Un Cercle récré-actif en Seconde

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« Règle no1 : pas de jugement de valeur. Respect des idées et réflexions de tous. Règle no2 : discrétion totale relative aux expériences personnelles abordées ou racontées ici. Règle no3 : aucune obligation de participation et respect du mode récréatif ; il est permis de manger, boire, partir, revenir, ne pas revenir, manifester son désaccord pour pouvoir en discuter. »

C’est sur ces mots que commence notre petite aventure intellectuelle au sein du « Cercle récré-actif », un groupe dont le principe a été de réunir d’abord une vingtaine de curieux parmi les élèves de 2de3 et 2de7 en dehors des heures de cours, pour traiter de sujets variés hors du cursus scolaire. L’initiative a été lancée en février 2015 par Mme Dima de Clerck, notre professeur d'histoire-géo, lorsqu’elle a réalisé pendant le premier semestre que les questions posées en classe grignotaient les heures de cours déjà restreintes, et étaient trop importantes et intéressantes pour être négligées. L’écho a été positif. Quelques élèves ont commencé à l’aider pour la mise en place du dispositif de rencontre, Myriam Saniour et Sereina Ghattas pour la 2de3 et Karl Kamar pour la 2de7. À vrai dire, Mme de Clerck n’y croyait qu’à moitié, tellement nous sommes tous sollicités ailleurs par de nombreuses activités...

Notre Cercle commence à prendre forme. Nous sommes connectés sur Whatsapp et nous adoptons pour mascotte le dieu lunaire Thot, détenteur de la connaissance et inventeur de l’écriture qu’il utilise pour diffuser son savoir, ce qui le rend menaçant aux yeux des autres dieux de la mythologie égyptienne, car qui détient le savoir, détient un pouvoir certain (thème abordé d’ailleurs lors de notre première rencontre).

En cours de route, le groupe ne cesse de grossir pour s’ouvrir même à des élèves curieux d’autres secondes. Au sein du Cercle, l'atmosphère est détendue et la liberté de pensée et d'expression régit nos rencontres récré-actives hebdomadaires, adaptées à la disponibilité de la majorité. L'histoire et la géographie, tout comme d’autres disciplines qui les côtoient au sein des sciences humaines et sociales (sociologie, anthropologie, psychologie ou philosophie), suscitent la curiosité des élèves, surtout lorsque ces sujets dépassent le programme scolaire. Malheureusement, ce programme et les cours d'histoire limités ne nous offrent pas assez l'occasion d’aborder d’autres thèmes, ni même de gérer le trop plein d’informations que nous ingérons au quotidien dans notre monde moderne et rapide, ce qui nous laisse sur notre faim, et ce depuis les petites classes. Pourtant cette année fut différente, dans le sens où nous avons eu la possibilité d'élargir nos horizons et remettre en question certains de nos préjugés.

Ainsi, les thèmes abordés furent variés : la liberté, la vérité, l’articulation entre l’individu et le collectif, la différence entre chiisme et sunnisme, les chrétiens d’Orient, quelques pans de l’histoire du Liban, le conflit israélo-arabe, les limites de la liberté d’expression en Occident, etc. Les séances de la fin tournèrent notamment autour de l'actualité : conflits régionaux, géopolitique internationale, extrémismes et fondamentalismes religieux auxquels notre société est confrontée, etc. Nous avons eu des éclaircissements sur nos origines, nos racines, les « communautés de mémoire » auxquelles nous appartenons depuis notre naissance et dont nous ne savions presque rien. Nous nous sommes également attardés sur la guerre du Liban, que nous connaissons mal du fait des différents tabous qui étouffent son évocation : période encore toute récente, traumatique, honteuse et controversée. L’entrée en matière commence par un documentaire adressé aux jeunes libanais : « Badna na3rif » (Nous voulons savoir), basé sur un projet élaboré conjointement par l’International Center for Transitional Justice et le CEMAM, le centre de recherche de l’USJ.

L’impact est immédiat : nous nous sommes sentis plus concernés et touchés par ces temps difficiles qui ont précédé notre naissance, et dont nos parents furent témoins. Lors d’une séance, nous avons même partagé ce que nos parents ont bien voulu nous raconter de leurs expériences de guerre après les avoir interrogés à la suite du film. Parallèlement aux rencontres, le 8 avril, pendant les vacances de Pâques, une escapade est organisée. Quelques unes d’entre nous accompagnent Mme de Clerck à l’AUB pour assister à une conférence donnée sur les disparus du conflit libanais.

En moyenne, vingt participants environ se sont retrouvés toutes les semaines à la récré jusqu’au dernier jour de cours. De ce fait, des liens et des amitiés se sont tissés entre nos deux classes, renforcés par les discussions informelles qui jaillissaient constamment sur Whatsapp, sous l’œil vigilant et bienveillant de Mme de Clerck. Ces rencontres ou « séminaires », un peu comme à la fac, ont également permis à certains élèves qui généralement ne sont pas intéressés par le cursus classique d’en faire partie intégrante. De cette expérience, nous ressortons plus unis, forts de ce sentiment d’avoir partagé une expérience commune, hors des sentiers battus. Nous espérons que le Cercle continuera d’être actif l’année prochaine. D’ici là, nous allons certainement le nourrir sur Whatsapp d’affiches et d’invitations à participer à des activités culturelles.

Nous ne remercierons jamais assez Mme de Clerck pour cette belle initiative et cette expérience enrichissante. A suivre !

Tia Abi Aad 2de3 et Marina Hoyek 2de7