CSCS : Flânerie en Musique (03/11/2011)

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« Flânerie en musique » ou bien la Musique en flânant ?

Le choix était laissé libre selon notre conception en ce jeudi 3 novembre 2011 pour apprécier la première Flânerie du calendrier culturel.

Or, sur ce thème d’apparence classique, le programme annoncé offrait une savante combinaison de propositions dont l’objectif unique était la Musique saisie par nos sens curieux en tous ses états.

D’ailleurs, l’illustration du carton d’invitation « Trio » jouait sur deux tableaux : le thème en était des musiciens en plein jeu mais les formes et les couleurs de l’aquarelle de Max Goulaud constituaient une invitation à se laisser entraîner dans le rythme de la Musique pour combler notre appétit culturel.

L’Institut français du Liban, étroitement associé à cette manifestation, avait eu la géniale, et généreuse, idée de nous surprendre en élevant un porche pour nous faire pénétrer dans l’esprit de la culture. Les deux piliers en étaient les murs de la Galerie du Patrimoine qui servaient de réceptacle à une exposition de choix : L’art contemporain dans les collections de l’Institut Français du Liban.

Effet paradoxal : c’est par la peinture que nous allions, les sens esthétiques en éveil, nous approcher de la Musique.

Les réserves de l’Institut français n’ont pas la prétention de se comparer à celles du Louvre, mais la qualité artistique des œuvres exposées pouvait rivaliser avec celle des meilleures galeries.

Les couleurs, les formes, les effets composaient une symphonie visuelle où chaque œuvre tenait sa partition. Chaque œuvre était plus qu’une composition picturale ; en y prêtant attention, nous pouvions percer l’intention créatrice du peintre : ses rêves, son message, sa quête existentielle, son questionnement…

L’œuvre chantait l’âme de l’artiste. Il restait injuste de ne pas les citer tous car chacun participait à la beauté recherchée en cette soirée. Hommage donc à : Paul WAKIM, Charbel AOUN, Marwan RECHMAOUI, Jinane MAKKI BACCHO, Imad FAKHRY, Nabil MAKAREM, Ghassan GHAZAL, Charles KHOURY, Caroline PIROTTE, Elie BOURGELY, Raouf RIFAÏ, Youssef AOUN, Paul GUIRAGOSSIAN, Jana EID, Rima SAAB, Azza HUSSEIN, Ali KAYS et Morazo GAJAN.

En adoptant le pas tranquille de l’esthète en quête du Beau, nous avons pu faire ce tour de la Galerie qui, ayant aiguisé nos sens, nous conduisait à l’autre partie de la soirée.

La première conférence fut assurée par le Dr Thierry Bernardeau qui nous fut présenté par Monsieur Lechevallier, Conseil culturel. Le Docteur Bernardeau ne porte pas un titre de doctorat en musicologie. Homme de l’Art et d’Art, il allie deux passions et deux compétences : la radiologie médicale et la musique. Il est aussi animateur d’émissions de radio sur la musique et auteur d’une B.D. sur l’Histoire de la Musique.

En cette soirée, nous avons découvert et apprécié sa science. Il s’est révélé comme une encyclopédie de la Musique dont il retrace l’Histoire. Et, ô merveille, ce qui aurait pu devenir un sujet trop savant pour les profanes, s’est transformé en passionnante relecture de l’Histoire de l’Humanité en suivant l’évolution de la Musique.

Chaque époque a son influence sur la Musique. Apparue dans l’Antiquité, on en suit la trace à travers des fresques ou par l’archéologie. Mais pour elle, c’est la grande aventure qui commence avec l’ère chrétienne (la christianisation de la musique), puis vient la grande aventure du Moyen-Âge, illustrée par le grégorien, L’Ars Nova, l’École de Notre-Dame de Paris. La Renaissance et ses grands remaniements culturels fait apparaître le chant : religieux, choral, poétique.

De grands noms s’imposent : Palestrina, Hassler, Byrd. Alors une nouvelle musique naît à la charnière de deux époques. C’est l’ère de la musique princière, celle des cours européennes d’Allemagne, d’Italie ; floraisons de maîtres : Bach, Haendel…

La Révolution française par son courant ouvre une nouvelle conception : Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert…

Succède alors la période romantique où triomphe l’opéra : Cherubini, Bellini, Rossini, Donizetti. Mais le temps des romantismes culmine avec Berlioz, Chopin, Mendelssohn, Schumann…

Le XXe siècle est le temps de recherches plus nationales : le groupe des Cinq en Russie, dont Moussorgski, Rimski-Korsakov... Dans l’Europe divisée par le conflit émergent ces noms qui dépassent le chaos : Wagner, Wolf, Mahler, Strauss…

La France se veut aussi créatrice et innovatrice : Debussy, Francis Poulenc, Milhaud, Ravel, Roussel…

Et aujourd’hui ?

