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Flâneries à travers le Liban
Flânerie au Mont-Liban
« Flânerie au Mont-Liban » : c’était le programme prometteur de cette quatrième Flânerie qui visait à entraîner ses fidèles participants à la conquête culturelle de cette région.
A la fin de cette belle soirée du 16 mars 2011, ceux qui s’imaginaient tout connaître à propos du Mont-Liban, reconnaissaient avec enthousiasme qu’ils avaient découvert, avec un regard neuf, la richesse et la particularité de cette partie du Liban.
« Le Mont-Liban » : pour en comprendre l’histoire, le rôle et le caractère spécifique, il est fondamental de le considérer sous les deux aspects de son unité. Il est « Mont » et il est « Liban ». La majestueuse élévation de son territoire si largement étendu l’impose comme centre du Pays. De sa bande côtière jusqu’à ses sommets verdoyants ou enneigés, le Mont-Liban apparaît comme la synthèse de tout ce qui constitue la réalité du Liban.
En effet ici la géographie des lieux a servi de foyer créateur à une histoire millénaire. Sur sa côte maritime et sur ses flancs montagneux s’est forgé et développé le caractère créateur, commerçant, culturel et civique de ses habitants. Dans ce cadre unique de la nature, le travail et la pensée de l’homme se sont étroitement associés pour faire du Mont-Liban le lieu fondateur où a commencé à battre, et où bat toujours, le cœur du Liban. Mont-Liban lieu rendu sacré et saint de la rencontre de le Terre et des Hommes, de la Nature et du Génie, du Rocher et de la Mystique : ici s’est édifiée la personnalité d’une Nation.
Aussi qui mieux que les peintres et les poètes pouvaient faire saisir ce qu’est l’esprit du Mont-Liban ? Et c’est justement à cette démarche que nous invitait ce soir-là Mme Joumana Hobeïka. « Nous avons essayé à travers cette flânerie au Mont-Liban, de vous faire revivre cette impression de surprise à la vue du vert sombre des plis veloutés du Metn, à la vue du dos rond et jaunâtre des pierres vénitiennes de Jbeil, cette surprise à la vue de la couleur ocre de ce village qui somnole dans le creux de la vallée de Baabda ou celle de ces sillons abusés où roule une écume blanche tout au long de la côte de Jounieh ou cette surprise quant à la vie de cette pléiade de constructions autour de la saha de Deir el Qamar. »
C’est dans cette ambiance que la « Ballade picturale à travers les paysages du Mont-Liban » ne se confondait pas avec une muette exposition de tableaux. Elle se transformait au contraire en une démarche personnelle, avisée, curieuse pour acquérir une vision personnalisée du Mont-Liban.
C’était bien ce que voulait faire ressentir aux flâneurs « Agial Art Gallery » à qui nous devions la sélection des œuvres de peintres libanais exposées.
A ce propos, il convient de souligner un fait important : le rôle unique qu’assume le C.S.C.S. pour organiser à rythmes réguliers des expositions picturales. En effet, quelle autre institution culturelle peut se permettre d’offrir cinq fois par an un tel choix de peintres célèbres ou de jeunes talents ? Jouant le rôle de Musée ou de Salon, le C.S.C.S. perpétue la grande tradition des expositions artistiques ouvertes, s’associant à des Galeries des plus réputées ou à des collectionneurs privés pour présenter les trésors d’un patrimoine artistique souvent peu connu, réservé à quelques privilégiés. Il était temps que la Peinture au Liban retrouve la place qui lui revient et c’est justement tout à l’honneur du C.S.C.S. de lui offrir cette place sur ses cimaises.
Les 34 peintures exposées nous entraînent ici dans une ballade vouée à la vision de ce Mont-Liban tel que ces peintres l’ont vu et saisi dans sa somptueuse beauté. Chacun de ces artistes, selon son style, a aimé un aspect de cette région. De la côte aux sommets, à travers villages et vallées, le Mont-Liban nous apparaît dans sa splendeur : le Sannine, le Chouf, Bayssour, Maasser, l’Iqlim, Aley … Jounieh, Faqra, Faraya, Yarzé, Beit-Méry ; Dhour Choueir … et d’autres lieux dévoilés dans leur discrète beauté. Ces œuvres brassent une fresque détaillée de sites et de paysages certes connus mais mis en lumière par le talent de l’artiste.
