ciel. Il n’y avait aucune
autre source de lumière, pas même le moindre scintillement
d’étoile ! Mais c’était déjà assez pour adoucir l’humeur de ma
mère : dix ans auparavant, papa lui avait fait sa demande en
mariage au bord de la plage, par une nuit de pleine lune.
Arrivés à la clairière qui dessinait un cercle nu, au milieu de
cette forêt touffue, papa décréta que ce serait l’emplacement
de notre campement. Mon frère et moi avions pour mission de
rassembler du bois pour le feu pendant que papa dresserait les
tentes.
Nous déposâmes les buches au milieu du foyer que maman
avait construit. Elle avait déballé tous les ustensiles de
cuisine, les tasses, les assiettes… On aurait dit que la cuisine
entière avait déménagé avec nous ! Papa y mit le feu. Les
buches refusaient de prendre ! Même en ajoutant toutes les
brindilles, cette mission ordinairement banale s’apparentait
à l’impossible ! Papa et maman s’étaient mis à se disputer : À
qui donnerait le meilleur conseil pour allumer le feu… C’était
drôle de les écouter se chamailler pour un truc aussi ridicule !
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