Page 52 - Peurs sur la Colline
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Peurs sur la colline - classes de 4 e




               Son sourire habillait tous les murs, se reflétait dans toutes
               les glaces… Mais c’était surtout autour du piano que Karl
               sentait le plus sa présence. Elle était là ! Assise sur la banquette
               rouge, le coude posé sur le bord du piano, dans cette posture
               nonchalante qu’elle adoptait quand elle se laissait aller… et
               elle souriait, fredonnant ses airs favoris…

               C’était bien plus que ce que le cœur brisé de l’affligé ne pouvait
               supporter.
               Cette situation le rendait fou… Et c’est dans cet état que
               Christian le retrouva.
               Karl était tiraillé entre le plaisir, éphémère, qu’il tirait de cette
               présence factice et la frustration qui le torturait, chaque fois
               que la réalité le giflait, le ramenant au moment présent…
               Rongé par le désespoir, le jeune musicien décida de ne plus
               jamais toucher au piano. Il lui rappelait trop son amour perdu.
               Il décida donc de le ranger dans un coin de la cave. Il fit part de
               son projet à Christian, lui demandant son aide. L’ami n’hésita
               pas une seconde, bien qu’il ne crût pas trop à cette histoire
               biscornue : comment se faisait-il que lui n’entendait rien ?
               Mais, en bon ami qu’il était, il respectait la douleur de Karl. Et
               sans poser plus de questions, il l’aida un soir à déplacer son
               cauchemar.

               Mais une nuit, la veille de l’anniversaire de leur rencontre, les
               notes d’un piano reprirent, arrachant Karl à son sommeil. C’était
               la mélodie préférée d’Estelle qui résonnait dans la maison. Un
               frisson glacial ébranla ses nerfs. Il resta un moment immobile
               dans son lit. Puis se décida. Il se leva donc. La mélodie devenait
               plus insistante. Il prit les escaliers. La musique s’arrêta.  Lui aussi.
               Il crut que c’était le fruit de son imagination et remonta donc
               dans sa chambre. Mais la musique reprit. Que se passait-il ? Un
               frisson le parcourut.  Il se dit que c’était certainement son désir
               fou de voir Estelle, ne serait-ce qu’une seule fois. Ne serait-ce
               que ce soir-là en particulier, qui fit qu’il crut entendre toute
               cette musique. La nostalgie. Et pourtant, le frisson persistait…

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