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32 Kaléidoscope scolaire Nous du Collège - N 296 - Mars 2022
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Je me souviens de ma première nuit blanche… Comme chaque dimanche,
après avoir assisté à la messe, je revenais chez moi, prête à entamer une toute
nouvelle semaine. Je dînai, me douchai, me brossai les dents, enfilai mon
pyjama assorti avec mes petits chaussons, et me rendis auprès de ma mère
afin de recevoir son baiser journalier. Pieuse comme je suis, je priai avant
de dormir. Les valeurs que mes parents m’avaient inculquées dès mon plus
jeune âge m’habitaient. Je grandissais. J’apprenais, et surtout je découvrais.
Et si seulement je n’avais pas découvert. Les bras de Morphée attendaient
sagement ma venue. Ils s’impatientèrent longtemps. Pour la toute première
fois de mon existence, une question me traversa l’esprit : « Qu’est-ce que
la mort ? ». Et un enchaînement d’interrogations suivait : « Qui est Dieu ? »,
« Qu’est-ce que la vie ? ». Et la plus poignante : « Quand le jour sera venu
pour mes parents de rendre l’âme, que vais-je bien pouvoir faire ? » Je pleurai
à chaudes larmes. Seule, dans ma chambre, oui je pleurais toutes les larmes
de mon corps. De fines gouttelettes d’eau salée coulaient sur mes joues
rebondies encore épargnées du sort de puberté. Un bouquet de scénarios,
les uns plus sinistres que les autres, venait orchestrer ma peine. Et pourtant,
j’étais heureuse. Je vivais bien. J’étais entourée de gens que j’aimais, et je
n’avais jusque-là, jamais ressenti de vide en moi. Cette nuit-là je ne dormis
pas. Enfouie sous ma couette, je pensais à mon passé, mon avenir. À ce drôle
de jeu qu’est la vie ! À cet homme sur une croix que je glorifiais quelques
heures auparavant sans vraiment savoir pourquoi. À cette vieille personne que
je vois quotidiennement sur le trottoir, tendre la main dans le vide, et pour
qui, seule une minorité des passants prête attention. À chaque inspiration,
j’émettais un léger son, une voix douce, celle d’un enfant.
Le temps presse. Plus que quelques minutes avant la remise de ma copie.
Je dois admettre que ce moment d’écriture m’a fait un grand bien. Je relate
cet événement personnel, enfoui dans mon âme en toute transparence et
sincérité. J’estime que ce n’est qu’à travers ces moments-là de réflexion, seul,
que l’Homme comprend, découvre et apprend, et j’apprends chaque jour à
ne pas sombrer dans cette mélancolie soudaine. Je vis pleinement le présent.
Je savoure les moments vécus. Quant à mon royaume ensorcelé séparé par
la distance, je le préserve, le
garde soigneusement dans
ma mémoire. Je suis fière de
la personne que je suis et je
le dis haut et fort que cette
nuit-là je ne dormis pas en
raison de ma peur pour la
suite. À présent, j’en sors
plus forte. Certaines choses
ne peuvent s’exprimer avec
les mots. Sur ce, je préfère
m’arrêter là…
Marylin Jalbout 3 5
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