Nous du Collège n°270, février 2009
Éditorial du Nous du Collège n°270
Par Salim Daccache, s.j., Recteur
Dans le dossier de ce numéro du Nous du Collège, de jeunes rédacteurs ont voulu s'exprimer, sous le titre quelque peu provocateur « Le Monde est à nous !» pour expliquer comment ils conçoivent leur place dans le monde de demain. C'est ainsi qu'ils se voient citoyens de ce monde, bâtisseurs d'un Homme plus libre et plus engagé, rénovateurs des systèmes sociaux et politiques. Artistes dessinant un monde plus authentique, comptant sur leur sens impressionniste et immédiat. Professionnels de la science et des lettres, soucieux de l'environnement naturel et humain. Hommes et femmes solidaires les uns des autres dans un monde où la compétition fait rage...
Dans ma contribution à ce dossier, je me concentrerai sur un seul point : comment me préparer dans le quotidien de la vie scolaire, au niveau de mes activités les plus variées et de mes études, pour être et agir dans le monde de demain, qui sera le mien ?
S'il est vrai que les critiques adressées au programme scolaire lui reprochent son décalage d'avec la réalité vécue, il me revient pourtant en mémoire les paroles d'un illustre ancien, s'adressant en ces termes à ses jeunes cadets : « Soyez attentifs, tout ce que j'ai reçu comme savoir et méthodes, surtout au cours du cycle secondaire, je l'ai réinvesti dans mes études universitaires et aujourd'hui, dans ma vie professionnelle... J'avais un profond plaisir d'apprendre et d'expérimenter ; pour moi et pour de nombreux camarades, la vie scolaire était une aventure de formation de l'intelligence, du corps, du cœur et de l'esprit. »
Cette déclaration, venant d'une personne ayant fait l'expérience de Jamhour il y a une trentaine d'années, fixe les repères nécessaires et éclaire ceux qui sont pressés de saisir le monde de demain et de s'y engager. Autrement dit, celui qui veut et choisit de prendre le monde en charge doit acquérir, en marge de la réussite scolaire, certaines compétences à développer et à assumer, en prévision de la vie adulte :
Dans le domaine des études
Faire des choix et ne pas s'enfermer dans le virtuel
Il ne faut pas croire que ces compétences ne peuvent être acquises que sur les bancs de l'école. Si beaucoup d'entre elles sont découvertes et lentement assimilées pendant les heures de classe, d'autres sont mûries au cours des activités parascolaires, sportives, artistiques, sociales ou pendant les temps conviviaux des récréations. La maison, cadre par excellence de la vie familiale, est aussi responsable de l'acquisition de ces compétences, dans la mesure où la discipline de vie et des valeurs est un souci permanent et vital. L'interaction entre l'école, lieu de transmission du savoir et lieu de vie communautaire, et la maison aide le jeune à mieux se situer par rapport au monde qu'il a à accueillir et dans lequel il doit trouver sa place.
Des compétences ? Oui, elles sont nécessaires pour affronter le monde de demain, mais elles ne peuvent être acquises sans un milieu favorable qui les porte. L'Espérance et la confiance, ces deux vertus, portées par l'amour, permettent de donner un sens à la vie et de vivre l'ordinaire du quotidien comme quelque chose d'extraordinaire. L'Espérance et la confiance font de nous, dès aujourd'hui, des êtres passionnés qui veulent vivre le quotidien au service de l'autre. L'Espérance, c'est croire que tout est possible, que l'on est aimé et apprendre à aimer. Comment ?
Comment l'espérance et la confiance nous préparent-t-elles à recevoir le monde et à le changer ?
Imaginons un randonneur qui décide d'entamer une longue promenade en haute montagne. Que de préparatifs vont précéder cette randonnée ! Il va réfléchir au meilleur itinéraire, au matériel nécessaire, à l'équipe qui l'accompagnera, aux risques à prendre, aux obstacles à éviter... Chaque pas sera mesuré, chaque choix sera pesé sur ce chemin où, en dépit de toutes ses compétences seuls, la volonté, l'espérance, l'effort et la confiance en l'autre lui permettront d'avancer, de réussir et d'atteindre son objectif.
Se préparer pour que le monde soit à nous, pour aimer et participer, avec et pour les autres, à la création d'un monde réconcilié avec lui-même, d'un monde solidaire, d'un monde plus respectueux de l'environnement et d'autrui, suppose autant de préparation, autant de réflexion. Ceci n'est possible qu'avec le don de soi, le dépassement de soi, et l'amour jusqu'à la passion.
Saint Paul, dont nous célébrons cette année les 2.000 ans, était habité par l'amour d'une personne. C'est sur la route de Damas, alors qu'il s'apprêtait à aller persécuter les croyants, qu'il fut bousculé par Jésus-Christ. Une fois à terre, il s'est laissé pénétrer par l'amour de Jésus-Christ ; son avenir désormais était tracé, il était devenu un témoin et un annonceur de la Vie.