Quelle œuvre faut-il ici privilégier ? On hésite ; chaque œuvre est unique ; les styles se succèdent : classique, impressionniste, naïf … Ainsi peut-on comparer la pinède de Yarzé (Rima Amyuni) et cette route bordée de pins de Dhour Choueir (Toufic Tarek) ? Ici, laissons-nous envoûter par l’impressionnisme lumineux (Stelio Scamanga) et là, le regard nous élève vers la montagne mariale Jounieh (Joumana Husseini). Dans la plus pure tradition des paysages classiques libanais, on ne peut qu’apprécier formes et couleurs de Aley Wifak Khalidi), Faraya (Omar Ounsi), Faqra (Moustapha Farroukh). Dans le style « naïf » si réaliste, on goûte le charme de ce café typique au bord de l’eau (Khalil Zgaib) et cette vision calme de ce pique-nique familial à Amchit (John Samuel). Aley (Aref Rayess) flamboie dans ses rouges du couchant ; les verts entrelacés tissent un espace où éclatent les teintes (Aram Jughian). Chaque peintre exposé a créé une parcelle expressive du Mont-Liban.
Mais la beauté de ce panorama décrite par le pinceau visionnaire de ces artistes nous pose une troublante question. Ces peintres seront-ils les ultimes témoins d’un environnement harmonieux et préservé où la Nature du Mont-Liban restera l’écrin respecté des entreprises des hommes ?
Après les peintres, d’autres témoins vinrent prendre le relais pour nous faire parcourir quelques étapes de l’histoire du Mont-Liban. Gardiens vigilants du patrimoine, chercheurs fiers de leur terroir, ils étaient quatre au rendez-vous de l’Histoire, guides indispensables de cette Flânerie.
Comme il se doit, l’Antiquité était la première étape de cette conférence. Mme Tania Zaven, archéologue responsable du Mont-Liban Nord et de Batroun allait étonner l’auditoire en faisant le point sur les découvertes archéologiques récentes à Byblos et à Batroun. Nous pensions que tout avait été dit et découvert sur ces sites prestigieux. Les gros engins de chantier se transforment parfois en auxiliaires imprévus des archéologues. Ainsi à l’occasion de travaux d’infrastructure urbaine et de creusement de fondations immobilières de nouveaux sites ont été mis à jour, tout de suite pris en charge par les services archéologiques.
A Jbeil même, en pleine rue, un ensemble de mosaïques avec des inscriptions grecques a été dégagé au fond de tranchées. Après examen, les archéologues ont confirmés la mise à jour des restes d’une basilique byzantine du Ive siècle : précieux témoignage de la présence chrétienne à Jbeil. Sur un autre chantier, c’est toute une nécropole romaine qui a été dégagée, livrant des tombeaux taillés dans le rocher et des cercueils en terre, le tout daté du IIIe siècle. Mme Zaven montra ces images saisissantes : les énormes engins d’acier immobilisés près de ces fragiles vestiges. C’est tout le symbole du travail, du combat plutôt, des archéologues libanais. Un autre site a livré un hypogée romano-byzantin avec ses salles et ses loculi creusés dans le rocher ; encore ds vestiges des IIIe et IVe siècles.
Byblos n’en finit pas de livrer ses richesses archéologiques dont les archéologues sont les heureux et vigilants gardiens. Le Mont-Liban c’est d’abord l’Histoire qui resurgit de la terre comme une intemporelle leçon.
Qui mieux que Mr Hareth Boustany, professeur d’histoire ancienne à l’université libanaise, pouvait piloter l’auditoire dans un survol historique de Deir el Qamar et de Byblos ? Pour cette dernière ville, il n’est pas inutile de rappeler encore que la cité est considérée comme étant la plus ancienne ville du monde remontant au 7e millénaire avant J.C. Elle fut une installation de peuplades cananéennes qui à cause de leurs activités maritimes seront dénommés « phéniciens ». Sur ce sol, les époques, les civilisations se sont succédé, chacune laissant son empreinte dont l’alphabet phénicien gravé sur un sarcophage royal reste le plus prestigieux souvenir. On ne peut pas parler de Byblos sans citer Renan (1860) qui fut le père de l’archéologie de ce site.
Deir el Qamar fut fondée au 1er millénaire avant J.C. Lieu de halte et d’installation de groupes humains à cause de sa source. Elle sera la ville princière des émirs Maan, fière de ses palais mais aussi sanctifiée par ses martyrs.
Sous l’emblème héraldique du lion de la famille Abillama, notre cher Président, l’Emir Samir Abillama retrace la route familiale du territoire seigneurial de la famille. Ici, au Metn, ce sont les nobles demeures des émirs Abillama qui proclament une histoire qui se confond avec celle du Liban au long des XVIIe et XVIIIe siècles. Refaisons ce parcours historique jalonné de demeures nobles et de palais : Beit-Méry, ou la maison du maître ; Broumana, maison du dieu de la tempête et de la pluie ; Salima, Bikfaya, Mtein… Tous ces palais révèlent des trésors architecturaux typiques ; ils appartiennent au patrimoine du Liban.
