P. Victor Assouad, s.j. : un fou de l'Évangile

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Présenter Victor Assouad est aussi simple que complexe.
Simple, parce que deux mots suffisent : le fou de l'Évangile.Complexe, parce que les quelques questions posées ont dévoilé la profondeur de l'homme, de ses interrogations, de ses projets et de ses rêves.

 

  • 10 août 1959 : Naissance
  • Scolarité chez les Maristes à Champville, jusqu'à la classe de 1re
  • Baccalauréat en France
  • 1977 à 1979 : Années préparatoires à Sainte-Geneviève, à Versailles
  • 1979 à 1982 : HEC
  • 7 décembre 1982 : Entrée dans la Compagnie de Jésus
  • 1982 à 1984 : Noviciat à Minia, en Égypte, suivi de quelques mois (interrompus par la guerre) au Liban pour étudier l'islamologie et les civilisations arabes
  • 1984 à 1988 : Philosophie et Théologie en France
  • 1989 à 1991 : Régence au Liban, à Jamhour (Animateur spirituel chez les Moyens)
  • 1991 à 1993 : Deuxième cycle en Espagne
  • 25 septembre 1993 : Ordination
  • 1993 à 2001 : Retour au Liban, à Jamhour (Père spirituel en Terminale et aumônier national du MEJ)
  • 18 mars 2000 : Derniers vœux
  • 2001 à 2008 : Chargé de la formation des novices au Caire, en Égypte
  • Supérieur provincial pour le Proche-Orient depuis le 8 septembre 2008

 

La vocation

1982, tandis que le Liban vit sous l'invasion israélienne, Victor, étudiant expatrié en France, se pose des questions très concrètes : que faire en sortant de HEC ? Alors que ses camarades de faculté sont, pour la plupart, à la recherche d'un emploi ou d'une situation leur permettant de rester en dehors du Liban, il ressent le besoin de se mobiliser et de mobiliser les autres pour le Liban, pour la paix. Il va encore plus loin, et s'interroge sur la foi et les valeurs de l'Évangile. Son avenir ? Victor a brusquement envie de le consacrer au Seigneur, sans toutefois exclure une éventuelle carrière d'ingénieur. L'alternative, bâtir la paix ou construire des ponts, justifie un retour au pays.

Si l'idée est née, elle ne rejoint pas encore les ambitions de Victor, et le chemin à parcourir jusqu'à la réaliser est long. Mais c'est compter sans l'intervention de l'Appel. Refus, angoisse, volonté de rejeter l'appel. Une étape intense que Victor va vivre. Mais, une fois le pas franchi, que de joie, que de sérénité à s'abandonner dans les bras du Seigneur.

 

Jamhour

Évoquer Jamhour allume dans le regard du P. Victor une lueur d'émotion. Il avoue y avoir passé quelques-unes de ses plus belles et plus riches années, notamment au niveau de la division des Moyens, en tant qu'animateur spirituel. Et d'évoquer les jeux scéniques qui ont célébré les 450 ans de la naissance de saint Ignace de Loyola, en 1991. Ce jour-là, l'église Notre-Dame de Jamhour n'a pas désempli, accueillant à 3 reprises le flot de parents venus assister à la représentation qui retraçait le parcours des premiers Compagnons. Et de se souvenir aussi de certains événements douloureux, comme cette fameuse nuit où quelque six cents élèves ont dormi au Collège, en raison des évènements, ou encore de cette trentaine d'élèves de 12e, contraints de vivre plusieurs jours au Collège, en attendant que leurs parents puissent venir les récupérer.

 

P. Assouad ne s'étendra pas sur les années où il occupait la fonction de père spirituel en classe de Terminale. Mais on ne peut oublier qu'il fut l'instigateur de plusieurs événements. Ainsi, nous lui devons l'idée et la réalisation du spectacle Espérance 2000, la tradition des 24h famine ou la fondation de Rifaq el Darb.

Il nous rapportera la réaction de Marylis Abi Hachem, en 2001, quand elle apprit qu'il était muté en Égypte : « Je ne suis pas triste pour toutes les personnes que tu quittes, je suis triste simplement pour les vieux que tu quittes », lui aurait-elle dit, en faisant allusion à Rifaq el Darb.

