CSCS : « Flânerie à Beyrouth » (27/10/2010)

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[Album photos]

Flânerie à travers le Liban
au Centre Sportif, Culturel et Social
Le mercredi 27 octobre 2010

« Beyrouth, la ville éternelle ». Ici l’image est certes hyperbolique mais elle traduit de façon poétique l’indéniable pérennité historique de Beyrouth.

Au cours de ces dernières décennies, Beyrouth a certainement été l’unique ville et capitale, qui, dans le monde, a opéré, coordonné et réalisé le mouvement vital de sa résurgence urbaine et sociale. En effet, il lui fallait définitivement effacer les marques de la tragique fracture qui l’avait blessée. Et cela fut accompli avec efficacité. Le gigantesque chantier de sa rénovation était à la mesure de son espoir de vie et de paix.

« Éternelle », Beyrouth le fut dans cette énergie créatrice qui lui permit de mener à leur fin trois objectifs complémentaires :

  • conserver et mettre en valeur les vestiges de son histoire exhumés lors des fouilles de sites jamais explorés jusqu’alors ;
  • préserver le caractère typique de quartiers traditionnels restaurés qui avaient fait le charme de la ville ;
  • mais aussi créer, grâce à cette unique opportunité, une métropole menue, édifiée sans rupture avec son environnement urbain, antique et traditionnel. Beyrouth « éternelle » avec ses siècles passés mais résolument installée dans son nouveau siècle actuel. Ses espaces préservés et ses ensembles architecturaux ouverts sur l’avenir en sont les témoins.

Les « anciens » qui ont connu et aimé Beyrouth et son centre ville goûtent aujourd’hui, avec joie et fierté, la métamorphose de leur ville. Et ce ne sont pas les jeunes marathoniens qui font de leur ville la piste de leurs exploits qui les démentiront.

Mais revenons à notre ordre du jour. Ce préambule, inspiré par cette flânerie, voulait introduire la « flânerie à travers le Liban », qui, en ce mercredi 27 octobre, était consacrée à Beyrouth, « la ville éternelle ».

Pour rompre avec les rites, commençons par savourer la fraîche limonade beyrouthine qui est une invitation à nous tourner vers les expositions.

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? » soupirait le poète. Or les « Objets » uniques étaient là, témoins émouvants, offerts à notre curiosité admirative. Mais laissons les concepteurs nous les présenter :

[Beyt] : …  parce que les objets sont plus beaux quand ils ont du sens.

Deux collections annuelles d’objets uniques revisités par l’audace d’un design contemporain : les plus belles pièces proviennent des balcons et portes centenaires des maisons du Levant. Ces objets authentiques dont la patine est soigneusement préservée se transforment en lampes, bougeoirs et tables… Se laisser séduire par une création [Beyt], c’est aussi devenir solidaire d’un commerce équilibré qui réintègre dans le circuit du travail une population marginalisée et défavorisée. « Désormais, rêvez… vous êtes dans le monde des arabesques et des ombres magiques de l’Orient. » ([Beyt] by 2B design)

« …restore the unseen beauty of the broken »: penchons-nous sur ces quelques-uns de ces « objets uniques », recréés après avoir été des épaves d’un monde perdu.

… Lampe SOUPIRAIL, extraite de la base d’un soupirail circulaire ornant la porte d’immeuble. (4)
… Lampe MANDALOUN au motif traditionnel des balcons du XIXe siècle de Gemmayzé. (5-6)
… Lampadaire MASKE, élément ancien de fermeture des fenêtres des villas élégantes.
… Lampe MAIZANE, élément d’un ancien soupirail. Volutes forgées à la main.
… Table AMIRACHAB, en bois de genévrier et fer forgé, typique des portes anciennes ; milieu de XIXe siècle.

Avec leur dignité et leur élégante beauté, ces « objets uniques » accompagnent l’exposition de photos de Madame Hoda KASSATLY. Dans la galerie, objets et photos forment un ensemble saisissant. On retrouve dans certaines de ces photos des éléments décoratifs, de fer ou de bois, qui sont présents sur ces vues de Beyrouth.

« Beyrouth, une iconographie absente » : Beyrouth vue à l’état brut, sans recherche, sans sophistication.

  • Ce perroquet perché derrière une fenêtre : appel indirect à faire silence. (1)
  • Le vieil homme au bonnet, seul, préparant soigneusement son bouquet, couleurs sur fond décrépi. (5)
  • Pour quelle fête s’aère ce tapis rouge de salon suspendu devant une façade écorchée ? (7)
  • Salon dévasté aux arcades blessées : quel bonheur a-t-il abrité ? (8)
  • Lumineuse façade aux mandalouns de dentelle : quelle joie se cache encore derrière ces rideaux ? (10)
  • Reproche muet que cette façade et cette toiture meurtries par la folie. (12)
  • Espérance que ce balcon aux fenêtres en arcades bleutées : quelle vie nécessite une telle lessive ? (22)

Et pour clore ce parcours, considérons ensemble la photo de ce salon où la lumière pénètre par ses fenêtres détruites (16) et cette demi-volute en bois d’une arche de salon exposée sous la photo. ([Beyt], 20) : c’est toujours le même décor, vu et recréé.

Quelques jeunes talents jamhouriens exposaient aussi leurs premières œuvres. Ces élèves de Terminale ont déjà le coup d’œil professionnel. Sarah EID reçut le prix pour sa photo : « Rue Weygand ».

Après cette plongée dans un univers onirique, une autre vision de Beyrouth nous était préparée : une conférence à 4 voix sur quatre aspects de l’histoire ancienne et moderne de Beyrouth.

