La Croix : L’influence des écrans sur les enfants fait débat

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Des chercheurs se mobilisent contre un avis rendu par l’Académie des sciences sur «L’enfant et les écrans».

Laisser les enfants devant les écrans, une bonne idée ? Les avis se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Le dernier en date, rendu le 17 janvier 2013 par l’Académie des sciences intitulé « L’enfant et les écrans » a de quoi surprendre.

Loin d’être alarmiste sur l’usage des écrans, il préconise un usage raisonné et encadré pour stimuler l’intelligence des enfants, à tous les stades de son développement, de la petite enfance à l’adolescence. L’usage des écrans, précise aussi l’Académie, peut se faire dès le plus jeune âge, notamment en maternelle.

Ne pas minimiser les effets des écrans

Un avis qui fait bondir Michel Desmurget, directeur de recherche en neurosciences à l’Inserm, Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale, Bruno Harlé, pédopsychiatre, et une soixantaine d’autres chercheurs qui s’associent à une tribune parue le 8 février dans le journal Le Monde, intitulée, sans équivoque, «Laisser les enfants devant les écrans est préjudiciable».

Pour ces signataires, l’Académie des sciences a tort de minimiser les effets de la télévision, d’Internet et des jeux vidéos sur les jeunes. Cette controverse peut laisser les parents désemparés, face à la place à accorder aux écrans dans l’emploi du temps des enfants. D’autant que les offres de jeux, et d’applications séduisantes ne manquent pas, y compris pour les plus jeunes d’entre eux. Qui croire ? Comment se décider ?

Un rapport de non spécialistes

Pour Michel Desmurget, il n’y a aucun doute : l’usage des écrans dans l’enfance ne rend certainement pas plus intelligent, qu’il s’agisse de les regarder passivement (la télévision) ou «activement» (ordinateurs, tablettes tactiles). «Ce rapport de l’Académie des sciences a scandalisé une grande partie de la communauté scientifique», nous confirme-t-il.

«C’est un rapport de lobbying plutôt qu’un travail scientifique. De plus, on peut s’interroger sur le fait qu’un rapport aussi important soit confié à des non spécialistes car les membres du groupe de travail ne sont pas, dans leur grande majorité, experts du domaine, à commencer par le premier signataire du texte, spécialiste du système immunitaire.»

Avec humour, il interroge : «Confie-t-on à un spécialiste des écrans, la rédaction d’un avis sur les allergènes du jaune d’œuf ?»

Erreurs et imprécisions

Les auteurs de la tribune ont par ailleurs relevé des erreurs, des imprécisions et autres «arrangements avec la réalité».«Fâcheux dans un texte censé faire référence. Étonnamment, les effets massifs et reconnus des écrans sur plusieurs grands problèmes de santé publique sont eux aussi presque totalement oubliés des académiciens. Rien sur la sédentarité et ses effets sur l’espérance de vie, rien sur l’alcoolisation et le tabagisme (…) rien sur les troubles du comportement alimentaire, rien sur la violence scolaire, etc.»

Investir plutôt dans la formation de professeurs

Selon Michel Desmurget, les institutions scolaires font aussi fausse route. «Alors que les écoles françaises s’équipent en technologies numériques et tablettes interactives dès le plus jeune âge, certaines écoles américaines, à New York notamment, enlèvent les ordinateurs des classes car ils ont des effets délétères. Là-bas, on préfère désormais investir dans la formation des professeurs, plutôt que dans le matériel. Parce qu’ils ont compris, comme le confirment nombre d’études, que former les profs est bien plus utile qu’équiper tous les enfants en tablettes numériques.»

MARIE AUFFRET-PERICONE


Des chercheurs assurent qu’il ne faut pas minimiser les effets des écrans sur les enfants.