 

Provincial : accorder Cura personalis et Cura apostolica

Si, comme les prêtres des autres ordres, les jésuites font vœu de pauvreté, chasteté et obéissance, ils sont tenus d'observer un 4e vœu, celui de l'obéissance spéciale aux missions que le Pape leur confie. Entrer dans la Compagnie, explique le père Victor, signifie être envoyé en mission, là où le besoin l'exige, comme les disciples du Christ.

Le provincial est la personne qui, à l'intérieur de sa province, envoie concrètement les jésuites en mission, au nom du Supérieur général qui reçoit lui-même sa mission du Saint-Père.

La province du Proche-Orient - Égypte, Liban, Syrie et Turquie, - comporte 135 jésuites. Pour placer les hommes qui conviennent aux endroits qui conviennent, le provincial doit aussi bien connaître les hommes que les besoins. C'est ce qu'on appelle d'abord la Cura personalis, qui implique une attention à chacun des hommes et une connaissance approfondie de ses forces, de ses faiblesses et de ses besoins. C'est aussi la Cura apostolica qui, elle, tient compte des besoins de la mission.

 

Vocations et apostolat des laïcs

Questionné sur le chapitre des vocations, P. Assouad se montre confiant. Que le pourcentage actuel de vocations soit en baisse par rapport à il y a 20 ans n'est pas significatif, dit-t-il. Et d'expliquer qu'il y a des vocations tous les ans dans la province du P-O, mais qu'il y a aussi beaucoup plus d'occasions de servir qu'auparavant, comme le montre si bien l'apostolat des laïcs. Il y a peut-être moins de jésuites dans la province, mais il y a tellement de laïcs qui collaborent à la même mission ! Et le provincial se sent responsable de ces quelque 1.000 collaborateurs (animation, formation, motivation, etc.).

 

La jeunesse libanaise

Quand on lui demande son avis sur la jeunesse libanaise, P. Victor déclare se méfier des jugements généraux. Il constate que la jeunesse libanaise reste attachée aux valeurs et à la foi. C'est également une jeunesse qui réussit. Par contre, il s'étonne d'un certain conformisme, qu'on retrouve par exemple au niveau du panorama politique, où les gens sont attachés aux mêmes partis traditionnels, et suivent les mêmes seigneurs féodaux, sans envisager la possibilité de nouvelles voies. Il n'y a pas suffisamment d'idéal, pas de révolte propre à la jeunesse, pas de désir de changer le monde ! Que de tiédeur ! À cet âge, poursuit-il, on rêve d'un monde meilleur, de renouveau ; la foi doit être plus vraie, plus engagée..., les jeunes doivent croire à la fraternité, aux idéaux chrétiens de l'Évangile. Ils auront tout le temps de s'assagir ! Ce qu'il y a d'extraordinaire dans l'Évangile, c'est que c'est une boîte à rêves, qui nous fait espérer, chercher, qui nous donne envie de construire un monde meilleur, et qu'il est surtout possible de réaliser.

 

Rêves

P. Victor, fort de l'Évangile, a de nombreux rêves. Des rêves pour les enfants, pour l'éducation, pour les personnes âgées, pour le Liban, pour la religion, pour l'œcuménisme, pour ceux qu'on croit être nos ennemis...

On rentre dans la Compagnie pour aller vers les plus pauvres, les plus marginaux, dit-il. Il aimerait aller en Afrique, chez les malades, les lépreux, les sidéens, les plus démunis... Au début du mois de janvier, il avait visité à Armant (Égypte), le père Mounir Khouzam qui s'occupe d'une association, Clef de vie. C'est là, nous confie-t-il, qu'il voudrait se rendre plus tard, parmi les plus démunis.

Les jésuites, poursuit-il, côtoient souvent des personnes et des endroits très proches du pouvoir, et d'autres, en pleine misère. Travailler auprès des plus grands et des plus petits, les sensibiliser à la détresse des autres ou améliorer leurs conditions de vie, voilà un aspect exaltant de la mission des jésuites.

L'Évangile demande encore et toujours des personnes qui risquent tout pour sa cause, affirme le P. Victor :

« Si tu ne donnes pas tout, tu ne peux recevoir. La vie nous a été offerte, il faut l'offrir à notre tour. Si tu ne perds pas ta vie, tu ne la gagnes pas. Les fous de l'Évangile sont les véritables gagnants ; ayant tout donné, ils reçoivent en abondance. »

Néda Jamhouri - BCP

Béchara Maroun - SV4

NOUS du Collège 270 - Février 2009