Page 45 - Peurs sur la Colline

Le reflet

Andréa Maalouf, Marie-Joe Jahjah - 4 4
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ne petite sonnette tinta quand Sonia ouvrit la porte.
UDerrière le comptoir était assis un homme. Il avait l’air à la
fois jeune et vieux. Son visage était rond et marbré de cicatrices,
ses yeux, d’un bleu profond n’avaient presque pas de cils
comme s’il s’amusait à les arracher. Ils étaient si cernés qu’on
aurait dit qu’il avait des poches sous les yeux. Ses cheveux – du
moins ce qu’il en restait – étaient blonds et bouclés. Ses avant-
bras posés sur la table étaient cachés par de longs gants dont
l’un était tout flasque, comme si… comme s’il n’y avait rien en
dessous que le moignon d’un membre fantôme. Toute la partie
visible de son corps était d’une pâleur mortelle. La peau de ses
biceps pendait lamentablement, comme le vestige pitoyable
d’une musculature disparue. Au niveau de son cou et de son
visage, on distinguait une peau tirée et des os saillants, qui,
avec sa chemise flottant autour de sa poitrine, témoignaient
d’une maigreur squelettique. Elle le salua en hâte et se dirigea
vers le fond de la boutique, honteuse de l’examiner de cette
façon, le regard aimanté, contrôlé par une force macabre qui
l’empêchait de détacher les yeux de son gant flasque. Dans le
fond de la boutique, elle trouva un miroir. Pas un de ces miroirs
sur pieds, ornés de moulures et recouverts de peinture doré
écaillée qu’on trouve d’ordinaire chez les antiquaires. C’était un
miroir bon marché qu’on trouve dans les grandes surfaces. Un
miroir tout en longueur qu’on installe pour se regarder de la
tête aux pieds, sans bordures et tout à fait banal.

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