Flânerie en Russie (mardi 21 avril 2009) : Allocution du P.Daccache

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Chers Amis,

Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans notre Collège de Jamhour en langue russe : (dobro pojalovat)

Ce n'est pas la première fois que nous nous retrouvons ici à Jamhour avec la Fédération de Russie ; déjà le dimanche 30 octobre 2005, un rendez vous avait été donné par le Collège et par l'Amicale des Anciens pour vivre une journée pas comme les autres ; sous la pluie, un millier de personnes, des anciens élèves, des parents d'élèves et des élèves avaient vécu la Journée Champêtre sous le titre de Jamhourouv, en la présence de son Excellence Monsieur l'Ambassadeur  Serguei Boukine qui avait parrainé la rencontre. Le père Camille Héchaïmé, jésuite multilingue, avait fait un discours en langue russe avec les mots dont il se souvenait, ce que je ne peux faire aujourd'hui. Différents chants et danses russes, dont le célèbre Kazatchok et une belle messe avec des chants liturgiques russes avaient bien animé notre journée.

L'intérêt pour nous ce soir, dans le cadre de ces flâneries organisées par les Ateliers Culturels du Centre, et à leur tête l'inévitable Mme Joumana Hobeika, est principalement une ouverture de notre minuscule Liban à la grande valeur culturelle, religieuse et politique que représente la Russie dans la vie du monde.

Grande nation de tous les temps parmi les autres nations, pays dont le mot est nécessaire pour la marche du monde, la Russie restera toujours un grand pays par sa place privilégiée, pour jouer le rôle de  balancier en faveur de la paix et de la concorde entre les nations et peser de tout son poids d'ours russe en faveur de la justice et la vraie amitié entre les peuples.

Grande nation qui a su malgré toutes les persécutions  sauvegarder la flamme de la foi religieuse reçue des ancêtres, pays des saints Boris et Gleb, Vladimir et Basile, elle nous enchantera toujours par sa divine liturgie réellement envoûtante jusqu'à l'extase.

Grande nation culturelle par son patrimoine  musical, littéraire, poétique, artistique et scientifique, elle laisse à l'humanité des œuvres éternelles comme celle de Pouchkine, Pasternak, Tolstoi, Tchékov, Tchaikovsky pour son art symphonique et concertant, Rachmaninov aux doigts divins, Rimsky Korsakov, Stravinsky et le chœur russe de voix basses et ténors, capable de traverser tous les cœurs. Comment ne pas se rappeler que c'est cette terre de Russie qui a donné à l'humanité le scientifique Einstein, père fondateur des sciences modernes ?

Comment ne pas se rappeler la présence russe au Liban depuis le 16e siècle ? Entre 1880 et 1915, ce sont plus de 105 écoles primaires et secondaires russes qui ont été fondées au Liban, Palestine et Syrie ; les plus importantes étaient celles de Homs, Soueifate, Kfarchima, Btéghrine, Beyrouth, rue el mama, en référence à une missionnaire russe installée dans une école - l'Ambassade russe en a occupé la place - Amioun, Tripoli. Les élèves les plus brillants ne se comptaient pas, certains allant jusqu'à poursuivre leurs études à Moscou même, comme le célèbre Nouaimé, Khalil Baydas, Kulthum Audi... À titre d'exemple, en 1882, le grand duc Sergius, cinquième enfant d'Alexandre II, César de Russie, fonda "La société Impériale Palestienne". À sa mort en 1905, sa veuve Élizabeth Fiodororna, fille de Louis XIV, lui succéda à la tête de cette société.

Le bureau de la société était à Nazareth au Palestine. Là, une école de formation d'instituteurs fut instituée, dans le but de les envoyer dans toutes les écoles de Palestine, de Syrie et du Liban. Quant au bureau central de la société, il était situé à Petersberg en Russie. Cette société s'intéressa aux villes et villages à majorité orthodoxe, choisissant les meilleurs élèves  pour les envoyer continuer leurs études à Nazareth, à Beit Jala en Palestine, et même en Russie, pour y effectuer leurs études supérieures, comme l'auteur Mickael Nouaymé de Baskinta. Étant l'un des plus grands villages du "Metn" avec une majorité d'habitants orthodoxes, Bteghrine eut la chance d'avoir deux écoles : l'une pour garçons, sur les biens de l'église Saint Georges, l'autre pour filles, sur les biens de l'église Saint Michael.

Les deux églises furent construites aux frais des paroisses et accueillirent les étudiants dans la première décennie du XX siècle, sous la responsabilité de M. Issa al Maalouli de la Bekaa Ouest. Le programme d'enseignement comprenait les langues arabe et russe et le calcul. L'école russe resta fonctionnelle jusqu'à la première guerre mondiale. L'enseignement ainsi que les livres et les fournitures scolaires y étaient gratuits. Des dizaines d'étudiants en profitèrent et y apprirent parfaitement la langue russe ; plusieurs de ses étudiants revinrent pour y enseigner, par eeample M. Nemer Diab Saliba et M. Khattar Eid Harik. À la fermeture de l'école, ils fondèrent des écoles privées. À cette époque, le salaire des instituteurs était insignifiant et souvent constitué de matières nutritives. Les manuels utilisés étaient les mêmes qu'auparavant "Al Siraj al Mounir" et "Les Cantiques".

Comment ne pas se rappeler le rôle qu'a occupé la Russie, du temps de l'Union soviétique,  celui du pôle essentiel dans la formation académique universitaire, dans la mesure où l'on compte plus de 6.000 universitaires libanais, médecins et ingénieurs, hommes de lettres et politologues, qui ont fait leurs études en Russie ? Le Liban n'a cessé,  depuis des siècles, d'avoir des relations privilégiées avec cette grande nation.

Cette grande nation ne cessera d'attirer notre regard vers ce qui est non seulement grandiose, mais ce qui est profond et touche l'humain et le plus humain en nous. Les pères jésuites de la Compagnie de Jésus, surtout ceux de la France, avaient compris l'enjeu et avaient fondé à Meudon, en France, un grand centre culturel russe ; de même nous n'oublions pas que lorsque la Compagnie de Jésus avait été abolie par le Vatican en 1773, et interdite d'activité en Europe, seule la Russie de Catherine la Grande et l'Orthodoxe a accepté de nous loger, nous catholiques serviteurs de la papauté ; en ce sens, nous, descendants de Saint Ignace, sommes redevables à la Russie. Des liens privilégiés nous lient à elle jusqu'à aujourd'hui, de même que notre Liban tisse des siècles d'amitié et de confiance avec la Russie.

Permettez moi de dire à la fin en russe : merci spassiba pour votre présence autour de la Russie et spassiba à ceux et celles de l'Ambassade russe et du Centre sportif, social et culturel de Jamhour  qui ont préparé cette rencontre. Ce n'est qu'un au revoir dasvidania.

Vive le Liban et vive la Russie