Mot de M. Sélim Bassoul à l’occasion du départ de la Promotion 2019

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Monsieur le Président de la République, le Général Michel Aoun,
Révérend Père Recteur,

Révérends Pères,
Chers Parents et amis,
Chers élèves de la promo 2019,

J’ai l’honneur d’être avec vous ce soir, pour cette grande célébration, dans cet endroit où tout a commencé pour moi.

De toute ma vie, je n’aurais jamais cru pouvoir être le parrain d’une promotion à Jamhour. Cela tient du miracle, surtout en la présence du Premier Libanais, son Excellence le Président de la République, le Général Michel Aoun !

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Ce Collège, que je n’ai jamais aimé, que j’ai vraiment haï, et qui m’a accueilli pendant 13 ans, m’honore aujourd’hui. Quel paradoxe ! Je n’ai jamais aimé Jamhour parce que j’étais un enfant turbulent, dyslexique, déficient de l’attention, hyperactif, ayant des résultats scolaires médiocres, pour ne pas dire catastrophiques. Venant d’une famille modeste, entouré de camarades studieux et riches, j’ai beaucoup souffert dans ce Collège. Inadapté socialement aux besoins et aux exigences du Collège, j’ai accumulé échecs, renvois et déceptions. Mais malgré ce sombre tableau, il y a dans ce Collège des personnes qui ont cru en moi.

En premier, le Révérend Père Jean Dalmais, qui est avec nous ce soir, qui a voulu que je continue toutes mes études à Jamhour – malgré tout –, m’a accompagné et a été un soutien indéfectible pour ma mère et pour moi. Ma mère a passé toutes ces années à plaider ma cause auprès des préfets et des recteurs, pour me donner et redonner une seconde chance. Maman, de tout cœur, merci !

Par ailleurs, le Révérend Père Madet a dit un jour à mon père, qui était passé le voir pour le remercier : « Sélim ira très loin, tout le monde va parler de votre fils, M. Bassoul. Vous allez voir. » Et, miracle, il n’a pas eu complètement tort.

Imaginez-vous, du dernier de classe à Jamhour, j’ai été major de promotion à l’AUB sur 3 ans et de même à Kellogg Northwestern University à Chicago. À 38 ans, je suis devenu CEO de Middleby, la plus grande compagnie des appareils électroménagers au monde et le leader de la Robotique aux USA. Je dois tout cela au Père Madet.

Je dois vous avouer que certains jésuites ont une intuition exceptionnelle. Ils sont comme des X-ray machines. Ils voient ce que nous ne voyons pas.

Ce que vous ne savez pas, et que Père Dalmais peut confirmer aujourd’hui : en 100 ans dans l’histoire du Collège, j’ai été le seul à Jamhour à avoir échoué au bac ! J’ai brisé le record. La guerre venait de commencer et, n’ayant accès à aucune aide financière et, de surcroît, dépourvu de diplôme officiel, mon destin semblait condamné.

Cependant, cet élève qui a échoué à tous les niveaux a complètement changé la donne. J’ai réussi à transformer l’échec scolaire total en une réussite professionnelle exceptionnelle. En gros, un élève à Jamhour pire que moi, c’était impossible : If I made it, you all can make it. I urge you to think out of the box, be creative, be contrarian, be bold, take risks, fail and stand up, fail again and stand up again.

Chers élèves, ce Collège m’a appris la rigueur, le hard work, le savoir, le know how, l’ambition et surtout le give back. Les Jésuites ne m’ont pas dit ce que je devais penser mais ils m’ont appris à penser.

Ce Collège a forgé en moi le sens de l’amitié, que je garde avec quelques-uns de ma classe depuis plus de 50 ans. Un de ces amis se trouve parmi nous ce soir, c’est Anis Barakat. Ce lien d’amitié est unique au Collège. Ces amitiés sont pour la vie. Je me rappelle que, dans le film The Godfather, Don Corleone dit la chose suivante à son fils Michael :

« You do not choose your family, but you choose your friends. Friendship is as important as family. My son, choose well. » 

Et dans ce Collège, vous avez la chance de bien choisir.

