Page 46 - Peurs sur la Colline
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Peurs sur la colline - classes de 4 e




               Ses pieds étaient cloués sur le parquet poussiéreux, le regard
               fixé sur son reflet qui apparaissait dans le miroir. Ce dernier
               lui ressemblait en tout point, même chevelure ondulée,
               même visage ovale. Cependant il était d’une pâleur maladive,
               les cheveux graisseux, la peau cireuse, les yeux sans vie. Il
               ressemblait à l’homme de l’entrée. Lentement, inexorablement,
               sa main s’est avancée vers le miroir, le reflet avait souri d’un
               sourire horrible, un rictus qui n’était pas le sien. Elle avait la
               main à deux centimètres de la surface, une fascination morbide
               la prenant toute entière quand une voix cassante interrompit
               sa transe :
               - « Si j’étais vous je ne le ferais pas ». Sonia se retourna, l’homme
               de l’entrée était là, dans un fauteuil roulant, ses jambes étaient
               recouvertes d’une couverture élimée, qui laissait voir un genou
               mais qui pendouillait au niveau de l’autre jambe. Il jeta au
               miroir  un  regard  effrayé,  le  regard  d’une  proie  traquée.  Et  il
               s’éloigna en hâte vers l’entrée de la boutique.
               « Quel dégénéré ! se dit-elle, comme si un miroir pouvait
               représenter un quelconque danger ! » Elle le regarda, son
               reflet paraissait à présent tout à fait normal. « Je dois surement
               halluciner ! » continua-t-elle pour se rassurer.

               Elle avança sa main, hésita un peu et toucha le miroir. Mais,
               au lieu de se heurter à la surface lisse du verre, le bout de ses
               doigts s’enfonça légèrement dedans avant qu’elle ne retire sa
               main en hâte. Cependant, elle remarqua avec horreur que le
               miroir lui en avait avalé le bout. Elle secoua la main, d’abord
               doucement, puis si violement qu’elle en eut mal. Elle faillit se
               mettre à pleurer quand elle se dit que ce n’était pas vraiment le
               meilleur endroit pour le faire. Elle mit alors ses mains dans ses
               poches et s’en alla sous le regard inquiétant du vendeur.

               Arrivée chez elle, elle noya sa main sous des litres d’eau, la
               frotta jusqu’à qu’elle devienne rouge, mais ses doigts gardaient
               le même aspect. Le premier tiers de son majeur et le bout de
               l’annulaire  avaient  disparu.  Lorsqu’elle  touchait  les  espaces

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