Monsieur Assaad SEIF, archéologue de la DGA, combla l’attente des passionnés de l’histoire antique de leur ville (et ils sont nombreux !). En retraçant pour nous « l’histoire de Beyrouth à travers les fouilles », il nous mit au courant des récentes découvertes. La Beyrouth antique avec son cardo maximus, ses hypogées, ses nécropoles, ses murailles et ses thermes émergeait de ces fouilles pour nous apparaître dans sa fonctionnelle unité.

Madame Tania HADJITHOMAS MEHANNA exposa le thème de son livre “Beyrouth by day” (Éditions Tamyras). Escortée par son photographe Ghadi SMAT, elle s’est passionnée pour les quartiers de Beyrouth : l’originalité de chacun, leurs différences mais aussi leur situation actuelle avec le dilemme des habitants : restaurer et habiter ou vendre et quitter. Le quartier et sa vie, c’est d’abord un patrimoine humain. Nostalgie !

Prenant la suite, Monsieur Serge YAZIGI, architecte urbaniste, se fit le chantre et l’avocat d’un quartier typiquement beyrouthin : « Zakak el Blat, passé, présent, futur ». Ce quartier résume à lui seul la problématique de Beyrouth. Au siècle passé, il a été le centre urbain, racial et culturel de la ville. Les palais et les demeures bourgeoises s’y côtoyaient. Les écoles des communautés et les missions s’y installent. C’est aussi un foyer de la renaissance culturelle grâce aux imprimeries. Les ruraux investissent le quartier. La fragmentation communautaire et l’émigration s’accentuent avec les guerres civiles. Beaucoup de bâtisses bourgeoises ont été détruites, sur leur emplacement des tours s’élèvent. Le quartier perd son visage typique : Zakak el Blat le retrouvera-t-il un jour ?

Mais peut-on évoquer Beyrouth sans citer l’artisan de sa renaissance : la société Solidère ? Ainsi Monsieur Mounir DOUEÏDY, directeur général de Solidère, apporta une conclusion remarquée à ces conférences : « Beyrouth centre ville, promenade et découvertes ».
Il énonça ce qui est la charte de son projet, dont voici quelques points :

  • Respect de l’esprit des lieux.
  • Préservation du cœur historique de la capitale et de son patrimoine archéologique et architectural.
  • Conception et construction d’un espace urbain de qualité avec des infrastructures modernes, des espaces publics paysagés, des jardins et des aires piétonnes.
  • L’assurance des services vitaux pour une capitale moderne du XXIe siècle…

Au vu de ce centre ville en plein essor, s’ajoute le plan des 40 étapes du Parcours du patrimoine réparties entre les sites archéologiques, bâtiments historiques, lieux de culte. Un vrai marathon de la culture ! Le conférencier a bien raison de conclure que désormais le centre ville est le plus attractif du Moyen-Orient. Du « cardo maximus » mis à jour aux nouveaux Souks de Beyrouth, nous y mesurons « l’éternité » de Beyrouth.

Mais l’heure de vérité avait sonné. Après tant de concentration intellectuelle à laquelle se mêlaient la nostalgie, l’émotion et la franche admiration, une évidence s’imposait : voir Beyrouth… et se nourrir.

Aux tables circulaires, baptisées d’un nom de quartier de Beyrouth, ces éternels gourmets que sont ses habitants se sont reconnus dans le menu qui leur était offert. Pour cette occasion, point d’exotisme culinaire, mais de l’authentique cuisine du terroir libanais. La table du buffet était devenue la dernière exposition de la soirée. Les mets dans leurs couleurs et leurs arômes chantaient la gloire (éternelle !) des ces générations de cuisinières qui, de mères en filles, de la montagne à la ville, se sont transmis ces recettes comme un héritage de famille. Tout le fin du fin gastronomique beyrouthin était au menu. Il n’est point nécessaire de citer chaque plat, mais saluons pour l’honneur ces grands classiques que sont la sayadieh, la kebbét samak, la moghrabieh et, bien sûr, la tournante chawarma et les traditionnelles douceurs. Le robuste « Château Kefraya » conférait à ce menu un sceau d’authenticité libanaise, confirmant les choix et la compétence de l’Académie Libanaise de Gastronomie.

Beyrouth, la ville éternelle ! En cette flânerie d’un soir, nous venions de vivre quelques heures de l’éternité de Beyrouth.

Père Bruno PIN
NDJ

 

Programme :

19h00 : Beyrouth en 360 degrés

19h30 : Exposition de photos

« Beyrouth, une iconographie absente » - Hoda Kassatly
« Regard sur Beyrouth » - Élèves de Terminale
Exposition d’objets uniques
« Restore the unseen beauty of the broken » - [beyt] by 2b design

Hall d’accueil, Espace Samir Mokbel et Galerie du patrimoine, Espace Béchara Nehmé

20h : Conférence à 4 voix

« L’histoire de Beyrouth à travers les fouilles » - Assaad Seif, Archéologue, DGA
« Beirut by day » - Tania Hadjithomas Mehanna, directrice des éditions Tamyras
« Zokak el Blat : passé, présent, futur » - Serge Yazigi, Architecte urbaniste
« Beyrouth Centre-ville : promenade et découvertes » - Mounir Doueïdy, directeur général de Solidere

Salle de conférences, Espace Naoum Khattar

20h30 : Dîner gastronomique en collaboration avec l’Académie Libanaise de la Gastronomie

Salle de réception Michel Eddé