À l’initiative de L’Orient-Le jour qui a lancé un appel aux lycéens du Liban pour rédiger une lettre au Saint-Père, plusieurs élèves du Collège se sont essayés à cette correspondance. S’adresser au pape n’est pas un exercice facile… il exige de la rigueur, de la profondeur et de la sincérité.
Des dizaines de lettres ont été envoyées par les établissements scolaires à l’OLJ qui en a sélectionné cinq. Celle rédigée conjointement par nos élèves en 2de1, Alex Bou Nassif et Jad Khayat, a été retenue et publiée dans le numéro du 29 novembre 2025.
Le Liban et son peuple
Alex Bou Nassif et Jad Khayat 2de1
Et si le Liban pouvait parler ? Et s’il pouvait exprimer son désespoir, sa haine, sa douleur ? Qu’aurait-il dit ? Qui devrait-il blâmer ? Sur qui rejetterait-il la faute ?
Le Liban souffre d’un deuil inapaisable et d’une tristesse inouïe. Cette souffrance est ainsi une partie de nous, son peuple. Elle entre dans nos maisons, elle s’assoit à nos tables, perdure dans nos vies, et pénètre dans nos cœurs. Cette peine prend vie et nous hante jour et nuit. On ne peut s’en détacher, la négliger, ou l’ignorer… Les bombardements interminables, les nuits d’angoisse, les chagrins et les pleurs, ne doivent pas être oubliés. Ils resteront pour nous, le peuple du Liban, gravés dans le plus profond de nos cœurs, et protégés par des milliers de barrières pour ne pas que le fil du temps ne les capture. Ces périodes difficiles sont, seront et resteront à jamais présentes dans nos itinéraires, nos vies, notre histoire. La guerre ne nous a peut-être pas pris quelqu’un que l’on aime, mais elle nous a laissé une cicatrice dans nos âmes. Voir un de nos frères libanais en peine, nos habitudes se froisser d’un jour à l’autre, ou des familles se noyer dans l’incertitude, équivaut à la peine de la perte d’une personne chère à nos yeux.
Le peuple libanais ressent une fatigue et une lassitude intérieure qu’il n’arrive plus à porter et à surmonter. Nous avons souvent tendance à maudire la personne au bout du fil, à nous dire que l’ennemi n’est qu’un monstre, que le pilote qui nous bombarde n’a pas de cœur, et qu’il ne mérite aucune pitié. Mais en réalité, les autres, c’est nous, ce soi-disant « ennemi » n’a-t-il pas une famille, des rêves, une vie ? Malheureusement, la guerre n’est pas le seul obstacle que doit franchir le peuple. Nos cris d’aide et de douleur demeurent muets à travers tout le monde. Nous sommes épuisés, tristes, démunis d’espoir. Le quotidien n’est à présent qu’une lutte constante, non pas pour vivre, mais pour survivre. Et c’est comme ça que le peuple libanais est ruiné moralement et psychologiquement par la misère. Mais pourquoi nous ? Pourquoi devons-nous subir une telle souffrance alors que d’autres enfants sont apaisés intérieurement et sécurisés physiquement ? Pourquoi est-ce nous qui devons en pâtir ? Pourquoi Dieu nous a-t-il choisis ? D’ailleurs, nous a-t-il abandonnés ? On entend souvent dire que tout ira bien, que tout va s’arranger, mais en réalité, je n’y crois pas vraiment. Toutes ces prières s’adressant au Liban ont-elles vraiment un sens ? Ou n’est-ce qu’une façon de nous rassurer ? Guidez-nous, Très Saint-Père. Soyez la lumière dans nos nuits sombres, l’oasis dans un désert, le repère pour notre pays le Liban qui ne perd jamais et continue de résister, malgré toutes les guerres et les crises. Ce n’est pas en notre nom que nous nous adressons à vous, mais au nom de tout le Liban. Envoyez-nous vos prières, votre support, et votre joie de vivre.
Merci.