Il revenait enfin à un enfant du pays de se faire l’historien de sa ville, berceau de sa famille. Me Nabil Mallat fut ce soir l’éloquent érudit et le chantre de Baabda. D’une formule succincte, il exprime tout : « Baabda à la croisée des chemins, à la croisée du Liban. » Il nous apprend qu’on a retrouvé des vestiges remontant à l’antiquité romaine dans des carrières. Mais c’est au 18e siècle que Baabda va connaître sa gloire et jouer un rôle historique : deuxième capitale des émirs Chéhab, la ville deviendra ensuite le chef-lieu du Moutassarifiya au 19e siècle, puis la capitale du Mont-Liban en 1875 et enfin le siège administratif du Mohafazat du Mont-Liban.
Mais la réputation de Baabda n’est pas due qu’à son seul rôle historique. Ce sont ses habitants qui par leur caractère et leur personnalité, en font reconnaître le prestige. Ne sont-ils pas connus pour être honnêtes, courageux, conciliants ? Ils brillent dans les lettres, le journalisme. La région de Baabda compte de nombreux établissements scolaires réputés, dont Jamhour n’est pas le moindre. Ce sont ces traits de caractère façonnés par l’histoire de la ville et pas l’éducation que l’on retrouve chez les représentants des vieilles familles de cette cité.
La Compagnie de Jésus a aussi marqué de son sceau IHS cette grande région. Le R.P. Sion nous en rappelle les grandes étapes : Avec l’ancienne compagnie (1687) ce fut la mission et le séminaire à Aintoura jusqu’à la suppression de 1773. Avec le retour des Pères en 1814, les Pères s’implantent à Aïn Traz, puis à Bikfaya où ils sont reçus par l’émir Abillama (1833). Le couvent devient un sanctuaire marial où sera célébré pour la première fois au Liban (1837) le Mois de Marie. Ghazir, comme séminaire, est le heut-lieu de la présence de la Compagnie avant la descente à Beyrouth. Il faut aussi mentionner la mission à Deir el Qamar, l’imprimerie catholique à Araya. Pendant ces siècles de présence missionnaire que de Pères ont silloné les routes et les chemins du Mont-Liban, prêchant, éduquant, fondant des congrégations, des écoles … Le Mont-Liban fait aussi partie de l’histoire de la Compagnie de Jésus.
Le logo de l’Académie libanaise de la gastronomie, le mortier culinaire et son pilon ont attiré notre attention. Ces deux instruments indispensables de la cuisine libanaise ont une origine fort ancienne. Et ce symbole prête à réflexion : la cuisine typique du terroir libanais dont celle du Mont-Liban, aurait-elle des origines cananéennes ? Les ingrédients pilés ou concassés forment la base de la cuisine locale : ils sont naturels et traités naturellement, présents dans toutes les recettes. Certainement des chercheurs se sont penchés sur les origines de la cuisine au Liban. En attendant de connaître l’avis des archéologues en gastronomie, penchons-nous plutôt sur la vaste table du buffet offert à notre gourmandise impatiente.
Le buffet compose une carte du Mont-Liban, carte où s’harmonisent les couleurs le plus fraîches et les plus attrayantes. Pour en garder toute l’originalité, nous conserverons la dénomination donnée des mets locaux :
C’était un menu grace auquel chaque invite se sentait bien “chez soi”, dans son environnement et son patrimoine. Ce mortier symbolique évoque la transmission continue d’un savoir-faire culinaire préservé et affiné.
Et pour ne pas déparer à cette plongée dans l’authentique Liban gastronomique, le Musar rouge et blanc consacrait la libanité de cet héritage toujours goûté.
Cette belle région du Liban est tellement chère à tous les libanais qui en sont issus, qu’il leur arrive de commettre à son égard une confusion révélatrice. Ils écrivent et lisent « Mont-Liban » mais avec le cœur, ils pensent aussitôt « Mon Liban ». Cette formule se prête bien à une si aimable confusion.
Après cette Flânerie qui fut un retour aux sources, enchantés, vous devinerez sans peine lequel des ces deux homonymes les Flâneurs avaient choisi ce soir-là.
P. Bruno Pin
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Au programme
- « Découvertes archéologiques récentes à Byblos et à Batroun» par Mme Tania Zaven, archéologue responsable du Mont-Liban Nord et de Batroun.
- « Survol historique de Deir el Qamar et Byblos » par Dr Hareth Boustany, professeur d’histoire ancienne et d’archéologie à l’Université Libanaise.
- « Randonnée au Metn à travers les palais des Emirs » par l’Emir Samir Abillama, Président du Comité Directeur.
- « Baabda dans l’histoire du Liban» par Me Nabil Mallat,avocat à la cour.
Salle de conférences, Espace Naoum Khattar
Frais de participation : 100,000L.L.
Pour vos réservations et informations, appelez le 05-924002 avant le 11 mars 2011
Sponsors
Banque BEMO
L’Orient-Le Jour, Femme Magazine, Hebdo Magazine, Noun
Château Musar, Académie Libanaise de la Gastronomie
Fondation Georges N. Frem