Les jeunes, je vous invite à bouger, à voyager, à partir à la découverte de nouveaux horizons. Mais, surtout, n’oubliez jamais vos racines. Mon expérience m’a appris que le Libanais peut quitter le Liban, mais le Liban ne quittera jamais le cœur du Libanais. J’ai voyagé partout dans le monde, de la Chine aux USA… 40 ans plus tard, je n’ai jamais oublié d’où je venais.

Chers parents, nous partageons, ce soir, quelque chose que nous avons en commun. Mon fils Antoine, lui aussi, recevra son diplôme de MBA la semaine prochaine à Chicago. Comme vos enfants, il commence un nouveau chapitre de sa vie.

Le premier conseil que je lui ai donné était d’être surtout patient et persévérant. Les accomplissements, les grandes et les vraies réussites prennent du temps, nécessitent un travail dur, de la volonté et de l’amour. Cher Président de la République, vous incarnez pour nous ces valeurs humaines auxquelles nous tenons. Vous avez enduré beaucoup dans votre vie : après un exil d’une quinzaine d’années, vous êtes revenu au pays pour continuer votre combat au service d’un Liban souverain et libre.

Le second conseil que j’ai donné à mon fils, outre la patience, c’est l’humilité, chers amis. Une vraie réussite ne va pas avec l’arrogance ni avec la prétention. Je m’adresse à vous, comme à mon fils, en vous disant : Gardez vos pieds sur terre pour atteindre les plus hauts sommets. Les grandes âmes sont celles dont l’esprit est resté simple et humain.

Et, parlant d’humain, je pense à ma tante religieuse, Mère Yvonne Bassoul, qui m’a toujours inculqué le sens du give back. C’est elle qui a inspiré ma femme et moi la création de Bassoul Dignity Foundation pour aider des milliers de personnes à travers le monde et spécialement au Moyen-Orient. Je me rappelle, à ce propos, que mon ami Mohamed Ali Clay, le grand boxeur, m’avait un jour confié : « Service to others is the rent you pay for your room here on earth. » Autrement dit, servir les autres est le prix qu’on doit payer pour mériter notre place sur terre.

Je vous assure que rien au monde ne vaut le sourire d’un enfant qui, ayant tout perdu, reçoit le soutien et l’aide de notre association. Si j’ai été sensible aux besoins d’un très grand nombre de personnes de par le monde, c’est parce j’ai vécu quelque chose de similaire dans ma propre vie…

Chers élèves de la promo 2019, j’espère qu’un jour vous reviendrez, 40 ans plus tard, à Jamhour, comme moi, et que vous parlerez non seulement de vos accomplissements professionnels, mais également de ce que vous aurez offert au monde afin de combattre les pires injustices. N’ayez pas peur d’aller à l’autre bout du monde pour aider toute personne qui aurait besoin d’aide et d’amour.

Père Batour, après vous avoir confié mon bien le plus précieux, ma petite Magalie, élève en Petite Section, je voudrais également vous offrir quelque chose qui est de moindre importance mais qui est aussi très utile. À ce Collège que j’ai tant détesté mais qu’au fond j’aime tant, j’offre un million de dollars de ma propre sueur. Ce don, qui s’ajoutera à l’Endowment Fund du Collège, aidera, dans les années à venir, beaucoup d’élèves et de parents qui seraient dans le besoin.

De plus, je partage votre vision avant-gardiste de vouloir fonder une Académie de Robotique et d’Intelligence Artificielle au Collège. Je mets entièrement à votre disposition mon expertise et mes relations dans ce domaine. Vous pourrez continuer à compter sur moi pour concrétiser ce projet pilote, le premier au Liban, au service de la jeunesse de notre pays.

Chers élèves de la Promo 2019, voilà ce que j’ai voulu partager avec vous, quelque chose de très personnel qui, je l’espère, vous aidera à avoir toujours confiance dans la vie.

Merci de votre attention.