« Proposer une synthèse de la musique d’aujourd’hui est utopique ; plus de 200 noms de compositeurs prennent place dans la musique contemporaine ». C’est un « labyrinthe » où l’on distingue quelques précurseurs : Varese, Jolivet, Messiaen, Stockhausen, Boulez…

Et maintenant ?

Justement c’est au Liban d’y répondre et un ouvrage tout récent fait le point sur la musique au Liban. Une œuvre culturelle nécessaire. Les compositeurs libanais du XXe et XXIe siècles. L’ouvrage nous est présenté par ses deux auteurs, Mme Zeina Saleh Kayali et M. Vincent Rouquès. Grâce à ce travail, tous les connaisseurs et passionnés de la Musique au Liban disposent d’une référence indispensable. Cet ouvrage est la preuve du génie musical des Libanais.

Usant de son titre d’hôte, le P. Bruno Sion réussit avec succès à présenter la Musique et les Jésuites. Avec leur réalisme ignatien, les Bons Pères n’ont pas voulu la Musique en soi, mais ils l’ont créée et employée comme instrument d’apostolat missionnaire.

La meilleure illustration est certainement la musique « missionnaire » du P. Zipoli qui créa de nombreux oratorios pour les missions des Indiens guaranis des Réductions du Paraguay. Ce fut d’ailleurs un sujet mis en valeur lors de l’exposition de la Semaine Jésuite au Collège. Ce qui amena un élève de 8e à s’inquiéter pour savoir si les choristes guaranis portaient un pagne !

Monsieur Denis Pietton, Ambassadeur de France au Liban, conclut avec cordialité cette partie de la soirée, en remerciant le Centre Sportif, Culturel et Social et Mme Joumana Hobeika pour la « jouvence » qu’elle entretient avec efficacité dans l’action culturelle du Centre.

Mais la partie n’était point close. Les esprits avaient été éveillés à la Musique : son histoire, ses noms glorieux, ses courants… Mais tous attendaient que la Musique se fasse action. C’était le moment attendu de l’intervention musicale, ultime volet de cette soirée thématique si bien ordonnée.
Deux vedettes étaient à la hauteur de notre attente si bien préparée : Mlle Nadine Nassar, soprano et Mme Tatiana Primak Khoury, pianiste.

En duo, parfaitement accordé, les deux artistes métamorphosèrent la Flânerie en Balade musicale par la voix sublime et le jeu magistral. La Flânerie en musique atteignait alors son apogée ; elle devenait fête qui ravissait l’esprit.

Mais puisqu’il nous fallait encore flâner en musique, l’assemblée se dirigea vers une autre salle où l’attendait un concert d’un autre genre.

Composition somptueuse née des talents de l’Hôtel Albergo, placé sous la direction du maestro IXSIR, le Menu gastronomico-musical nous fut joué en quatre mouvements. En allegro léger et frais, « La Cacophonie du Jardin » fut une ouverture adaptée qui s’enchaîna avec un tempo bien construit, aux sonorités ascendantes et marines : « L’Opéra du Fond Marin ». Mais le rythme prit de l’ampleur, porté par « le Ténor des prés en tenue de Scène ». Le mouvement se fit plus lent, plus doux, plus poétique pour cette « Sérénade sucrée » qui méritait maints rappels.

Grâce au Centre Sportif, Culturel et Social, le verbe « Flâner » a élargi son champ lexical avec une série inattendue de synonymes. Flâner, et son substantif, recouvre désormais tous ces sens : s’émerveiller, admirer, s’enrichir, se cultiver, déguster, savourer, ressentir des émotions, communiquer ses sentiments, s’ouvrir à la culture… La liste n’est point close. D’autres Flâneries nous permettront de l’enrichir.

En conclusion de cette soirée, nous emprunterons à Alphonse de Lamartine, vrai orientaliste marqué par le Liban, cette citation : « La Musique est la littérature du cœur ; elle commence là où finit la parole ».

N’est-ce pas ce que nous avons ressenti en cette Flânerie ?

Père Bruno PIN
NDJ